Témoignages des habitants de Gaza sur les bombardements de l’armée israélienne

De nombreux civils dans la dangereuse zone frontalière au nord de Gaza n’ont eu aucune chance de trouver un abri avant le début des bombardements.

Au nord de Beit Lahia à Gaza, avant d’atteindre le mur frontalier avec Israël, s’étend une zone de terres agricoles et de villages qui s’enroule autour de la pointe de la bande côtière. En temps de conflit, ses champs et ses maisons dispersées deviennent un endroit très dangereux.

Proche de l’un des principaux points d’entrée utilisés pour le déploiement des forces israéliennes et très exposée aux bombes, cette zone est également utilisée comme ligne de défense par les combattants militants de Gaza.

Hussein Abu Qleeq, qui vit dans un village bédouin près de la frontière, se trouvait dans sa maison de trois étages lorsqu’elle a été touchée. “J’étais assis avec ma famille”, a déclaré le jeune homme de 30 ans au journal anglais “The Guardian”, à l’hôpital Shifa de la ville de Gaza.

“Soudain, il y a eu un bruit intense de bombardements à la frontière. Je ne m’attendais pas à ce que les maisons soient ciblées. Les enfants ont commencé à crier. Puis un obus s’est abattu sur notre maison.”

Hussein a été touché par des éclats d’obus dans le cou, le bras et le dos. “C’était une atmosphère terrifiante. Vous ne pouvez pas l’imaginer. Nous avons vécu trois guerres et c’est la première fois qu’un bombardement se produit de manière aussi soudaine et violente.”

Hussein Abu Qleeq à l’hopital. Photographe: Hazem Balousha/The Guardian

Dans le passé, comme Hussein et ses voisins le savent par expérience , l’armée israélienne exhortait les habitants de ces zones rurales périphériques de quitter leurs maisons avant les opérations. Mais cette fois, affirment-ils, aucune alerte n’a été donnée avant les frappes qui étaient censées viser des tunnels utilisés par le Hamas et le Jihad islamique.

Jonathan Conricus, un porte-parole de l’armée israélienne, a déclaré que les forces israéliennes avaient pris soin de viser leurs cibles mais n’étaient pas toujours en mesure d’avertir les habitants. “Comme toujours, l’objectif est de frapper des cibles militaires et de minimiser les dommages collatéraux et les pertes civiles”, a déclaré Conricus, selon l’Associated Press. “Contrairement à nos efforts très élaborés pour nettoyer les zones civiles avant que nous ne frappions des gratte-ciel ou de grands immeubles à l’intérieur de Gaza, cela n’a pas été possible cette fois.”

Taher al-Kafarneh, 68 ans, vit dans la zone frontalière près de la ville voisine de Beit Hanoun et raconte une histoire similaire à celle de Hussein Abu Qleeq.

“Lorsque la violence a commencé à s’intensifier, j’ai déménagé avec mes 15 fils, mes deux épouses et mes petits-enfants dans la maison de ma fille au centre de Beit Hanoun, dans une maison de trois étages, abritant environ 150 personnes.”

“Vers minuit, des bombardements intenses avec des roquettes ont commencé de chaque côté en plus de l’artillerie, et la rue a été bombardée avec des missiles violents et en continu. L’obus d’un avion ou d’une artillerie… Je ne sais pas… a touché le dernier étage de la maison dans lequel se trouvaient certains de mes enfants et leurs enfants, et l’électricité de la maison a été coupée.”

“Tout le monde hurlait. Environ 40 à 50 personnes de la maison ont été blessées et nous nous sommes échappés à pied, jusqu’à l’arrivée des ambulances. Même alors, ils n’ont pas pu atteindre la maison à cause des bombardements dans la rue. Alors c’est les gens qui ont commencé à porter les blessés.”

Vendredi matin, les Palestiniens vivant à la périphérie nord et est de Gaza ont fui vers des zones plus solidement bâties dans le centre de la bande pour échapper aux bombardements et par crainte de nouveaux barrages.

Une famille palestinienne sur une voiture tirée par un âne à Beit Lahia dans le nord de la bande de Gaza Photographie: Mohammed Abed / AFP / Getty

Les familles sont arrivées dans les écoles de la ville gérées par l’ONU dans des camionnettes, à dos d’âne et à pied, transportant des oreillers, des casseroles, des couvertures et du pain. Ces écoles sont utilisées en temps de guerre pour loger les citoyens en danger ou dont les maisons ont été détruites.

“Nous prévoyions de quitter nos maisons dans la nuit, mais les avions israéliens nous ont bombardés, nous avons donc dû attendre jusqu’au matin”, a déclaré Hedaia Maarouf, qui a fui avec sa famille de 19 personnes, dont 13 enfants. “Nous étions terrifiés pour nos enfants qui hurlaient et tremblaient.”

Les principaux hôpitaux desservant le nord et le centre ont également vu un afflux constant de morts et de blessés dans ces zones, alors que la campagne militaire israélienne est passée des frappes aériennes presque constantes contre le Hamas et le Jihad islamique à des tirs d’artillerie, ce qui, selon beaucoup, pourrait annoncer une invasion terrestre.

Déjà aux prises avec la pandémie du coronavirus, les hôpitaux de l’enclave côtière surpeuplée réaffectent des lits de soins intensifs et se démènent pour faire face à une crise sanitaire d’un autre genre: traiter les blessures par explosion et éclats d’obus, panser les coupures et pratiquer des amputations.

Une fois que ces violences en Israël et à Gaza auront pris fin, il ne pourra plus y avoir de retour à la “normale”

Désemparés, certains n’ont pas attendu les ambulances et ont transporté les blessés en voiture ou à pied jusqu’à l’hôpital Shifa, le plus grand du territoire. Des médecins épuisés passent de patient en patient, d’autres se sont rassemblés à la morgue de l’hôpital, attendant avec des civières les corps à enterrer.

“Avant les attaques militaires, nous avions déjà des pénuries importantes et pouvions à peine gérer la deuxième vague [du virus]”, a déclaré par téléphone le responsable du ministère de la Santé de Gaza, Abdelatif al-Hajj, pendant que les bombes tonnaient en arrière-plan. “Maintenant, les victimes arrivent de toutes les directions, dans des états vraiment critiques. Je crains un effondrement total.”

“Cherchant désespérément une chambre pour les blessés, les infirmières de l’hôpital européen de la ville méridionale de Khan Younis ont transféré en pleine nuit des dizaines de patients infectés par le virus dans un autre bâtiment”, a déclaré le directeur de l’hôpital Yousef al-Akkad. Ses chirurgiens et spécialistes, déployés ailleurs pour la pandémie, se sont précipités pour soigner les traumatismes crâniens, les fractures et les plaies abdominales.

“Si le conflit s’intensifie, l’hôpital ne pourra pas prendre en charge les patients infectés par le virus”, a déclaré al-Akkad.

“Nous n’avons que 15 lits de soins intensifs, tout ce que je peux faire, c’est prier”, a-t-il dit, ajoutant que l’hôpital manquant d’expertise et de matériel chirurgical, il avait déjà du envoyer un enfant en Egypte pour une chirurgie reconstructive de l’épaule. “Je prie pour que ces frappes aériennes cessent bientôt.”

Cet article a été réalisé par The Guardian avec la contribution de Associated Press et Reuters.

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