Dans un contexte de tensions accrues entre la population et les autorités, la République islamique d’Iran a transformé le football en véritable bataille idéologique. A l’heure actuelle, il est légitime de se demander si l’équipe qui représente l’Iran est vraiment une équipe nationale ou juste un outil entre les mains du régime des mollahs.
La convergence du mouvement populaire « Femmes, vie, liberté » avec la Coupe du monde 2022 au Qatar a électrisé cette lutte dans les rues iraniennes, poussant certains à soutenir les équipes adverses. Certains ont même acclamé l’équipe des Etats-Unis après la défaite de l’Iran. Dans cet affrontement, plusieurs jeunes ont été victimes de la brutalité du régime.
Ceux qui soutiennent que l’équipe actuelle est « l’équipe du régime » avancent plusieurs éléments, dont le penchant du régime pour l’anti-méritocratie et le contrôle idéologique, y compris dans le domaine sportif. Sous l’emprise totalitaire du régime fondamentaliste, aucune sphère de la vie n’échappe à l’intervention du gouvernement. Le régime accorde des privilèges particuliers aux footballeurs, notamment des importations de produits de luxe exemptes de droits de douane ainsi que des salaires généreux financés par l’État. Ces avantages motivent les joueurs à promouvoir la rhétorique du régime, comme l’a fait Qala Noui qui, après une victoire, a exprimé sa gratitude à l’égard de l’intervention divine.
Par ailleurs, la machine de propagande du régime fonctionne à plein régime dans le monde du football. Le régime associe les succès du football aux réalisations nationales, en glorifiant les rencontres des joueurs avec les hauts fonctionnaires et en les inondant d’éloges.
Aussi, les footballeurs font l’objet d’une surveillance permanente, la moindre parole ou action de leur part est scrutée à la loupe. Leurs familles ne sont pas épargnées par les intimidations, ce qui renforce l’emprise du régime sur la personnalité publique du joueur. Dans tous les cas, les footballeurs restent alignés sur le discours du régime, perpétuant son agenda indépendamment des résultats des matchs.
Les gens attendent d’une équipe nationale qu’elle les accompagne dans leurs joies et leurs peines, ce que l’équipe de football actuelle ne fait pas aux yeux de nombreux Iraniens, qui lui rendent la pareille en lui tournant le dos.
À l’inverse, les partisans de l’équipe en tant que sélection nationale offrent une version plus contrastée. Ils affirment que de nombreux joueurs sont des professionnels basés en Europe, sélectionnés en fonction de leur talent et non de leur allégeance politique. Si le régime exploite les joueurs à des fins de propagande, cela ne démontre pas leur allégeance. Certains joueurs ont même fait preuve de dissidence en soutenant des manifestations comme celles du Mouvement vert en 2009, ce qui démontre leur indépendance du régime.
Toutefois, le problème n’est pas dans le fait que quelques joueurs expriment leur solidarité avec les manifestants, mais l’attitude de l’équipe dans son ensemble.
Les victoires de l’équipe suscitent une ferveur nationale qui transcende les affiliations au régime. Malgré les interactions forcées avec des personnalités du gouvernement, les joueurs savent à quoi s’en tenir et ne se font pas d’illusions sur leur rôle en tant que « symboles de la fierté nationale ». Leur mission n’est pas de soutenir l’insurrection, mais de représenter l’Iran sur la scène internationale.