L’Iran profite de la guerre à Gaza pour développer ses activités nucléaires

Quatre diplomates en exercice et trois anciens diplomates se sont montrés pessimistes concernant les efforts visant à freiner le programme nucléaire iranien qui continue de se développer, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique des Nations Unies.

Les États-Unis et leurs alliés disposent de peu d’options pour freiner les activités nucléaires de l’Iran. Les négociations sont depuis longtemps en suspens et des mesures plus sévères contre l’Iran ne feraient qu’attiser les tensions dans une région déjà à feu et à sang à cause de la guerre à Gaza.

Dans son premier discours un mois après le déclenchement de la guerre à Gaza, le secrétaire général du Hezbollah libanais a précisé que l’opération « Déluge d’al-Aqsa » a été décidée par les Palestiniens, tout comme les décisions du Hezbollah sont prises de façon indépendante et non sous la tutelle iranienne. Toutefois, les analyses montrent que l’Iran prévoyait bien de déclencher une guerre pour détourner l’attention des États-Unis et de l’Occident en général de ses activités nucléaires, notamment l’enrichissement de l’uranium.

​Téhéran a déjà profité de la guerre russe en Ukraine pour accélérer l’enrichissement de l’uranium et se rapprocher du pourcentage requis pour fabriquer une bombe nucléaire.

Actuellement, la guerre à Gaza accapare toute l’attention et la pression occidentale sur l’Iran s’est atténuée. Washington a concentré tous ses efforts dans le soutien à Israël et s’est également détourné de l’Ukraine.

Les diplomates ont évoqué des développements qui limitent la marge de manœuvre de Washington concernant le dossier nucléaire iranien.

Selon l’un des deux rapports confidentiels de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran a désormais enrichi suffisamment d’uranium, se rapprochant sensiblement du niveau de pureté nécessaire à la fabrication d’armes.

Les deux rapports indiquent que les stocks continuent d’augmenter bien que l’Iran persiste à nier son ambition de posséder des armes nucléaires.

Après avoir échoué à relancer l’accord nucléaire entre l’Iran et les puissances mondiales, dont l’ancien président américain Donald Trump s’est retiré en 2018, le président Joe Biden ne dispose d’aucun moyen de parvenir à un « accord » informel pour limiter les activités nucléaires de Téhéran à la lumière de l’escalade du conflit dans la région.

 « Il y a une sorte de paralysie, surtout parmi les Américains… parce qu’ils ne veulent pas jeter de l’huile sur le feu », a déclaré un haut diplomate européen.

Toute négociation visant à parvenir à un « accord » avec l’Iran exigerait des concessions de Washington, comme l’assouplissement des sanctions imposées à Téhéran en échange d’une limitation de ses activités nucléaires, mais après l’opération lancée le 7 octobre contre Israël par le groupe Hamas, soutenu par l’Iran, une telle option semble inenvisageable.

Le Pentagone a déclaré que les groupes armés soutenus par l’Iran dans la région ont depuis lancé des dizaines d’attaques contre les forces américaines et de la coalition en Irak et en Syrie.

Sur le plan interne, les élections présidentielles américaines, qui auront lieu dans un an seulement, restreignent l’administration Biden. Trump, qui semble actuellement être l’adversaire le plus probable de Biden, pourrait profiter de ses relations avec Téhéran pour pointer du doigt sa faiblesse.

« Dans le climat actuel, il n’est pas politiquement possible de rechercher un règlement avec l’Iran sur la question nucléaire », a déclaré Robert Einhorn, ancien responsable du Département d’État américain. « Le débat politique ne s’articuelera pas autour des négociations avec la République islamique, mais plutôt autour de la confrontation avec l’Iran. »

Les États-Unis ont déployé deux porte-avions dans la région et des avions de guerre en Méditerranée orientale, notamment pour avertir l’Iran, mais les responsables américains ont également indiqué qu’ils ne voulaient pas d’escalade et ont appelé les groupes armés soutenus par Téhéran à cesser leurs activités.

Les États-Unis et leurs alliés en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne, parties à l’accord nucléaire de 2015, se concentreront sur la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

Deux rapports de l’agence ont indiqué cette semaine que l’Iran fait des progrès soutenus dans le domaine nucléaire et continue d’entraver la surveillance de ses activités par l’agence.

Un accord conclu en mars pour réinstaller les équipements de surveillance, notamment les caméras qui avaient été retirées l’année dernière à la demande de l’Iran, n’a été que partiellement mis en œuvre.

Téhéran a également provoqué la colère de l’AIEA en septembre en retirant les permis de travail de certains des inspecteurs les plus expérimentés de l’agence, leur interdisant ainsi de travailler en Iran.

En septembre, les puissances occidentales ont menacé d’émettre une résolution contraignante ordonnant à l’Iran de renoncer à ses projets. Il s’agit de l’une des sanctions les plus sévères dont dispose le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

Quatre diplomates ont déclaré qu’il était peu probable qu’une décision soit prise dans ce sens, car il est nécessaire d’éviter une escalade diplomatique et nucléaire avec l’Iran à un moment où l’attention est concentrée sur le conflit entre Israël et le Hamas.

Ils ont ajouté qu’il était plus probable désormais de faire évoluer la situation d’une manière moins conflictuelle, en publiant par exemple une déclaration ferme mais non contraignante menaçant de prendre des mesures plus sévères lors de la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs de l’agence, qui aura lieu en mars.

« Nous ne pouvons pas émettre de résolution… Si nous adoptons une résolution… cela risquerait de les pousser (les Iraniens) à un enrichissement à 90% », a estimé le haut diplomate européen. Le degré de pureté requis pour enrichir l’uranium destiné à fabriquer des armes nucléaires est d’environ 90%. Les Iraniens auraient actuellement atteint un niveau de pureté de 60%.

Selon deux des diplomates, la seule chose qu’il convient de faire dans les mois à venir est de soutenir les efforts du chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique, Rafael Grossi, pour renforcer la surveillance du programme nucléaire iranien. Le chef de l’agence cherche à rétablir la capacité de travail des inspecteurs avant la fin de l’année.

 « Il est trop tôt pour dire si l’Iran deviendra un État nucléaire ou s’il restera un État sur le point de le devenir, comme c’est le cas actuellement… mais pour le moment, il poursuivra son enrichissement » a déclaré l’un des diplomates.

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