Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a reproché le mois dernier à la maire de la ville de Strasbourg d’avoir accepté d’apporter une contribution financière pour la construction de la mosquée Eyüp Sultan, censée devenir la plus grande mosquée d’Europe une fois sa construction achevée.
Cependant, la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, une partisane de la protection de l’environnement, a démenti dans une lettre adressée au président Emmanuel Macron avoir reçu un avertissement des agences de l’État concernant la mosquée Eyüp Sultan.
Le différend est survenu dans le contexte d’une forte détérioration des relations franco-turques, notamment depuis l’attaque lancée par Ankara en octobre 2019 contre les forces kurdes en Syrie alliées à l’Occident.
La politique expansionniste de la Turquie en Libye et en Méditerranée orientale (où un accident s’est produit entre les navires de guerre turcs et français en juin 2020) et la politique française de lutte contre l’extrémisme islamiste ont également contribué à creuser le fossé entre Paris et Ankara ces derniers mois.
Le conseil municipal de Strasbourg avait donné un accord de principe pour subventionner le projet de la Fondation turque Milli Görüş, à hauteur de 2,5 millions d’euros. Selon la maire, ce montant représente “10 pour cent du coût total des travaux de construction”.
De son côté, le ministre de l’Intérieur a déclaré: “J’ai eu l’occasion de dire à la maire de Strasbourg que nous ne trouvons pas ce dossier conforme aux intérêts français”, rappelant que “cette association pro-turque a refusé de signer la Charte des valeurs de la République.”
“Nous considérons que cette association ne peut plus faire partie des organes qui représentent l’islam en France”, a ajouté Darmanin.
La déclaration de Darmanin est survenue au lendemain de la mise en garde du président français Emmanuel Macron contre les tentatives de la Turquie d’intervenir dans les élections présidentielles françaises de 2022.
Le ministre de l’intérieur soutient également qu’il y a de très fortes tentatives d’ingérence étrangère dans les affaires du pays, plus particulièrement à Strasbourg, et “notamment de la part de la Turquie”.
Il a ajouté: “Nous avons un certain nombre d’indications selon lesquelles le gouvernement turc veut intervenir dans les affaires françaises, en particulier dans les affaires religieuses.”
Darmanin a souligné que selon les informations qu’il détient, l’association “Millî Görüş” a cherché a obtenir d’autres sources de financement, notamment du Qatar.
En réponse à une question de l’Agence France-Presse, la maire a rappelé que le projet de construction de la mosquée remonte à une dizaine d’années, et que “la première pierre a été posée en 2017 en présence de son prédécesseur Roland Ries, du haut fonctionnaire de l’Etat Jean-Luc Marx et d’un certain nombre de parlementaires.”
Elle a également confirmé que la municipalité avait accepté de fournir cette contribution financière “sous conditions, à savoir la présentation d’un plan de financement solide et transparent, et la confirmation par le maître d’ouvrage de son adhésion aux valeurs de la République”.
“Si l’affaire est liée à une ingérence étrangère sur le territoire français, alors c’est l’affaire de l’Etat et du gouvernement, il est donc du devoir de l’Etat d’assumer ses responsabilités et de partager les informations qu’il détient avec les élus locaux”, a t-elle ajouté.
L’association Milli Görüş affirme que la mosquée Eyüp Sultan sera la plus grande mosquée d’Europe, avec une superficie de 15 000 mètres carrés. Le projet englobe une mosquée, un siège pour les événements sociaux et culturels, une immense bibliothèque, un restaurant et une école.
Le complexe d’inspiration ottomane sera composé de 28 dômes et de deux minarets.
