Irak : Confrontations et joutes oratoires avant les élections législatives anticipées

A moins d’un mois des élections législatives anticipées, la scène politique irakienne s’ouvre à davantage de polémiques, d’accusations, de menaces et de joutes verbales, alors que les partis ayant officiellement annoncé leur participation sont en pleine préparation pour les élections, dont la balance penche vraisemblablement du côté des alliances chiites fidèles à l’Iran, au vu du boycott insistant d’un certain nombre de partis.

Le dernier antagonisme en date a été déclenché par le député irakien indépendant, Bassem Khashan, qui a émis des doutes sur la sincérité des intentions réformistes du chef du mouvement sadriste Muqtada al-Sadr, sur un plateau de débat politique de la chaîne locale “Dedjla”. Il avait affirmé que les revendications réformistes d’al-Sadr étaient “mensongères et hypocrites”.

L’assistant du chef du mouvement sadriste, Abou Yasser, a réagit en menaçant le député Bassem Khashan, l’avertissant que s’il ne présentait pas ses excuses pour les propos qu’il venait de tenir, il serait pourchassé avec des méthodes dignes de “l’éducation de la famille al-Sadr”.

Ses déclarations ont également provoqué la colère d’Awad al-Awadi, un leader du mouvement sadriste également invité au talk show de la chaine “Dedjla”. Il a répondu à Khashan en le traitant “d’hypocrite” et en lui rappelant qu’il est “arrivé au Parlement par le biais du mouvement sadriste”.

Al-Awadi a d’abord tenté de l’interrompre et lui a demandé de retirer ses propos avant que le débat ne se transforme en querelle. Finalement, le chef sadriste a menacé le député de lui répondre à l’intérieur et à l’extérieur du plateau.

Le débat a en effet pris de l’ampleur hors du plateau télé. Après l’interview télévisée, une manifestation a été organisée par des dizaines de partisans du mouvement sadriste dans la province d’al-Muthanna, où réside le député Basem Khashan.

Les manifestants ont scandé des slogans glorifiant Muqtada al-Sadr et décrivant Khashan comme un “agent au service des américains”.

Dans des déclarations à l’agence kurde irakienne “Shafaq News”, Khashan a réaffirmé qu’il n’avait pas changé d’avis et que le bloc dont il a fait partie lors des élections de 2018 avant de s’en séparer, est corrompu et que les appels aux réformes de Muqtada al-Sadr sont “hypocrites”.

Cependant, il a démenti avoir reçu des menaces de mort et a indiqué que les manifestations des partisans d’al-Sadr, qui auraient encerclé sa maison à al-Muthanna, ne comptaient pas plus 60 personnes et ont eu lieu à environ 13 kilomètres de son domicile.

L’agence kurde irakienne l’a cité disant : “Je ne retirerai pas mes propos et je ne m’excuserai pas auprès de M. al-Sadr, car j’ai raison et je me tiens toujours du côté de la vérité. Ma déclaration est que l’appel aux réformes d’al-Sadr est mensonger et inexistant sur le terrain, car ses actions et ses paroles se contredisent fortement.”

Dans un tweet, Khashan a une nouvelle fois réaffirmé sa position. Il a écrit : “Je maintiens mes propos selon lesquels les allégations de réformes faites par Muqtada al-Sadr dans le contexte de sa campagne électorale sont hypocrites … al-Sadr revendique la réforme alors qu’il est le chef d’un bloc corrompu.”

Les problèmes liés à la sécurité ont également jeté une ombre pesante sur les élections à venir. De violents affrontements ont eu lieu hier, lundi, entre les forces dites de “Mobilisation du ministère de la Défense” et les forces de l’ordre dans la capitale, Bagdad. Au moins huit personnes ont été blessées lors de cette dernière rixe entre les deux parties qui se sont affrontées à jets de pierres et à coups de bâtons.

Ces violences ont fait suite à une manifestation organisée par les forces de “Mobilisation du ministère de la Défense”, un groupe composé d’éléments ayant précédemment combattu l’État islamique dans les rangs des forces régulières et des formations paramilitaires telles que les Forces “d’al-Hachd al Chaabi” (milices chiites fidèles en Iran).

Des dizaines de membres de la force de “Mobilisation du ministère de la Défense” ont vu leurs contrats s’annuler, et ce n’était pas la première fois qu’ils manifestaient pour leur réintégration.

Après une vague de protestation continue devant la zone verte fortifiée dans le centre de Bagdad, le chef d’al-Hachd al-Chaabi, Faleh al-Fayyad, a annoncé la reprise de 30 000 membres dont les contrats avaient été arrêtés ces dernières années.

Cette initiative intervient à peine un mois avant les élections législatives anticipées, prévues le 10 octobre prochain.

Al-Fayyad a déclaré lors d’une conférence de presse : “Nous avons pu aujourd’hui atteindre ce niveau et accepter de réintégrer 30.000 de ceux dont les contrats ont été annulés”, expliquant que leur financement se fera “avec les fonds propres de l’autorité et que pas un seul centime ne proviendra en dehors du budget de celle-ci.”

Les factions du “Hachd al-Chaabi” sont étroitement liées à des partis pro-iraniens qui se présentent aux élections pour la deuxième fois depuis que leurs dirigeants se sont engagés sur la voie politique. Le nombre de ses éléments avant le renvoi de ceux dont les contrats avaient été rompus, était de plus de 160.000.

De son côté, Ahmed al-Asadi, le porte-parole de l’Alliance “al-Fateh”, la branche politique des factions affiliées à “al-Hachd al-Chaabi”, a déclaré : “Aujourd’hui, le ministère des Finances a accepté de transférer les fonds alloués au retour de 30 000 membres d’al Hachd al Chaabi dont les contrats ont été résiliés.”

La plupart de ces contrats ont été arrêtés entre 2015 et 2018 pour diverses raisons, dont les absences répétées et le non-respect des horaires de travail.

“Al-Hachd al-Chaabi” s’est formée en 2014 à l’appel de la plus haute autorité chiite irakienne, l’ayatollah Ali al-Sistani, après l’invasion par l’État islamique d’un tiers du territoire irakien et l’effondrement des secteurs militaires.

La pierre angulaire d’al-Hachd était les factions chiites armées qui ont combattu les forces américaines et joué un rôle clé dans la victoire sur l’État islamique.

Fin 2016, le Parlement a adopté une loi réglementant le travail des forces de Mobilisation, et elles sont devenues une force militaire officielle sous le commandement du commandant en chef des forces armées, le Premier ministre.

Les élections anticipées représentent la promesse la plus importante faite par le Premier ministre Moustafa Al-Kazimi, qui a pris le pouvoir à la suite du soulèvement populaire qui a éclaté en octobre 2019 contre la domination et la corruption généralisée des partis au pouvoir.

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