Un chercheur américain : La Chine et la Russie sont les plus enclins à reconnaitre les talibans, et le mouvement n’abandonnera pas al-Qaïda

Le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan a soumis toute la région asiatique à des turbulences. Pour plus d’informations sur l’avenir de ce conflit dans la région, le journal “La Référence” (al-Marjie) a interviewé Michael Jukelman, écrivain au “Journal of International Politics”, et vice-président du programme asiatique au “Wilson International Research Center” à Washington.

Pour commencer, les talibans pourront-ils obtenir une reconnaissance internationale rapidement, et quels sont les pays les plus susceptibles de reconnaitre leur gouvernement?

La reconnaissance des talibans est peu probable à court terme, car l’Occident voudra voir les signes d’un plus grand respect des droits de l’homme et d’un gouvernement pluraliste qui ne va pas émerger immédiatement, les acteurs régionaux voudront donc attendre de voir comment se déroule la situation sécuritaire avant de prendre leur décision, mais si les acteurs régionaux constatent que les conditions de sécurité en Afghanistan sont stables, on pourrait voir certains pays comme la Chine, le Pakistan ou la Russie, se rapprocher de cette reconnaissance.

Concernant les obligations internationales des talibans, dans quelle mesure le mouvement abandonnera t-il le trafic de drogue ?

Les talibans ont annoncé l’interdiction du commerce de la drogue mais cela est peu probable, car la drogue est une source majeure de revenus pour les talibans et un moyen de subsistance pour de nombreux Afghans.

Compte tenu de la gravité de la situation économique en Afghanistan, il y a plus de chances à ce que les talibans maintiennent le trafic de drogue.

Quelles seront les relations des talibans avec al-Qaïda ?

Il est peu probable que les talibans rompent leurs liens avec al-Qaïda, car ils entretiennent une relation forte et de longue date. Si les talibans mettent fin à leurs relations avec al-Qaïda, cela pourrait provoquer de grandes frictions internes. Prendre leurs distances pourrait servir leur quête de reconnaissance, mais leurs liens avec le groupe sont très profonds.

L’accord de Doha que les États-Unis ont signé avec les talibans n’exige pas non plus de rompre les liens avec al-Qaïda, il exige simplement d’empêcher al-Qaïda de planifier et de lancer des attaques contre les États-Unis et ses alliés.
Comment les talibans traiteront-ils les droits des femmes ?

Les talibans feront des gestes symboliques pour prétendre respecter les droits des femmes. Ils ont déjà commencé à autoriser certaines filles à retourner à l’école, et ont déclaré que les femmes pouvaient travailler dans certains secteurs, mais l’idéologie fondamentale des talibans n’a pas changé et ne changera pas, ce qui signifie qu’ils n’amélioreront pas le statut des femmes.

Quel est l’avenir de l’Etat islamique dans la région asiatique touchée par les troubles en Afghanistan ?

L’Etat islamique est une menace résiliente. Il est présent en Afghanistan depuis plus de cinq ans et a intensifié ses attaques depuis le retrait des États-Unis. Il représente un opposant au mouvement taliban, et tentera de saper ses efforts pour consolider son pouvoir en ciblant les talibans et les civils.

L’Etat islamique veut envoyer un message aux Afghans pour démontrer que les talibans ne peuvent pas protéger la population. Il pourrait également devenir plus fort, car ceux parmi les talibans qui ne veulent pas mettre un terme à la guerre pourraient bien prêté allégeance à l’Etat islamique.

La menace de l’Etat islamique à l’extérieur de l’Afghanistan n’est pas claire à ce stade. Oui, il constitue une menace pour le Pakistan et d’autres pays voisins sont en danger, mais sa menace transfrontalière est minime.

Comment voyez-vous la relation des talibans avec le Pakistan? Combattront-ils l’Etat islamique ?

Les talibans et le gouvernement du Pakistan restent proches, mais le Pakistan a perdu une grande partie de son influence sur les talibans, car le mouvement n’a plus besoin des facilitations pakistanaises pour mener sa guerre, et Islamabad est désormais le principal soutien diplomatique des talibans, et appelle le monde à traiter avec eux.

Des différences importantes subsistent entre les deux pays : les talibans, comme la plupart des Afghans, ne reconnaissent pas la frontière avec le Pakistan, même si je pense que les deux parties continueront à bien s’entendre.

Tous deux partagent le désir de maîtriser l’Etat islamique afin qu’il puisse devenir un nouvel axe de coopération, et le Pakistan pourrait également aider les talibans à développer une nouvelle armée afghane et à les former à l’utilisation des équipements militaires hérités des forces de sécurité afghanes et même des États-Unis.

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