Les caractéristiques du djihadisme féminin en France

Pour réaliser leur nouvel ouvrage intitulé “Les militants du Djihad” (2021), les chercheurs Hakim El Karoui et Benjamin Hodayé ont mené une étude pratique sur 400 jeunes ayant adopté des idées radicales. L’échantillon était principalement composé d’hommes car ils représentent 80% des individus radicalisés.

Cependant, il y dans l’ouvrage un passage consacrée au phénomène des femmes djihadistes françaises, où les auteurs affirment qu’elle ne sont pas des victimes mais “des femmes qui partagent l’idéologie djihadiste des hommes et qui passent rarement à l’action terroriste. Leur action sur le terrain consiste à promouvoir leur foi et l’idéologie extrémiste, notamment dans l’éducation des enfants, car elles se croient également investies d’une mission communautaire, et pas seulement d’une mission de combat”. (Extrait d’un entretien réalisé par le journal “Lacroix” avec Hakim El Karoui, le 6 février 2021).

En outre, il existe deux ouvrages de référence sur le phénomène du djihadisme français:

“Le djihadisme des femmes: pourquoi ont-elles choisi Daech?”, écrit par le psychologue français Fethi Benslama et le sociologue Farhad Khosrokhavar. Ce livre est paru en 2017 et a été traduit en arabe. Compte tenu de la complexité du phénomène, l’avantage de ce livre est qu’il additionne l’analyse d’un professeur de psychologie pathologique et celle du directeur de l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, qui ont tous deux de longues recherches sur le djihadisme à leur actif.

Les deux chercheurs ont décortiqué une soixantaine de dossiers de jeunes femmes djihadistes françaises, avec des sources d’information variées, issues de séances de dialogue avec elles, d’enquêtes menées par des journalistes et spécialistes en sociologie et anthropologie, ou encore de cas de jeunes femmes ayant suivi des psychanalyses. Concernant le pourcentage de femmes parmi les djihadistes français, il représente environ un tiers.

Le second livre, paru en 2018, s’intitule “Un Parfum de Djihad”. Il a été écrit par les journalistes françaises Céline Martelet et Edith Bouvier. Comme le livre de Benslama et Khosrokhavar, celui-ci est est basé sur des entretiens directs avec des djihadistes françaises, mais dans un contexte plus intime qui appelle à plus de franchise. Les sessions ont été organisées exclusivement avec des femmes, un interlocuteur masculin aurait représenté une barrière psychologique, et c’est ce qui distingue ce travail d’un autre.

Le livre est parvenu aux même conclusions issues des quelques rares enquêtes journalistiques sur le sujet. Le “paradis promis” dont rêvait le groupe de djihadistes françaises en Syrie et en Irak, s’est avéré être un mirage. Beaucoup de témoignages aussi choquants que douloureux. Leur expérience sur le terrain les a conduites à vouloir revenir en France quitte à en payer le prix en assumant une longue peine de prison, cette option étant beaucoup plus supportable pour elles à envisager que la détention dans les camps kurdes. Beaucoup parmi elles envisagent de se rendre aux autorités turques pour qu’elles soient renvoyées en France. (d’après un entretien avec Céline Martelet et Edith Bouvier, journal Le Parisien, 31 mai 2020).

Le milieu social des djihadistes

Concernant le premier livre, et contrairement aux idées reçues qui supposent que la plupart des djihadistes françaises sont issus de milieux sociaux pauvres, il s’est avéré que beaucoup parmi elles appartiennent à la classe moyenne. Environ 20% des femmes converties à l’islam via le portail djihadiste proviennent de classes sociales intermédiaires, contrairement aux hommes dont la majorité est issue de banlieues difficiles. Par conséquent, “il y a des différences dans le déterminant social entre jihadistes hommes et jihadistes femmes en France”, selon l’expression de Farhad Khosroofakher. Parmi les facteurs déterminants “la maltraitance familiale, surtout du père et parfois même de la mère comme si le choix du djihad était une façon de guérir le mal par le mal.”

En vertu de ses travaux en psychologie, Fathi Benslama a résumé un certain nombre des raisons qui poussent ces jeunes femmes à s’impliquer dans la doctrine du djihad. Parmi elles, le désir de dénicher le mari idéal, un désir gouverné par le mirage émotionnel du mari promis, et la propagande séductrice de Daech qui fait passer l’homme occidental pour malhonnête contrairement à un mari de Daech, un individu héroïque prêt à mourir pour ses convictions. (D’après une interview de Fethi Benslama et Farhad Khosroofakher par le journal Libération, 12 septembre 2017).

Les deux livres présentent un certain nombre de point communs. D’abord, ils soutiennent tous deux qu’il n’y pas de portrait typique des individus ayant rejoint Daech, qu’ils soient hommes ou femmes. Parmi les femmes, beaucoup sont devenues musulmanes par conversion. D’autres, bien qu’elles aient grandi dans des familles musulmanes non pratiquantes, sont quand même devenues terroristes. D’autres encore sont issues de quartiers aisés de certaines banlieues parisiennes ou de petites villes. Toutes ces femmes ne proviennent pas nécessairement de banlieues pauvres ou de familles modestes.

Ensuite, les deux ouvrages affirment que certaines de ces filles ont déjà été assistées dans le cadre du programme spécial de lutte contre les violences mis en place par le gouvernement en 2016, et qu’il est indispensable que chacune d’entre elles soit traitée individuellement car chacune a sa propre histoire. Il existe des associations et des organisations qui s’intéressent au facteur psychologique de ces personnes et proposent des solutions, mais cela demande du temps et de l’agent.

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