Le culte musulman, auditionné à l’Assemblée nationale, exprime ses inquiétudes au sujet du projet de loi contre le séparatisme

Après les auditions des représentants des cultes catholique, protestant, orthodoxe, juif et bouddhiste il y a une semaine, la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi contre le séparatisme a auditionné lundi 11 janvier Mohammed Moussaoui, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui s’est présenté seul à l’Assemblée nationale face aux députés. Les désaccords qui opposent le recteur de la Grande Mosquée de Paris Chems-Eddine Hafiz et le CFCM ont empêché ce dernier d’être présent en sa qualité vice président.

Retour sur les principales déclarations et requêtes du président du CFCM.

“Le combat contre l’extrémisme se réclamant de l’islam est aussi notre combat”, a affirmé Mohammed Moussaoui. “Nous sommes résolument déterminés à le mener avec toutes nos forces. Nos cadres religieux, notamment les imams et aumôniers, sont en première ligne depuis bien longtemps. De nombreux jeunes ont pu être sauvés des griffes de cet extrémisme grâce aux efforts des imams de France. Ces efforts doivent être soutenus et renforcés”, a-t-il ajouté.

Le président du CFCM a souhaité attirer l’attention sur l’amalgame qui plane autour du terme “islamisme”. “L’idéologie extrémiste a fait le terreau des principaux drames qui ont endeuillé notre communauté nationale ces dernières années, la lutte contre celle-ci est aussi notre priorité. Néanmoins, avoir choisi de désigner cette idéologie par “islamisme” n’était pas judicieux”, estime Mohammed Moussaoui. Il précise que dans le monde arabo-musulman, ce terme sert à désigner l’islam et non une idéologie extrémiste comme cela est le cas en France : “De nombreux malentendus avec ce monde peuvent naître aussi de ce décalage dans le langage, nous formons le vœu qu’il soit systématiquement suivi par les adjectifs “radical” ou “extrémiste.” Le terme “islamisme” est d’ailleurs un sujet de mésentente entre le CFCM et Chems-Eddine Hafiz, qui l’emploie volontiers sans y ajouter d’adjectif.

A ce sujet, Moussaoui a rappelé à son auditoire l’appel du président de la République lors de son discours aux Mureaux en octobre 2020 : “Ne nous laissons pas entraîner dans le piège de l’amalgame tendu par les polémistes et par les extrêmes qui consisterait à stigmatiser tous les musulmans. Ce piège, c’est celui que nous tendent les ennemis de la République, qui consisterait à faire de chaque citoyen de confession musulmane un allié objectif parce qu’il serait la victime d’un système bien organisé. Trop facile.”

Mohammed Moussaoui a également partagé ses inquiétudes concernant certaines dispositions de la loi contre le séparatisme, les jugeant “disproportionnées par rapport au but recherché”. Il affirme : “Je ne suis pas là pour défendre le projet ou m’y opposer, je dois reconnaître avec humilité que la tâche du gouvernement n’est pas facile. Mais la loyauté exige que j’exprime les inquiétudes du CFCM au sujet de ce projet.”

Le président du CFCM se dit favorable aux ajustements apportés à la loi 1905 si les équilibres trouvés au siècle passé restent préservés. “Dès lors qu’il est constaté que l’arsenal juridique dont (le gouvernement) dispose est insuffisant pour apporter des réponses aux nouveaux défis, quoi de plus normal que de proposer les ajustements nécessaires si les équilibres sont préservés”, a-t-il lancé. Il estime que le régime de la loi 1905 imposé aux associations culturelle n’est “pas réalisable car trop attentatoire aux équilibres” en question, alors que “le principe de laïcité et l’égalité devant la loi obligent à prendre des mesures applicables à tous les cultes.” Moussaoui a formulé le souhait de voir les associations gestionnaires des mosquées adopter le régime de la loi 1905 “pour inscrire le culte musulman dans le paysage cultuel français, gagner en rigueur de gestion nécessaire pour obtenir la confiance des fidèles et des donateurs et avoir droit à certains avantages dont bénéficient les associations cultuelles”,” cette évolution souhaitée doit être progressive”. Seulement, “les délais prévus pour la mise en œuvre du projet ne sont pas suffisants”.

Moussaoui exprime également ses craintes que la multiplication des contrôles administratifs et les contraintes imposées aux associations culturelles pourraient être perçues comme une suspicion généralisée envers ces associations, qui ne sont pourtant “pas le support habituel pour les activités de ceux qui veulent déstabiliser la République”. Il précise : “Nous pensons que ce projet est utile, nécessaire pour lutter contre ceux qui veulent instrumentaliser l’outil associatif à des fins contraires aux valeurs de la République. Mais nous craignons que des fonctionnaires aillent utiliser cet outil là pour embêter, si j’ose dire, les bons élèves et priver de fait notre République de ces acteurs qui sont dans le même combat.”

Quant aux mesures de financement, le président du CFCM les juge “insuffisantes”. Il pointe notamment l’absence dans le projet de loi d’une disposition qui permettrait de réduire la fiscalité des dons de 75% à 66%, et la mesure permettant aux associations cultuelles de ne posséder que des immeubles “acquis à titre gracieux”, les musulmans des anciennes générations aux revenus modestes ne possédant pas de patrimoine à léguer aux associations.

Enfin, il remet en cause la décision du gouvernement d’engager une procédure accélérée pour examiner le projet de loi, et estime “utile” que le texte “soit soumis à un contrôle de constitutionnalité à priori”.

Mohammed Moussaoui a cependant salué les efforts de lutte contre les discours haineux en ligne et les mesures destinées à garantir l’égalité hommes-femmes. “Les mariages forcés, l’excision, les certificats de virginité, pratiques prétendument musulmanes et qui portent atteinte à la dignité de la femme sont prohibées par l’islam car en totale contradiction avec ses principes et ses valeurs” dit-il. Il ajoute : “les dispositions permettant de s’assurer que tous les enfants de la République bénéficient d’une éducation et d’une scolarisation auxquelles ils ont droit sont nécessaires pour lutter contre des formes d’endoctrinement dont sont victimes des enfants.”

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