Le président turc Erdogan retire son pays du traité sur la lutte contre les violences sexistes

En Juin 2017, l’Union européenne signe la Convention d’Istanbul, un traité qui vise à prévenir les violences à l’égard des femmes, à protéger les victimes et à sanctionner les auteurs. Il s’agit de la première mesure européenne adoptée pour prévenir spécifiquement les violences basées sur le genre, dont le viol conjugal et la mutilation génitale des femmes.

Le président turc Tayyip Erdogan, connu pour sa coopération étroite avec les Frères musulmans et les conservateurs radicaux en général, a annoncé dans la nuit de vendredi à samedi le retrait de son pays par décret présidentiel, du traité international adopté par la Turquie en 2011.

Il y a quelques mois déjà, le gouvernement islamo-conservateur turc avait provoqué une vive polémique dans le pays après avoir annoncé son intention de se retirer de la Convention. L’annonce avait suscité une forte mobilisation en Turquie. C’est donc en toute discrétion que le président turc a conclu le traité sous la pression de islamistes radicaux.

“Nous pensions que la mobilisation de pans entiers de la société, en août, avait suffi à les faire y renoncer” déplore Canan Güllü, la présidente de la Fédération turque des associations de femmes. “Cette décision, prise pour contenter les plus radicaux des conservateurs, est un très mauvais message envoyé à la société, comme une promesse d’impunité pour les auteurs de féminicides et de violences sexuelles sur les femmes ou les enfants” ajoute la féministe turque.

Etrangement, l’association féminine “Kadem”, présidée par Sümeyye Erdoğan, la fille du président Erdogan, s’est prononcée en faveur de la Convention.

“Nous allons continuer de lutter en portant l’affaire devant la Cour constitutionnelle”, déclare Canan Güllü. “Le président n’a pas le pouvoir d’abolir une loi de défense des droits de l’Homme par simple décret, sans passer par le Parlement.”

Du côté des islamo-conservateurs, la décision présidentielle a été saluée. Mehmet Boyunkalin, l’imam de la mosquée Sainte Sophie a lancé sur son compte twitter : “Que Dieu soit loué!”. Les extrémistes du pays voyaient en cette Convention une atteinte aux “valeurs familiales” de la société et une propagande servant le mouvement LGBT qui a fait coulé beaucoup d’encre en Turquie.

Les associations turques ont fait état de 300 femmes assassinées dans le pays rien qu’en 2020. Dans un rapport sur les inégalités femmes-hommes, le Forum économique mondial a classé la Turquie 130e sur 153 pays.

Samedi 20 mars, environ 2000 femmes se sont réunies dans le quartier de Kadiköy à Istanbul pour manifester contre la décision du président, considérée à juste titre comme une nouvelle régression de la condition féminine en Turquie.

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