Pourquoi le président Biden tient à relancer l’accord sur le programme nucléaire iranien

La semaine dernière, l’administration Biden a annoncé qu’elle avait accepté d’engager à nouveau des négociations nucléaires avec l’Iran sous forme de pourparlers indirects à Vienne, cette fois sous la médiation de l’Union européenne.

Compte tenu des échecs passés de ces pourparlers et de la forte opposition à l’accord nucléaire du Plan d’action global commun (JCPOA) de la part des Israéliens, de certains Arabes du Golfe et de nombreux membres du Congrès américain – dont certains collègues démocrates du président Biden – un observateur extérieur pourrait se demander pourquoi, face à une telle adversité, lui et son équipe n’ont pas tout simplement renoncé aux négociations nucléaires.

Les limites de la diplomatie

Les raisons de la persévérance de Biden sont liées à la perception qu’a le président de son héritage, à un désaccord idéologique fondamental avec les détracteurs de l’accord nucléaire, à la nécessité d’une victoire en politique étrangère et à l’espoir que la résolution de la question nucléaire entraînera une baisse des tensions dans la région du Golfe, ce qui permettrait à Washington de diriger son attention vers la région indo-pacifique et la guerre actuelle en Ukraine.

Tout d’abord, il est important de rappeler que M. Biden était vice-président lorsque l’administration Obama avait négocié avec succès le JCPOA avec l’Iran, aidé par les pays du P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, plus l’Allemagne). Il s’agissait d’une réalisation historique de l’administration Obama, que M. Biden souhaite préserver étant donné qu’il était activement engagé dans la politique étrangère de l’administration Obama, et compte tenu de son expérience en tant que spécialiste de la politique étrangère au sein du Sénat américain. Ainsi, lorsque l’ancien président Trump a qualifié le JCPOA de “pire accord jamais négocié”, M. Biden s’en est très probablement offusqué et a considéré la relance du JCPOA comme une part de son héritage durant son mandat.

Deuxièmement, M. Biden et son équipe pensent sincèrement que l’accord sur le nucléaire iranien a empêché l’Iran de développer l’arme nucléaire. Certains détracteurs de l’accord affirment que celui-ci aurait dû aborder la question du développement des missiles par l’Iran et de son comportement malveillant dans la région, notamment son soutien à des forces mandataires, tandis que d’autres font remarquer qu’il incluait des clauses de “temporisation” sur les restrictions nucléaires, arguant que celles-ci permettaient à l’Iran d’attendre simplement la fin de ces mesures avant de reprendre le développement de son programme nucléaire.

Cependant, M. Biden a probablement compris les limites de la tentative de conclure un accord plus large. Au cours des négociations du JCPOA, l’Iran a démontré sa volonté de restreindre sévèrement son programme nucléaire en échange d’avantages concrets de la part de l’Occident. Dans le même temps, il a fait savoir très tôt qu’il n’était pas disposé à suivre le même processus concernant sa politique étrangère ; si l’administration Obama avait insisté pour que la politique étrangère de l’Iran soit incluse dans les négociations, le résultat final aurait été une absence totale d’accord. Certains critiques de l’accord ont même suggéré que l’Iran ne devrait même pas avoir le droit d’enrichir de l’uranium à un faible niveau à des fins de production d’énergie nucléaire civile, ce que l’Iran est explicitement autorisé à faire dans le traité de non-prolifération nucléaire de 1968. Le fait de ne pas autoriser un programme nucléaire civil aurait été un échec évident pour Téhéran.

En vertu des dispositions du JCPOA, l’Iran est supposé permettre aux Nations unies de mener des inspections intrusives sur ses installations nucléaires – une condition que Téhéran n’a pas appréciée mais qu’il a acceptée dans le cadre du JCPOA. Jusqu’à ce que Trump se retire de l’accord en mai 2018, l’Iran respectait ses conditions, selon les témoignages publics des chefs du renseignement américain devant le Congrès. Après que Trump s’est retiré de l’accord et imposé des sanctions lourdes à Téhéran, le gouvernement iranien a commencé à s’écarter progressivement de ses propres engagements envers le JCPOA et a recommencé à produire de l’uranium hautement enrichi. Il est indéniable que l’Iran est désormais beaucoup plus proche de la fabrication d’une arme nucléaire en raison de cette augmentation dans l’enrichissement de l’uranium, et que Biden et son équipe pensent également que le raccourcissement drastique du “compte à rebours” de l’Iran pour la fabrication d’une arme nucléaire a rendu le Moyen-Orient beaucoup plus dangereux. Tout comme dans le cas du Pakistan, qui ne s’est engagé à développer une capacité nucléaire qu’après son grand rival, l’Inde, un Iran nucléaire obligerait probablement son adversaire régional, l’Arabie saoudite, à lui emboîter le pas, et d’autres acteurs régionaux comme les Émirats arabes unis, l’Égypte ou la Turquie pourraient faire de même.

Des considérations internes

Troisièmement, après la débâcle du retrait américain d’Afghanistan l’année dernière, Biden veut et a besoin d’une victoire en politique étrangère. Bien que ses détracteurs se jetteront sans aucun doute sur lui pour avoir tenté de ramener les États-Unis au JCPOA, M. Biden tentera de vendre l’accord au peuple américain de la même manière qu’Obama l’avait fait, en soulignant que les limitations sévères du programme nucléaire iranien sont un élément essentiel de l’accord. Bien que le peuple américain ait toujours une opinion négative de l’Iran qui remonte à la crise des otages de 1979-1981, il n’a pas envie d’une guerre avec la République islamique sur cette question, et de récents sondages ont indiqué que 78 % des Américains sont favorables au recours à la diplomatie pour limiter le programme nucléaire iranien.

Quatrièmement, l’administration Biden estime que la réduction des tensions régionales qui accompagnerait le retour de l’Iran dans le JCPOA rendrait non seulement le Moyen-Orient plus sûr, mais permettrait également aux États-Unis de “pivoter vers l’Asie” pour faire face à la puissance croissante de la Chine. Ce raisonnement a également conduit l’administration Biden à louer les efforts du gouvernement irakien pour accueillir les pourparlers entre l’Arabie saoudite et l’Iran – un développement qui profite autant à Bagdad qu’à Washington, car l’Irak a longtemps été utilisé malgré lui comme un champ de bataille par procuration pour d’autres rivalités régionales. Lors de son récent voyage à Djeddah, Biden a tenté de rassurer ses partenaires arabes du Golfe sur le fait que les États-Unis continueraient à les soutenir, mais pour les décideurs américains, dans le contexte international, la question de la Chine est plus importante que la sécurité du Golfe.

Enfin, une raison sous-estimée de la nouvelle poussée des négociations pourrait être l’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie, qui a entraîné d’importants troubles sur les marchés mondiaux et une montée galopante des prix du pétrole et des matières premières. Si les négociations de Vienne sont couronnées de succès et que le JCPOA est ressuscité, cela ferait partie d’un marché dans lequel les sanctions pétrolières de l’ère Trump sur l’Iran seraient levées – un développement qui profite aux États-Unis, car cela permettrait à plus de pétrole d’arriver sur le marché mondial et de réduire les prix du carburant pour les consommateurs américains.

Malgré tous les avantages qui découleraient d’un retour au JCPOA aux yeux de l’administration Biden, ses responsables ont tenté de minimiser les chances de succès, évitant de susciter des attentes trop élevées de la part du public, tout en montrant aux Iraniens qu’ils peuvent se retirer des négociations si Téhéran continue de s’obstiner. Contre toute attente, l’administration Biden semble toutefois vouloir conclure un accord, étant donné les avantages majeurs que l’administration Biden et les États-Unis tireraient d’une négociation réussie.

Analyse du professeur Gregory Aftandilian – Traduite de l’anglais far F. Haythem

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