Les femmes fidèles l’Etat islamique veillent à la survie de l’organisation dans le camp syrien d’al-Hol

Le 28 août, les forces de sécurité kurdes syriennes soutenues par les États-Unis ont lancé une opération contre les cellules dormantes de l’EIIS (Etat islamique Irak et Syrie) dans le camp d’al-Hol, situé dans le nord-est de la Syrie, afin de stabiliser le centre de détention qui abrite des milliers de déplacés internes et des familles de membres présumés de l’EI.

Cependant, plus d’un mois après ces opérations, et malgré des centaines d’arrestations, l’Etat islamique est toujours enraciné dans le camp, ou la violence a atteint son apogée. Au moins 44 personnes ont été tuées cette année dans des attaques de l’Etat islamique.

L’échec des efforts de la sécurité kurdes est largement attribuable à une tendance excessive à cibler les dirigeants et les éléments masculins de l’EI. Seulement, contrairement à 2014, lorsque les combattants masculins assuraient le contrôle du territoire par le groupe extrémiste en Irak, en Syrie et au-delà, ce sont désormais les femmes pro-EI qui préservent l’influence de l’organisation. Si ce changement n’est pas bien compris, la montée du groupe dans le camp de réfugiés d’al-Hol et la réémergence de l’organisation à l’extérieur du camp sont inévitables.

Le rôle des femmes au sein des groupes extrémistes en général, et de l’EI en particulier, consistait à soutenir les maris et à éduquer les enfants, bien que des femmes aient été utilisées dans des opérations terroristes ou des attentats-suicides chaque fois que les autorités religieuses l’ont permis. L’Etat islamique a également permis aux femmes de travailler, par exemple en tant que médecins, enseignantes, ou policières de la morale religieuse, mais au plus fort de ses victoires, l’organisation a exhorté la plupart des femmes à se contenter de jouer leur rôle de femmes au foyer.

Toutefois, les choses ont radicalement changé après la défaite de l’Etat islamique en 2019. Avec un nombre élevé de membres masculins tués, emprisonnés ou en fuite, les partisanes de l’Etat islamique ont pris sur elles de raviver l’idéologie du groupe.

La mise en place du camp d’al-Hol, qui abrite environ 56 000 personnes de différentes nationalités, dont la grande majorité sont des femmes et des enfants, a facilité cette tâche. En plus de la grande concentration d’individus partageant les mêmes idées en un seul endroit, l’absence de supervision masculine au sein du camp a permis aux partisans de l’Etat islamique de prendre des initiatives pour fairte perdurer les pratiques de l’organisation.

L’une des activités les plus préoccupantes dans le camp est le lavage de cerveau pratiqué par les femmes de l’Etat islamique sur les enfants. Des rapports indiquent qu’environ 28 000 enfants vivant à l’intérieur du camp sont privés d’une éducation appropriée.

Ces écoles pratiquent environ cinq niveaux d’enseignement. En plus des cours de charia, les enfants plus âgés reçoivent une formation idéologique et militaire. Malheureusement, les gestionnaires locaux du camp considèrent les enfants comme une menace plutôt que comme des victimes, par conséquent, les analystes et les responsables craignent qu’al-Hol ne devienne un “incubateur” pour la prochaine génération de l’Etat islamique.

Les femmes membres de l’EI ont également formé le groupe “Hisba”, une unité de la police religieuse dont le but est de soutenir l’idéologie de l’EI et d’imposer ses normes aux autres femmes du camp. Le groupe aurait forcé les femmes à porter le foulard et à suivre des cours informels de charia, leur interdisant de fumer, de danser, d’écouter de la musique, de porter des pantalons et de s’adresser aux hommes.

Les femmes loyales envers l’Etat islamique ont même mis en place leur propre tribunal de la charia, calqué sur le système judiciaire de l’Etat islamique qui jugent ceux qui violent les enseignements religieux du groupe. Les sanctions consistent à flageller, emprisonner, torturer, réduire à la famine, tuer, et incendier les tentes.

L’influence de ces femmes se limite actuellement aux frontières du camp. Au cours de la montée du groupe, elles ont été largement exclues de la propagande produite par la machine médiatique centrale de l’Etat islamique, mais dans le camp d’al-Hol, elles ont lancé leurs propres campagnes en ligne pour promouvoir l’idéologie fondamentaliste et relayer la propagande du groupe.

Les femmes de l’Etat islamique ont toutefois réussi à lancer des campagnes de collecte de fonds à l’extérieur du camp d’al-Hol, et ce financement, qui est largement acheminé par le biais du système informel de transfert d’argent hawala, est utilisé pour couvrir les dépenses et payer des passeurs pour les aider à s’échapper du camp. A terme, ces sources de revenus peuvent aussi bien financer des activités en dehors de l’enceinte du camp.

Bien que les forces de sécurité soient au courant de ces pratiques, elles n’ont rien pu faire pour les contenir, en partie à cause du caractère inédit de ces réseaux dirigés par des femmes, qui les rend difficiles à retracer.

En outre, la peur des représailles et les conditions de vie difficiles à l’intérieur du camp ont découragé les habitants susceptibles de coopérer avec les autorités, par conséquent, les récentes opérations de sécurité se sont limitées à la confiscation d’armes et de matériel de propagande, à l’affaiblissement des réseaux et à la fermeture des infrastructures utilisées par les femmes pro-Etat islamique, comme les tunnels, les tranchées, les écoles et les centres de charia.

Les opérations de sécurité contre l’Etat islamique à l’intérieur du camp d’al-Hol ne donneront les résultats escomptés que si les réseaux dirigés par les femmes sont correctement identifiés et démantelés. Aussi, la réhabilitation et la réintégration des partisans de l’organisation, à l’intérieur et à l’extérieur du camp, sont essentielles pour assurer la défaite durable du groupe. Sans ces mesures, le camp d’al-Hol, et d’autres camps similaires, continueront de jouer un rôle majeur dans le maintien en vie de l’Etat islamique.

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