Entre Biden et Erdogan, les choses semblent mal engagées

Une multitudes de questions demeurent irrésolues entre les Etats-Unis et la Turquie. On serait tenté de croire que l’administration du nouveau président américain Joe Biden pourrait activer les mécanismes d’un dialogue inexistant dans la période précédente. Une possibilité qui peut conduire à une convergence de points de vue comme à une exacerbation des conflits entre les deux pays.

Il y a 3 jours, le président turc Erdogan a accusé les Etats-Unis de “soutenir les terroristes kurdes” qui d’après Ankara, ont exécuté 13 turcs dont des policiers et des militaires, dans le nord de l’Irak. Le régime turc a qualifié la dénonciation de ces meurtres par Washington de “plaisanterie”, en raison des réserves émises par l’administration américaine autour des responsabilités kurdes, précisant dans sa déclaration qu’elle condamnait le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) “si les informations faisant état de sa responsabilité étaient prouvées”.

Suite à la déclaration américaine, Erdogan a qualifié le gouvernement Biden de “partisan” du PKK et des unités de protection du peuple kurde syrien, considérées par Ankara comme des branches du parti “illégal”. Il a lancé en s’adressant à Washington : ” Les déclarations américaines sont regrettables. Vous prétendez ne pas soutenir les terroristes, mais vous êtes vraisemblablement de leur côté.” Il a ajouté dans un discours dans la ville de Rize : “Si nous devons être ensemble au sein de l’OTAN, si nous devons poursuivre cette unité, vous devez vous montrer loyaux envers nous et non envers des terroristes.”

Des dossiers en suspens

Les différends ente Washington et Ankara ne se limitent pas à la crise kurde. D’autres questions restées suspendues entre les deux pays devraient être soulevées dans le cadre du dialogue bilatéral sous l’administration Biden. La première de ces questions est le cas du mouvement Gülen, à sa tête l’opposant turc Fethullah Gülen, que le régime turc accuse de terrorisme et d’activisme, en particulier depuis le coup d’Etat raté de 2016. Les Etats-Unis refusent de livrer l’opposant à la Turquie. Cette affaire représente l’obstacle le plus important à l’entente entre les deux pays.

Fethullah Gülen

Les États-Unis et le PKK

Par ordre d’importance, le second de la liste des conflits entre les Etats-Unis et la Turquie est le soutien américain au PKK. Ankara estime que la lutte contre l’Etat islamique n’est qu’un prétexte de la part de Washington pour soutenir le parti kurde, responsable selon Erdogan, de la mort de nombreux civils et militaires turcs.

PKK_Parti des travailleurs du Kurdistan

Le cas du S-400 russe

La détention par la Turquie du système de défense antiaérienne et antimissile mobile russe “S-400”, constitue un vif désaccord entre les deux pays. C’est néanmoins l’une des questions pour lesquelles des solutions commencent à être proposées pour parvenir à un accord. Le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a déclaré dans le journal turc “Ahwal” que la Turquie et les Etats-Unis pourraient résoudre leur différends concernant le système de défense russe en appliquant ce qu’il a appelé “le modèle de la Crète”.

Akar a rappelé que la Grèce possédait également d’anciens missiles russes, stockés en Crète. “Nous avons vu cela auparavant, même si le modèle utilisé en Crète est obsolète. Mais nous sommes ouverts à la négociation.” a t-il indiqué.

Dans les années 1990, Chypre avait demandé à acheter des missiles russes S-300 pour dissuader les vols turcs dans son espace aérien. A ce moment-là, Ankara avait menacé de détruire ces missiles s’ils étaient déployés sur l’île divisée, ce qui avait déclenché une crise majeure. Cette crise a été désamorcée lorsque la Grèce a accepté de recevoir les missiles et de les stocker sur l’île de Crète. Athènes n’a pas activé les systèmes sauf pour un exercice militaire en 2013, selon Sky News.

Le presse turque a expliqué que la référence d’Akar au “modèle de la Crète” signifiait la possibilité pour la Turquie d’activer les missiles S-400 dans certaines circonstances au lieu de les éliminer définitivement. Il a précisé : “Nous ne les utiliserons pas en permanence. Les systèmes serons utilisés en fonction de la menace et nous prendrons les décisions en fonction de celle-ci”, ajoutant que le “S-300 grec n’était pas opérationnel en permanence”.

Système de défense antiaérienne S-300,

Sanctions américaines

Les sanctions américaines liées à l’affaire du “S-400” représentent un autre obstacle à la réconciliation. Les États-Unis avaient décidé en décembre dernier d’imposer des sanctions à la “Defense Industries Administration”, l’agence gouvernementale turque chargée d’acheter des armes pour le compte d’Ankara et qui a obtenu le système de défense aérienne russe S-400, selon les informations annoncées par le secrétaire d’État américain de l’époque, Mike Pompeo.

Pompeo avait déclaré dans un communiqué que “les mesures prises contre la Turquie envoyaient un message clair que les États-Unis mettraient pleinement en œuvre la loi américaine et ne toléreraient aucun accord majeur conclu avec les secteurs de la défense et du renseignement russes”. Il avait ajouté: “Les États-Unis ont clairement indiqué à la Turquie, aux plus hauts niveaux et à de nombreuses reprises, que son achat du système S-400 représentera une menace pour la sécurité de la technologie militaire américaine et de son personnel, et fournira un financement important à la Défense russe ainsi qu’un accès vers les forces armées et la Défense turques.”

Un développement de ces questions est attendu dans la période à venir, particulièrement avec l’arrivée de Joe Biden au pouvoir avec de nouveaux objectifs. C’est l’avis du docteur Karam Said, chercheur et spécialiste des affaires turques. Said a déclaré à la presse égyptienne : “Si nous considérons les événements récents et traitons la déclaration de Washington concernant le meurtre des 13 soldats turcs dans le nord de l’Irak, nous constatons que cette déclaration est faible et n’a pas atteint le niveau d’une condamnation directe. Elle comporte plutôt une sorte de scepticisme à l’égard des accusations turques.”

Karam Said a expliqué que la déclaration publiée par les États-Unis début février, dans laquelle la Turquie exigeait la libération des détenus accusés d’avoir organisé les manifestations de 2013, indique l’ampleur de la tension dans les relations américano-turques et confirme que la poursuite des relations entre la Turquie et la Russie est inacceptable pour l’administration américaine. Outre ces indications, elle comporte aussi des incitations à changer de direction, la première étant motivée par l’objection de Washington à ce que la Turquie détienne des missiles S-400.

Karam Said estime que l’ingérence américaine dans les crises de la région, notamment en Libye et en Irak, ouvrira la porte à de nouvelles crises entre Washington et Ankara. Les États-Unis ont exigé de toutes les autorité impliquées ou ayant une présence militaire en Libye de se retirer, ce qui représente forcément un motif de

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