La réduction de la production de pétrole décidée par l’OPEP+ sera largement inférieure aux chiffres annoncés

La décision des pays de l’OPEP+ de réduire leur production de pétrole de 2 millions de barils par jour a rendu furieux les Américains, mais présenté de cette manière, cela peut sembler tout à fait compréhensible. Dans les faits, la réduction réelle de la production est inférieure à ce que les gros titres suggèrent, et la décision de l’OPEP est mise en œuvre à un moment où la demande mondiale de pétrole faiblit. L’impact sur le marché peut donc s’avérer assez limité.

La réaction de la Maison Blanche a sans doute été assez forte. Des membres démocrates du Congrès ont proposé des mesures de représailles, comme le retrait des troupes américaines d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. Le président Joe Biden a déclaré que la décision de l’OPEP était « décevante », et la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a accusé l’organisation se s’être alliée à la Russie.  

Il y a seulement trois mois, la Maison Blanche a annoncé la visite en Arabie saoudite du président Biden, qui a « réaffirmé l’engagement des États-Unis à aider l’Arabie saoudite à protéger et à défendre son territoire et son peuple contre toute attaque extérieure ». À l’approche de la réunion de l’OPEP+, son administration aurait exhorté l’Arabie saoudite à s’opposer à une réduction trop importante de la production.

Nikki Haley, l’ancienne gouverneure républicaine de Caroline du Sud et ancienne ambassadrice des États-Unis aux Nations Unies, a affirmé que le rejet d’une telle requête était prévisible. « Ne soyez pas surpris lorsque l’OPEP n’est pas votre amie et qu’elle refuse d’augmenter la production », a-t-elle déclaré à Fox News. « Je veux dire, ils ont fait exactement ce que je pensais qu’ils voulaient faire, et c’est un coup dur pour Biden. »

Les relations entre l’alliance OPEP+ et les grands pays consommateurs de pétrole ont récemment été compliquées par le projet du G7 de plafonner le prix des exportations du pétrole russe. Le plafond proposé, soutenu par les États-Unis, est une nouvelle expérience politique qui ne semble incapable de faire baisser les prix du pétrole brut. Mais le simple fait que les grands pays consommateurs tentent de coopérer est malvenu pour les membres de l’OPEP+. Si le plafonnement des prix fonctionne, il peut créer un modèle à utiliser plus tard contre d’autres pays producteurs.

Au-delà des désaccords politiques et des stratégies géopolitiques, les membres de l’OPEP+ avaient de bonnes raisons de réduire leur production. Le brut Brent a chuté d’environ 10 dollars le baril, passant d’une moyenne de 99,60 dollars le baril en août à une moyenne de 89,90 dollars en septembre, alors que les inquiétudes augmentent face à un risque de récession mondiale. En Chine, la croissance économique a fortement ralenti, en partie à cause des mesures de confinement liées à la pandémie Covid-19. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro, les banques centrales augmentent les taux d’intérêt pour contrôler l’inflation. Par conséquent, les risques de voir la demande de pétrole baisser sont importants.

L’annonce par l’OPEP+ d’une réduction de la production de 2 millions de barils par jour a provoqué la surprise, mais la mesure est en réalité moins agressive que ne le suggère ce chiffre. De nombreux membres du groupe produisent déjà une quantité bien inférieure à la limite officielle, ils ne seront donc pas impactés par les nouvelles limites. Le Nigeria, par exemple, a un nouveau plafond de 1,742 million de barils par jour, mais il ne produit actuellement qu’environ 1 million de barils par jour. La Russie produit également moins que la nouvelle limite fixée à 10,478 millions de barils par jour.

Seuls quatre pays supportent réellement le fardeau des réductions de production : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït et l’Irak. Combinée avec les petits ajustements apportés aux quantités produites par les autres pays, la réduction réelle finirait par être d’environ 1 million de barils par jour, soit la moitié de ce qui a été initialement annoncé.

Pendant ce temps, la croissance de la demande mondiale de pétrole ralentit. La consommation mondiale de pétrole devrait légèrement baisser au dernier trimestre 2022 par rapport à la même période en 2021. Même après l’entrée en vigueur des réductions de la production, les stocks mondiaux de pétrole continueront d’augmenter presque aussi vite que les prévisions l’ont indiqué avant l’annonce de l’OPEP+.

Les prix ont immédiatement réagi à la décision. Le prix du brut Brent est passé d’environ 88 dollars le baril avant la réunion de l’OPEP+ à environ 98 dollars à la fin de la semaine, mais il a chuté depuis. Le pétrole brut Brent se situait en moyenne à 97 dollars le baril en octobre et a atteint une moyenne de 103 dollars le baril en décembre.

Si les effets de la décision de l’OPEP+ devraient être contenus sur les marchés, ses conséquences politiques pourraient s’avérer plus durables. Le sénateur démocrate Chuck Schumer a déclaré que les membre du Congrès “examinaient tous les moyens législatifs pour mieux faire face à cette mesure épouvantable et très cynique, y compris le projet de loi NOPEC”.

Le sénateur Bob Menendez, président de la commission sénatoriale des relations étrangères, a déclaré que l’administration Biden devrait “geler immédiatement tous les aspects de notre coopération avec l’Arabie saoudite, y compris toute vente d’armes et toute coopération en matière de sécurité au-delà de ce qui est absolument nécessaire pour défendre le personnel et les intérêts américains”.

Toutefois, il y a de fortes chances que ces discours soient sans conséquences. Une version de la législation NOPEC, qui placerait le groupe OPEP+ sous la juridiction de la loi antitrust américaine, a été introduite à plusieurs reprises au cours des 22 dernières années, mais elle n’a toujours pas été adoptée.

Le président George W. Bush s’est fermement opposé à la promulgation de la NOPEC et a menacé d’y opposer son veto, au motif qu’elle « ciblerait les investissements étrangers directs aux États-Unis comme source de compensation des dommages, et conduirait probablement à des mesures de représailles contre les intérêts américains dans ces pays, ce qui entraînerait une diminution du pétrole disponible pour les raffineries américaines ».

Cela contribuerait également à élargir le fossé qui sépare les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, dont la relation se situe au centre de la politique étrangère américaine depuis les années 1940. Les deux pays partagent de nombreux objectifs communs, et le maintien d’un système international stable dans le commerce du pétrole n’est pas le moindre. Bien que la tension soit actuellement à son comble à Washington, ce sont les discours les plus réservés sur les intérêts américains à long terme qui prévaudront probablement.

Les raffineurs américains portent plainte contre les nouvelles restrictions imposées aux exportations de pétrole

En tout état de cause, tout fini par s’arranger dans le monde de la politique énergétique. D’ailleurs, la polémique autour des anciennes restrictions imposées par les Etats-Unis aux exportateurs de pétrole brut semble bel et bien terminée. Il est désormais largement admis que l’interdiction presque totale, qui a duré de 1975 à 2015, a été une erreur stratégique évidente, qui a pénalisé les alliés et les clients des États-Unis dans le monde entier, faussé les marchés internes et restreint la production, et tout cela sans atteindre son objectif de réduire les coûts du carburant pour les consommateurs américains.

Cependant, il serait hâtif d’affirmer que toute mauvaise idée est toujours écartée pour de bon, et cela semble être le cas avec l’embargo pétrolier américain. De nouvelles restrictions sur les exportations de pétrole brut ou de produits pétroliers ont été suggérées, et l’administration Biden ne dispose d’aucune option face à la décision de l’OPEP+.

Une interdiction des produits raffinés éviterait au moins la mascarade de l’embargo sur le pétrole brut qui a duré jusqu’en 2015. Dans la mesure ou les exportations de produits sont restées illimitées, les prix aux États-Unis ont été fixés en fonction des conditions mondiales, ce qui signifie que les consommateurs américains ont vu peu d’avantages dans la baisse des prix du pétrole brut. Mais les restrictions imposées aux exportations peuvent également entraîner une importante altération du marché.

Les chefs américains des industries des carburants et des produits pétrochimiques et l’American Petroleum Institute, ont adressé un courrier à Jennifer Granholm, la secrétaire américaine à l’Énergie, l’exhortant à ne pas imposer d’interdiction sur les exportations de carburant. Restreindre ces exportations, ont-ils écrit, « couperait des approvisionnements importants du marché international, exercerait une pression à la hausse sur les prix, menacerait le flux mondial d’énergie essentielle, saperait les alliés américains et entraînerait des conséquences économiques internationales négatives, y compris ici aux États-Unis. »

Les prix élevés de l’essence aux États-Unis, les élections de mi-mandat qui approchent à grands pas, et une administration à la recherche de solutions à ses problèmes énergétiques, sont autant de conditions qui pourraient continuer à attirer l’attention, mais également des choix politiques mal avisés. Seulement, le poids de l’opinion concernant l’embargo pétrolier est très fort, et ce serait une grande surprise si l’administration Biden décidait maintenant d’en imposer un.

L’administration Biden envisage d’assouplir ses sanctions contre le Venezuela, ce qui pourrait permettre à l’entreprise Chevron de produire plus de pétrole. Les problèmes contractuels, les pénuries de main-d’œuvre, la disponibilité des équipements, la solidité financière de la compagnie PDVSA et d’autres facteurs empêcheront la production de croître trop rapidement.

L’opérateur du réseau National Grid a averti que la Grande-Bretagne pourrait faire face à des pannes fréquentes cet hiver pouvant durer jusqu’à trois heures par jour. La presse a annoncé que le gouvernement travaillait sur une campagne destinée à encourager les consommateurs à utiliser moins d’énergie, mais elle a été annulée par Liz Truss, la Première ministre britannique.

Le gouvernement a également suscité l’indignation des défenseurs des énergies renouvelables avec un plan visant à interdire les panneaux solaires sur la majorité des terres agricoles en Angleterre.

Le réseau électrique grec fonctionne depuis un certain temps avec des énergies entièrement renouvelables. La phase 100% renouvelable a bien entendu été furtive : elle a duré environ cinq heures.

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