Nouvelle tempête « sadriste » au cœur de Bagdad

Les manifestants ont quitté le bâtiment du parlement irakien dans la zone verte fortifiée, enclave hautement sécurisée située dans le centre de Bagdad, après l’avoir prise d’assaut plus tôt dans la journée de mercredi pour protester contre la nomination de Mohammed Shia Al-Soudani au poste de premier ministre par le Cadre de coordination, une alliance de factions chiites pro-Iran.

Les forces de sécurité se sont déployées dans la zone verte et ont repris le contrôle du bâtiment du parlement, selon les médias locaux.

Pour dénoncer la candidature de l’opposant de Moqtada al-Sadr au poste de Premier ministre, des centaines de manifestants fidèles au mouvement « sadriste » ont pris d’assaut le bâtiment du parlement dans la zone verte, qui abrite des institutions gouvernementales et des ambassades étrangères.

Environ deux heures après la prise d’assaut, Moqtada al-Sadr a appelé ses partisans dans un tweet à se retirer. Il a écrit : « C’est une révolution de réforme et de rejet de l’oppression et de la corruption. Votre message est entendu, chers amis, car vous avez terrifié les corrompus… Rentrez chez vous en toute sécurité. »

À la suite de cet appel, les manifestants ont immédiatement commencé à se retirer du bâtiment du parlement, selon l’Agence France Presse.

Neuf mois après les élections législatives anticipées d’octobre 2021, l’Irak n’est toujours pas sorti de l’impasse politique. Les négociations et les tentatives de consensus pour nominer un Premier ministre parmi les membres des partis chiites qui dominent la scène politique du pays depuis 2003, n’ont abouti à aucun résultat.

Malgré la répression des forces de sécurité qui ont tiré du gaz lacrymogène pour empêcher les manifestants d’avancer vers le Parlement, la foule a réussi à pénétrer dans le bâtiment et a pris d’assaut sa salle principale, agitant des drapeaux irakiens et des portraits de Moqtada al-Sadr.

Un manifestant du nom de Bashar a déclaré à l’Agence France Presse depuis l’intérieur du parlement : « Nous sommes entrés pour exprimer le rejet de tout le processus politique… Nous ne voulons pas d’un gouvernement consensuel, nous voulons une personne indépendante au service du peuple. Nous partirons ou resterons selon les instructions. »

Après la prise d’assaut de la zone verte, le Premier ministre irakien Mustafa Al-Kadhimi a déclaré dans un communiqué que les manifestants « doivent respecter leur sécurité et les instructions des forces de sécurité chargées de leur protection, conformément aux réglementations et aux lois ». Dans un second communiqué, il les a appelés à « se retirer immédiatement de la zone verte ».

Des responsables du mouvement sadriste, dont Hakim al-Zamili, qui était le vice-président de la Chambre des représentants avant sa démission du Parlement, se sont rendus sur les lieux et ont sommé les manifestants de se retirer, a confirmé un responsable du ministère de l’Intérieur.

La manifestation a été lancée dans l’après-midi depuis la place Tahrir située dans le centre de la capitale. Les manifestants se sont ensuite dirigés vers les portes de la zone verte en passant par le pont al-Jumhuriya.

Ali Al-Shammari, un manifestant de 40 ans a déclaré : “Nous sommes sortis pour exiger un changement de la classe politique corrompue… Je rejette la nomination de Mohammad Al-Soudani parce qu’il est corrompu… Nous rejetons Al-Soudani et quiconque proposé par [le Cadre de coordination.]”

De même, Mohammed Ali, 41 ans, travailleur journalier, a indiqué qu’il manifestait “contre les corrompus au pouvoir”. « Je suis contre la candidature d’Al-Soudani parce qu’il est corrompu et adepte d’Al-Maliki. Ils sont tous corrompus, [le Cadre de coordination] est corrompu. La seule personne qui revendique les droits du peuple aujourd’hui est Moqtada al-Sadr. »

Le Cadre de coordination, composé de blocs chiites, notamment “la Coalition de l’État de droit” dirigée par l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki, et le bloc “Fatah” qui représente les factions pro-iraniennes de la “mobilisation populaire”, a nommé l’actuel vice-ministre et l’ancien gouverneur, Mohammed Shiaa al-Soudani, issu de la classe politique traditionnelle, comme candidat.

Au sujet de la dernière manifestation, le Cadre de coordination a publié une déclaration affirmant que “depuis hier, il y a des mouvements et des appels suspects qui poussent au chaos, à la sédition et à la déstabilisation de la paix civile”.

Il a estimé que “ce qui s’est passé aujourd’hui comme événements accélérés, et le fait de permettre aux manifestants d’entrer dans la zone spéciale du gouvernement et de prendre d’assaut le parlement… ainsi que l’échec des forces concernées à remplir leur devoir, éveillent grandement les soupçons”.

Al-Soudani, 52 ans, a été membre du parti Daawa et de la Coalition de l’État de droit dirigée par al-Maliki, jusqu’à ce qu’il en démissionne lorsque son nom a été proposé pour le poste de Premier ministre en 2019, mais les manifestants ont alors rejeté sa candidature.

En Irak, les trajectoires politiques sont souvent longues et laborieuses en raison de divisions importantes, de crises diverses et de l’influence de puissants groupes armés. Les événements de mercredi risquent d’assombrir davantage le paysage politique, et les opposants de Sadr continueront à tenir leur session parlementaire pour élire le président de la République, puis nommer le Premier ministre, comme l’exige la Constitution.

Al-Sadr, principal acteur de la scène politique irakienne, rappelle souvent à ses adversaires qu’il bénéficie encore d’une large assise populaire et d’une influence sur la scène politique, même si son mouvement n’est plus représenté au parlement. Les 73 députés du mouvement sadriste ont démissionné du parlement en juin dernier, après y avoir occupé le plus grand nombre de sièges.

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