C’est une année tendue qui vient de s’écouler entre la France et la Turquie. Libye, Syrie, méditerranée orientale… les contentieux entre les deux gouvernements se sont multipliés et aggravées par la répression des autorités françaises contre l’influence de la Turquie sur les musulmans et l’islam en France, à travers réformes et surveillance accrues des institutions appartenant ou partisanes du régime turc. Les joutes verbales qui s’en sont suivies entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le chef de l’Etat français Emmanuel Macron ont achevé de creuser le fossé entre les deux pays.
A force de multiplier provocations, atteintes aux droits de l’homme et décisions politiques suspectes menaçant les intérêts européens, américains et même moyen-orientaux, la Turquie s’est progressivement enfoncée dans l’isolement diplomatique.
D’abord, en raison de ses ambitions gazières en méditerranée orientale, Erdogan a provoqué la plus grosse crise diplomatique de ces 25 dernières années avec la Grèce, qui a été soutenue par Paris dans le cadre de cette affaire. Malgré les avertissements de l’Union européenne, il a mené plusieurs mission d’exploration dans les eaux grecques.
En Libye, la Turquie traine à retirer ses mercenaires syriens malgré les appels répétés de la France. “En Libye, tout doit être mis en œuvre pour faire respecter le calendrier de transition politique, sécuritaire et électorale et traduire dans les faits le cessez-le-feu”, a déclaré la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
Plus récemment un conflit autour de la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie dans le Haut-Karabakh a également vu le jour, quand la France, entre autres, a dénoncé l’envoi de mercenaires syriens pro-turcs pour se battre aux côtés des forces azerbaïdjanaises, ce que Ankara a toujours nié. Erdogan avait répondu à la position française dans le conflit en déclarant : “Mon cher ami Aliev (le président azerbaïdjanais) a donné un conseil aux Français leur disant que s’ils aiment tant les Arméniens, ils n’ont qu’à leur donner Marseille. Moi aussi, je leur donne le même conseil.”
Enfin, le débat autour des caricatures du prophète Mahomet a électrisé le président turc qui, en octobre 2020, a accusé Emmanuel Macron de mener “une campagne de haine” contre l’islam pour avoir défendu le droit à la liberté d’expression et également pour ses lois contre le “séparatisme”. Il avait remis en question la santé mentale du président français et l’avait qualifié de “problème pour la France”. “Macron est un problème pour la France. Avec Macron, la France vit une période très dangereuse. J’espère que la France va se débarrasser du problème Macron le plus tôt possible”, a t-il déclaré le 4 décembre 2021 à des journaliste turcs.
La caricature publiée par le journal satirique Charlie Hebdo dans laquelle on voit Erdogan en caleçon buvant une bière et soulevant la jupe d’une femme voilée n’a pas non plus été appréciée à Ankara, qui a annoncé son intention de prendre des mesures “judiciaires et diplomatiques” contre la France.
Depuis ces évènements, Erdogan et Macron se sont entretenus en visioconférence en signe d’apaisement, mais l’isolement croissant de la Turquie et les récentes sanctions que l’Europe lui a imposées ont visiblement mis Ankara au pied du mur.
C’est dans ce contexte tumultueux que Mevlut Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, a rendu visite le lundi 7 juin à son homologue français, Jean-Yves Le Drian, soit peu avant le sommet de l’Otan prévu le 14 juin prochain à Bruxelles. A travers cette visite, le chef de la diplomatie turque espère ouvrir un dialogue destiné à apaiser les tensions et à normaliser les relations avec la France.
“Nous envisageons de renforcer nos relations avec la France sur la base du respect mutuel”, a écrit Mevlut Cavusoglu sur Twitter.
La Turquie cherche désormais à mettre en évidence les “intérêts communs” qu’elle partage avec la France qui de son côté reste sur la réserve en attendant des signes plus concrets de la bonne foi turque.
