Politiciens yéménites: “L’escalade des Houthis est un message iranien pour faire obstacle aux efforts de paix”

Avant même que l’envoyé américain au Yémen, Timothy Lenderking, ait pu reprendre son souffle suite à sa première visite dans la région dans le cadre des nouveaux efforts de Washington pour rétablir la paix au Yémen, l’Iran a envoyé hier (mercredi), via son outil houthi, le premier signe de sa résolution à entraver ces efforts, en visant l’aéroport international saoudien d’Abha.

Cette escalade des Houthis a été précédée ces derniers jours, surtout après l’annonce de Washington de son intention de retirer le groupe des listes terroristes, par une accélération du rythme des hostilités, que ce soit contre l’Arabie saoudite ou à travers l’attaque plus vaste contre la ville de Marib et le gouvernorat voisin d’Al-Jawf, ce qui est interprété par les politiciens yéménites comme une résolution de l’Iran à aggraver la crise pour l’utiliser comme un atout dans le conflit entre Téhéran et Washington.

L’autorité yéménite perçoit l’attaque de l’aéroport international d’Abha comme un “crime de guerre à part entière, et une extension des attaques terroristes menées par la milice houthie avec des armes et des experts iraniens, visant les quartiers résidentiels, les aéroports, les ports et les infrastructures de production d’énergie, en application au projet iranien visant à altérer la sécurité et la stabilité dans la région “, comme indiqué dans les tweets du ministre de l’Information et de la Culture Muammar Al-Eryani.

Al-Eryani a également décrit cette escalade comme “une confirmation supplémentaire de l’erreur de l’administration américaine quant à son intention d’annuler la désignation du groupe Houthi comme organisation terroriste, décision que l’Iran considère comme un feu vert pour la poursuite des violences, et une confirmation de la nécessité pour la communauté internationale de revoir ses positions face à la crise yéménite et de prendre des mesures sérieuses pour soutenir la restauration de l’État et annuler le coup d’État.”

Les politiciens yéménites jugent ces déclarations insuffisantes. Le gouvernement selon eux doit faire pression sur la communauté internationale et ne pas se contenter de déclarations et de condamnations, quitte à s’écarter complétement de la voie pacifique et déclarer une guerre pour libérer le gouvernorat de Hudaydah et ses ports.

Dans ce contexte, l’académicien et le chercheur en politique yéménite, le Dr Faris Al-Bail, estime que les milices houthies avec l’Iran derrière, cherchent à élargir “le cercle de feu”, soulignant dans sa déclaration au journal “Asharq al-Awsat” que cette “remarquable escalade au sein du Yémen et vers le Royaume d’Arabie est une tentative de perturber les récentes actions de pacification, ainsi qu’une volonté d’imposer une réalité différente sur le terrain et de renverser l’équation en faveur de la milice.”

Fares al-Beel illustre cela en disant: “Il n’est pas dans l’intérêt de l’Iran d’entrer dans un processus de paix, parce que la mission de la milice prendra fin et les ambitions de l’Iran mourront.” L’objectif stratégique du projet iranien dépend du conflit et du feu qu’il attise. S’il s’éteint, ses objectifs s’éteignent avec. Il ajoute que “l’escalade houthie révèle que sa mission n’est pas cantonnée au Yémen, mais son objectif est plutôt d’investir l’Arabie et toute la région.”

À la lumière de cette expansion iranienne à travers l’outil Houthi, al-Beel estime que le gouvernement “doit travailler sur deux voies d’une manière pointue; la voie diplomatique pour identifier le véritable problème yéménite et les objectifs de la milice houthie, et la voie militaire pour arrêter les ambitions de la milice, ou du moins faire pression pour l’affaiblir militairement. “Pendant que la milice l’emporte sur le terrain, chacune des ses victoires nous éloigne de plusieurs années de la paix”, affirme t-il.

En ce qui concerne la communauté internationale, al-Beel dit: “elle doit maintenant regarder ce que fait la milice et en évaluer les résultats. Plus la main pacifique est tendue aux Houthis, plus le feu est attisé, ce qui signifie que la communauté internationale est soit tenue de prendre une position ferme pour les rapprocher de la paix et limiter les dommages, soit autoriser les yéménites à récupérer leur Etat.”

Pour sa part, l’écrivain et journaliste yéménite Ahmed Abbas estime que les Houthis instrumentalisés par l’Iran, ont compris les initiatives américaines d’une manière complètement fausse. Dans son entretien avec “Asharq al-Awsat”, il dit que le retrait des Houthis par l’administration américaine des listes terroristes a envoyé des signaux complètement faux, comme l’indiquent les récentes violences contre les civils à Marib ainsi que le ciblage de l’aéroport international d’Abha. Alors que le groupe Houthi affirme qu’il n’est pas lié au projet iranien dans la région, Abbas estime que la récente visite de l’envoyé de l’ONU Griffiths à Téhéran est venue retirer la barrière derrière laquelle le mouvement Houthi s’est tant caché pour prétendre l’indépendance de ses décisions.

Il a ajouté: “L’Iran et les Houthis deviendront de plus en plus intransigeants au vu du laxisme de la position internationale, qu’elle soit européenne ou américaine, à l’égard de leur comportement.”

Comme d’autres militants politiques yéménites, l’écrivain Ahmed Abbas suggère que les autorités légitimes devraient changer leur rhétorique, qu’il qualifie de “bizarre et largement passive”, et qui selon lui “n’exprime ni la sensibilité ni la gravité de la situation”.

Il ajoute: “Les autorités doivent immédiatement se retirer de (l’Accord de Stockholm) qui les a gravement entravées, traiter de manière réaliste avec la communauté internationale et prendre des mesures de dissuasion sur le terrain. Elle doivent également prendre des initiatives et ne pas se contenter de répondre aux actions d’autrui.”

Le sous-secrétaire yéménite du ministère de l’Information, Fayyad al-Numan, n’est pas loin de considérer cette escalade sans précédent des Houthis comme un message iranien visant à aggraver les nouveaux efforts de paix. Il déclare à “Asharq al-Awsat”: “Les pratiques des milices terroristes houthies, le ciblage de biens civils à Marib et en Arabie saoudite, s’inscrivent dans le cadre de la stratégie terroriste de l’Iran: utiliser la carte du terrorisme houthi pour faire pression sur le groupe (5 + 1) concernant le dossier nucléaire.”

Alors qu’al-Numan affirme que la milice Houthie est la plus fidèle à l’Iran et à son projet terroriste dans la région, il critique ausssi la communauté internationale qui, selon lui, continue de parier “sur des groupes terroristes comme Dech et Al-Qaida pour faire la paix au Yémen.”

Si le sous-secrétaire yéménite du ministère de l’Information n’hésite pas à exprimer ses critiques envers l’inaction internationale face à l’organisation Houthie, il confirme que la décision de la nouvelle administration de la Maison Blanche a été comprise de manière négative, soit de la part de l’Iran, soit de la part des Houthis eux mêmes. Une décision qu’il considère laxiste et qui donne l’occasion aux houthis d’intensifier les hostilités.
Concernant ce que le gouvernement légitime devrait faire, al-Numan estime qu’il a encore beaucoup de cartes en main, ce qui a conduit à une notification adressée aux Nations Unies et au Conseil de sécurité sur son retrait de la voie de la paix parrainée par Martin Griffiths.

Il dit: “L’envoyé de l’ONU s’est vu confier la tâche de tenter d’appliquer les décisions internationales, et non de chercher à légitimer un coup d’État terroriste contre un État et un gouvernement internationalement reconnus.”

Il ajoute: “Le gouvernement légitime doit demander à la communauté internationale et au Conseil de sécurité d’utiliser la force du chapitre 7 et de la résolution 2216, et d’arrêter de se contenter de déclarations et de dénonciations dans les médias sans prendre de mesures dissuasives sur le terrain.”

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