Le nombre de filles kidnappées au Nigéria par le groupe terroriste “Boco Haram” a explosé ces dernière années. Les dénonciations qui se sont multipliées sur le réseaux sociaux ont rendu ce phénomène célèbre.
Le magazine américain “Foreign Policy” a déclaré dans un rapport publié le 13 mai 2021 que la guerre menée par les États-Unis contre le terrorisme a été incapable d’éliminer l’organisation Boco Haram.
L’histoire a commencé en avril 2014 lorsque l’icone du hip-hop Russell Simmons a publié un tweet dans lequel il a dénoncé l’enlèvement de 276 filles d’un lycée de Chibock, dans le nord-est du Nigéria.
Vastes campagnes sur les réseaux sociaux
Le rapport a cité un livre écrit par Joe Parkinson et Drew Hinshaw, tous deux reporters pour le Wall Street Journal. Ce livre a révélé les dangers des campagnes menées sur les réseaux sociaux et les limites de l’intervention militaire pour sauver les enfants de Chibok au Nigeria.
Il a souligné que le tweet de Simmons a marqué le début d’une campagne massive sur les réseaux sociaux avec le hashtag “Rendez-nous sur nos filles”, et à laquelle ont participé des politiciens et des célébrités du monde entier.
Il a également indiqué que les auteurs du livre expliquent que cette intervention internationale a conduit à un certain nombre d’erreurs de calcul qui se sont avérées fatales. La forte mobilisation sur les réseaux sociaux a maintenu les filles en captivité plus longtemps, et la méfiance entre les gouvernements américain et nigérian a entravé le partage d’informations vitales.
Par exemple, les auteurs ont constaté qu’une frappe aérienne militaire nigériane avec l’aide de drones américains avait ciblé par erreur certaines des filles kidnappées, entrainant la mort d’au moins 10 d’entre elles. Ce malheureux incident n’a pas été signalé aux responsables à Washington, bien que Boko Haram ait partagé cette information sur internet.
Une histoire de notoriété
Selon le rapport, la popularité de cette histoire a rendu difficile l’évasion des filles. Les sympathisants de Boko Haram ont immédiatement rendu les filles en fuite à leurs ravisseurs, en grande partie en raison de leur sentiment de loyauté envers le groupe terroriste qui répond aux besoins de base des villageois complétement délaissés par les autorités.
Au moment où les soldats nigérians se sont déployés dans la vaste forêt de Sambisa dans le nord-est du Nigéria, les filles de Chibok étaient déjà transférées vers les villes contrôlées par Boko Haram.
En 2017, Washington s’est retrouvé impliqué dans une guerre contre le terrorisme qui s’est soldée par un échec dans la région, et suite à laquelle les actions de Boko Haram se sont intensifiées, bombardant églises et mosquées et utilisant des enfants comme kamikazes contre leurs propres communautés.

Des erreurs aux conséquences fatales
Le rapport a souligné que l’erreur la plus importante commise par les gouvernements étrangers en essayant d’éliminer Boko Haram et ramener les lycéennes chez elles , a été le hashtag lancé par la première dame de l’époque, Michelle Obama, et les explications stériles qui s’en sont suivies sur l’extrémisme en Afrique.
Selon les auteurs du livre, beaucoup de ceux qui ont participé à la campagne sur les réseaux sociaux savaient que 800 soldats américains avaient été déployés au Niger et 300 autres au Cameroun pour former un personnel de sécurité local, assurer la surveillance et recueillir des renseignements dans la région. Mais beaucoup n’étaient pas conscients que le gouvernement nigérian était démissionnaire et avait laissé pourrir la situation avec Boko Haram depuis 2009.
Le rapport a indiqué : “Le taux de chômage élevé parmi les jeunes, la pauvreté et la sévère répression policière ont conduit des hommes vers les sombres prisons du Nigéria, ou certains ont été torturés et maltraités par les autorités judiciaires et la police.”
Il a ajouté qu’au moment où l’administration Obama a commencé à envoyer des troupes au Nigéria en 2014 pour recueillir des renseignements, Boko Haram contrôlait déjà d’importants réseaux d’infrastructure. Parkinson et Hinshaw ont clairement avancé que les efforts ratés de Washington avaient encouragé Boko Haram à poursuivre les hostilités.
Lorsque les nigérians sont sortis dans les rues pour appeler le gouvernement à agir pour retrouver les filles disparues, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a publié des vidéos menaçant de marier ces filles, déclenchant un tollé sur les médias sociaux.
Pendant qu le monde inondait twitter de publications sur les filles de Chibok, Boko Haram s’est emparé de 6 autres villages sans que l’évènement ne soit couvert par aucun média en dehors de la presse nigériane.
En fait, affirment les auteurs, les médias grand public ont fourni à Boko Haram l’impulsion nécessaire pour construire sa renommée de groupe terroriste. La surmédiatisation du phénomène Boco Haram a rendu ce nom familier et il est devenu plus utile au groupe de garder les filles en captivité.
Toujours selon le rapport, des mois avant l’enlèvement des filles de Chibok, le gouvernement français a payé plus de 3 millions d’euros pour libérer une famille de 7 touristes kidnappés par Boko Haram.
La popularité de l’affaire des filles Chibok a inscité les hommes armés à vouloir davantage de notoriété. Cependant, 103 filles ont été libérées en deux étapes, en septembre 2016 et mai 2017. Le rapport a indiqué que ces filles ont été libérées contre une rançon de 3 millions d’euros, selon des ministres ayant gardé l’anonymat, même si la ligne officielle du gouvernement prétend qu’aucune somme d’argent n’a été versée.
Plus tard, 4 filles ont réussi à s’échapper seules, et 57 filles se sont échappées quelques heures après leur enlèvement. Mais il y en a encore 112 en captivité à ce jour. Les auteurs du livre estiment qu’au moins 40 d’entre elles sont décédés, dont deux suite à des accouchements qui ont suivi des mariages forcés.
Selon les auteurs du livre, Boko Haram n’aurait pas gardé ces victimes si les médias sociaux ne leur avait pas mis la puce à l’oreille concernant le troc. Les responsables nigérians ne se seraient pas engagés dans de telles dépenses sans la pression publique créée par le hashtag. En résumé, les réseaux sociaux était bien intentionnée, mais ils ont entraîné de désastreuses conséquences involontaires.