Le retour du mouvement taliban en 2021 a imposé des changements stratégiques dans la région, dont la manifestation la plus notable est la récente coopération entre le mouvement et l’Inde, qui a longtemps considéré les Talibans comme un groupe terroriste.
Les changements opérés dans les relations entre les Talibans et l’Inde s’inscrivent dans un esprit pragmatique pour les deux parties. Pour New Delhi, il s’agit de renforcer l’alliance sécuritaire et la lutte contre la propagation du terrorisme dans la région, tandis que pour les Talibans, l’objectif principal est de rejoindre les Nations Unies et faire reconnaître officiellement leur gouvernement.
Outre ses ambitions de légitimité internationale, le gouvernement taliban aspire également à activer des partenariats régionaux pour répondre à ses besoins économiques actuels, notamment en raison des sanctions américaines qui ont fortement réduit ses capacités financières et affecté ses transactions avec les banques internationales.
Les variables de la coopération sécuritaire entre l’Inde et les Talibans
La volonté de l’Inde de renforcer la sécurité reste la variable dominante dans sa relation avec les Talibans, mais au vu des opérations terroristes qui se poursuivent en Afghanistan, des doutes subsistent sur la capacité des Talibans à honorer leurs engagements internationaux en termes de sécurité.
L’Etat islamique, avec ses méthodes extrêmes envers toute forme d’opposition et ses ambitions expansionnistes, représente une menace directe pour les grands pays d’Asie, en particulier la Russie, l’Inde, la Chine et l’Iran, ce qui oblige ces pays à coopérer avec les Talibans et à composer avec les différences idéologiques qui les séparent.
A ce sujet, Nourhan El-Sheikh, professeure de sciences économiques et politiques à l’Université du Caire, a déclaré au journal « La Référence » que l’Etat islamique est la variable la plus déterminante pour l’ensemble de ces pays.
La chercheuse a souligné que l’hostilité de l’Etat islamique envers les croyances des principaux pays asiatiques constitue un danger pour eux. Par exemple, l’Iran craint un éclatement de conflits sectaires à proximité de ses frontières. C’est également le cas de la Chine et de la Russie.
Par conséquent, la faible capacité des Talibans à contenir le terrorisme dans la région remet en perspective l’efficacité de son rôle régional. Le 26 août 2021, l’Etat islamique a lancé une attaque contre l’aéroport international de Kaboul, entrainant la mort de 170 civils et de 13 soldats américains. Le 21 septembre 2022, un attentat dans la capitale a fait des dizaines de victimes.
Dans le cadre de la campagne de l’Etat islamique contre les chiites, le 19 avril 2022, l’organisation a ciblé l’école secondaire pour garçons “Abdul Rahim Shahid”, située à l’ouest de Kaboul, une zone à majorité chiite. Des dizaines de civils et d’élèves ont été tués ou blessés. Le 8 octobre 2021, l’EI a revendiqué une attaque contre une mosquée chiite à Kondôz, dans le nord du pays, qui a fait plus de 43 morts et 140 blessés.
Des relations diplomatiques qui transcendent les différences idéologiques
L’Inde a rouvert son ambassade à Kaboul en juin 2022. A cette occasion, l’envoyé afghan en Inde, Farid Mamundzay, a salué cette étape, notant la nécessité pour le gouvernement indien de se tenir aux côtés du peuple afghan et de l’aider à surmonter la crise humanitaire actuelle. Il a ajouté que l’Inde a ouvert la voie de la communication avec les Talibans à des fins sécuritaires et politiques, deux domaines qui représentent les principaux jalons de la relation qui lie les deux parties.
Les besoins politiques actuels des Talibans leur imposent des relations avec des régimes dont les idéologies sont incompatibles avec la leur, ce qui pose le défi au mouvement d’arriver à maintenir le lien idéologique entre ses dirigeants et les sphères inférieures de la hiérarchie, qui sont davantage préoccupées par la religion que par la politique.
