Algérie : Un islamologue condamné à 3 ans de prison ferme pour “offense à l’islam”

Saïd Djabelkhir, un éminent journaliste, écrivain et islamologue algérien, spécialiste du soufisme, un courant mystique et ésotérique de l’islam, a été condamné jeudi 22 avril par un tribunal d’Alger à une peine de 3 ans de prison ferme pour “offense au dogme et aux préceptes de l’islam”.

Il a été poursuivi par un collègue universitaire, professeur d’informatique à Sidi Bel-Abbès (nord-ouest), entouré de 7 avocats. La loi algérienne prévoit entre 3 et 5 ans d’emprisonnement et/ou une amende contre “quiconque offense le prophète ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen “.

A l’issue de son procès, Saïd Djabelkhir a exprimé sa surprise face à une peine aussi lourde qu’injustifiée et a déclaré son intention de faire appel et de porter l’affaire en cassation si cela s’avérait nécessaire. Il a également affirmé qu’il continuerait à se battre pour la liberté de conscience : “On a le malheur de faire de la recherche en Algérie. Mais c’est un combat qui doit continuer pour la liberté de conscience, pour la liberté d’opinion et pour la liberté d’expression.” Il a ajouté : “Le combat pour la liberté de conscience est non négociable.”

Un de ses avocats, Me Moumen Chadi, s’est dit “choqué” par ce verdict particulièrement sévère et a dénoncé un vice de forme. “Il n’y a aucune preuve. Le dossier est vide. Nous nous attendions à une relaxe”, a t-il déclaré.

Les détracteurs de l’islamologue lui reprochent d’avoir affirmé dans ses écrits que le sacrifice du mouton existait bien avant l’avènement de l’islam et d’avoir critiqué le mariage de jeunes filles prépubères dans certains milieux musulmans. Il lui est également reproché d’avoir dénigré des versets du Coran et les cinq piliers de l’islam, comme le pèlerinage à La Mecque (le hadj).

Durant son procès qui a eu lieu le 1er avril, il a réfuté l’accusation selon laquelle il aurait porté atteinte à l’islam et a assuré avoir seulement partagé des “réflexions académiques”. Il s’est défendu en disant que l’accusation provenait de “personnes qui n’ont aucune compétence en matière de religion” et a estimé qu’« un très grand effort de réflexion nouvelle sur les textes fondateurs de l’islam est nécessaire car les lectures traditionnelles ne répondent plus aux attentes, besoins et questionnements de l’Homme moderne”, un discours mal perçu dans un pays comme l’Algérie, ou l’islam est religion d’Etat.

Saïd Djabelkhir qui a plus d’une fois été confronté aux islamistes a expliqué lors d’un entretien : “Les wahhabites (partisans d’un courant rigoriste de l’islam) et les salafistes veulent imposer aux musulmans leurs lectures des textes comme étant la vérité absolue et c’est ce que je ne cesse de contester à travers mes écrits.”

De nombreux collègues et hommes politiques algériens lui ont toutefois témoigné leur soutien.

La Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) a dénoncé “la criminalisation des idées, du débat et de la recherche académique pourtant garanties par la Constitution”, dans un communiqué intitulé “la dérive de trop”. Tout comme les avocats de l’accusé, la LADDH a mis en garde contre l’utilisation des tribunaux comme “espace de débats religieux” et “refuse que les salles des tribunaux se substituent aux amphithéâtres des universités, et se transforment en tribunaux d’inquisition”, selon Said Salhi, le vice-président de la LADDH.

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