Au Mozambique, les ambitions gazières de l’État et de Total se heurtent à l’expansion jihadiste

Dans le nord du Mozambique, la province de Cabo et ses énormes réserves gazières promettaient un développement notable dans l’économie du pays. Au début des années 2000, d’énormes réserves sous-marines de gaz avaient été découvertes au large de Cabo Delgado dans le nord du pays. Selon Le Point, le Mozambique pourrait devenir dans les dix années à venir, le quatrième exportateur mondial de gaz après États-Unis, le Qatar et l’Australie, grâce à ses 5000 milliards de mètres cubes de gaz. Cette découverte est une aubaine inespérée pour ce pays ou près de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Seulement, les récents attentats djihadistes perpétrés dans la ville de Palma le 24 mars dernier par la branche locale de l’Etat islamique ont significativement freiné l’activité et suscité l’inquiétude des géants de l’énergie comme l’entreprise française Total, qui avait annoncé à peine quelques heures avant la prise de Palma par le groupe armé, la reprise des travaux sur le site gazier qu’il gère à une dizaine de kilomètre de la ville assiégée. Les travaux de ce site sont à l’arrêt depuis plusieurs mois principalement pour des raisons liées à la sécurité dans la zone, devenue très dangereuse depuis l’expansion de l’Etat islamique.

Total espérait pouvoir entamer ses extractions de gaz a partir de 2024, un projet colossal qui pourrait “doubler le budget de l’Etat” selon le cabinet de conseil Wood Mackenzie, cité par le journal économique Les Echos. Malheureusement, le site risque de demeurer fermé encore plusieurs mois.

Concernant l’émergence de groupes armées ayant fait allégeance à l’Etat islamique, Éric Morier-Genoud, professeur d’histoire africaine à la Queen university de Belfast a déclaré à France 24 : “C’est au départ une secte qui existe depuis les années 2007-2010 et qui a l’ambition de créer un califat islamique. Au début, elle demandait à ses membres de sortir de la société, de ne pas interagir avec les fonctionnaires, comme les policiers par exemple.” Le professeur pense que le déploiement du groupe armé dans cette région stratégique est le simple le fruit du hasard, mais il estime que “cela va changer la dynamique de la guerre”. Il affirme : “Total est inquiet, le gouvernement mozambicain aussi et il va devoir faire plus pour protéger le site d’exploitation.” Néanmoins, il suppose que le projet ne sera pas annulé mais seulement retardé.

Wassim Nasr, le journaliste de France 24 expert des mouvements djihadistes, est du même avis. Il estime que la prise de Palma n’a aucun lien direct avec le projet de Total dans la région car selon lui, les canaux de propagande djihadiste de l’EI n’ont fait que mentionner brièvement la présence de l’entreprise française. Le journaliste a expliqué: “Dans toute la communication de l’EI qui a démarré au Mozambique, en juin 2019, il n’y a eu qu’une brève sur des accords passés entre Total et des compagnies de sécurité privées, mais le texte ne les dénonçait pas. À part cette brève, il n’y a jamais eu mention de Total. Même après l’attaque (du 24 mars) ils ont qualifié Palma de ville stratégique mais n’ont pas parlé de Total.”

La branche locale de l’Etat islamique est une secte qui se fait appeler al-Chabab (les jeunes), et qui applique une doctrine religieuse qui la différencie de la minorité musulmane du nord du Mozambique. Depuis 2017, le groupe a adopté la lutte armée contre l’Etat du Mozambique. En 2018, il a fait allégeance à l’Etat islamique.

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