Middle East Online : Le Qatar possède-t-il une baguette magique ?

Les négociations indirectes entre les Américains et les Iraniens accueillies par Doha sont considérées comme un important développement. Mais la République islamique a-t-elle fait suffisamment de concessions pour garantir un retour à la table des négociations et le retrait des “Gardiens de la révolution” de la liste du terrorisme ?

C’est la grande question qui s’impose face aux pressions internes exercées sur l’administration Biden afin qu’elle refuse de se plier aux conditions iraniennes. Ces pressions sont exercées par l’intermédiaire du Congrès, des républicains en général et par une bonne partie des démocrates à la Chambre des représentants et au Sénat.

L’importance des négociations américano-iraniennes n’est pas liée à l’endroit où elles se dérouleront (le Qatar). Son importance est surtout liée au moment où elles ont lieu.  

Ces négociations démarrent moins de trois semaines avant la visite historique que le président Joe Biden entend effectuer au Royaume d’Arabie saoudite. Ce n’est un secret pour personne que l’Iran s’inquiète de la visite de Biden en Arabie saoudite au moment où les pays de la région expriment des craintes vis-à-vis de son projet d’expansion et du rôle joué par ses milices.

L’Iran ne souhaite visiblement pas rester en marge des développements qui s’opèrent dans la région et dans le monde, surtout après l’impact des sanctions américaines sur son économie. La levée des sanctions semble être une priorité pour le régime iranien qui est désormais presque entièrement contrôlé par les gardiens de la révolution.

Le régime iranien tentera de profiter au maximum de la décision européenne de se passer du pétrole et du gaz russes. Cette décision bénéficie du soutien illimité du G7, dont les dirigeants se sont réunis en Bavière. Il ne serait pas normal pour la « République islamique » de ne pas profiter de la guerre en Ukraine provoquée par Vladimir Poutine pour surmonter sa crise économique alors que les États arabes du Golfe profitent largement du prix élevé du pétrole et du gaz.

Il y a un intérêt mutuel entre le Qatar et l’Iran. Les deux pays partagent l’un des gisements de gaz offshore les plus importants au monde. Il ne fait aucun doute que le Qatar a besoin d’échanges avec la République islamique s’il veut augmenter sa production de gaz pour répondre aux besoins croissants de la planète. Ce besoin lui a probablement facilité son rôle de médiateur entre l’Iran et les Etats-Unis, car l’administration comprend un groupe influent sur lequel l’Iran a une emprise et cherche à prendre en compte le raisonnement naïf de Barack Obama qui avait un point faible envers tout ce qui est iranien.

En tout cas, il semble clair que la République islamique a pris soin d’établir l’atmosphère adéquat pour la relance des négociations avec les Américains et les Européens.

Ce n’est pas un hasard si l’Iran a accepté de prolonger la trêve au Yémen, sachant que les décisions des Houthis dépendent entièrement de Téhéran. Ce n’est pas non plus un hasard qu’il soit disposé à ouvrir des lignes avec l’Arabie saoudite, et cela a été démontré lorsque le président iranien Ibrahim Raissi a reçu le Premier ministre irakien Moustafa Al-Kazimi. Al-Kazemi était arrivé à Téhéran en provenance de Djeddah où il avait rencontré le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman…

Dans tous les cas, les actions sont plus importantes que les paroles. La relance de l’accord nucléaire n’est pas aussi importante que la reconnaissance par l’Iran qu’il n’est pas en mesure de poursuivre son projet expansionniste en s’aidant de milices sectaires dont le but est de détruire les sociétés arabes. Les intentions iraniennes ont largement été démontrées par les actions de ses milices en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen… et par ce qu’elles auraient fait à Bahreïn si les États arabes du Golfe ne les avaient pas contrecarrées pour empêcher la destruction de cet État pacifique.

Malgré la présence d’un bon nombre de sympathisants de la République islamique à Washington, l’administration américaine ne peut se soumettre à l’Iran. Cela est principalement dû à des raisons internes. A partir de là, une question s’impose : l’Iran souhaite-t-il être un État « normal » dans la région ou cherche-t-il uniquement la levée des sanctions américaines afin de fournir le financement nécessaire à ses milices pour poursuivre son projet subversif dans la région ?

Heureusement, les Arabes sont de plus en plus conscients du danger que représente le projet iranien. Le roi Abdallah II avait déjà lancé un avertissement dans ce sens en octobre 2004 lorsqu’il a évoqué le “croissant chiite” qui s’étend de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas. Aujourd’hui, le monarque jordanien appelle à la mise en place d’une sorte d’OTAN composée par les pays de la région. Il est parfaitement conscient des raisons de l’expansion iranienne directe et indirecte dans le sud de la Syrie et de l’utilisation du sud de la Syrie pour faire passer des armes et de la drogue aux États arabes du Golfe via le territoire jordanien.

Finalement, le fait que les négociations se tiennent à Doha ou ailleurs ne revêt aucune importance si on ignore que le problème ne se limite pas au programme nucléaire iranien. Le problème, c’est avant tout le comportement de l’Iran hors de ses frontières, avec ses milices, ses missiles et ses drones. L’Iran est un régime qui pense ne pas pouvoir se défendre autrement qu’en exportant ses crises hors de ses frontières et en misant sur l’éveil des instincts sectaires.

L’Iran va-t-il changer d’attitude ? C’est la question qui se pose depuis 1979, date de l’instauration de la République islamique. Malheureusement, la réponse à cette question ne suscite pas beaucoup d’optimisme, surtout si l’on tient compte des expériences du passé. Mais le Qatar possède-t-il une baguette magique qui fera admettre à l’Iran qu’il est un pays arriéré parmi les pays du tiers monde ? Le Qatar n’est certainement pas en mesure d’imposer ses conditions aux pays de la région ou du monde, encore moins aux Etats-Unis d’Amérique.

Related articles

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here