Remplacer les imams étrangers par des imams locaux ; un nouveau défi pour la France

La décision de suspendre le recours aux imams étranger pour les remplacer par des imams locaux pose un sérieux défi à la France en termes de financement et de formation, un nouveau témoignage de la difficulté d’organiser la religion musulmane dans ce pays.

Dans les années 1980 la France, où l’islam est considéré comme la deuxième religion, a signé des accords bilatéraux permettant à trois pays d’envoyer des imams pour une durée de quatre ans : la Turquie, l’Algérie et le Maroc.

En 2020, le président Emmanuel Macron s’est engagé à mettre fin à ce système d’ici 2024, dans le cadre de sa politique visant à lutter contre le « séparatisme ». Depuis le 1er janvier, aucun imam étranger n’est autorisé à se rendre en France pour y exercer. Ceux qui s’y trouvent déjà ont jusqu’au 1er avril pour modifier leur statut administratif.

Selon, Mohamed Moussaoui, le président de la Fédération des mosquées françaises, il n’y a pas lieu de s’inquiéter au sujet des imams arrivés du Maroc après 2021, car ils ont été « désignés par des associations » affiliées à la Fédération des mosquées françaises et ne reçoivent plus de financements de Rabat.

Pour ce qui est des imams turcs, il reste encore 60 imams délégués, selon Ibrahim Alci, le chef du Comité de coordination des musulmans turcs de France. Selon lui, « une dizaine » d’entre eux devraient rester et « seront nommés par le syndicat ».

​Du côté de l’Algérie, le doyen de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, a déclaré avoir « pris la direction il y a trois ans », et que parmi les 120 imams algériens, « il n’y en a que quatre qui souhaitent revenir ». « Quant aux autres, on vérifie leur maîtrise de la langue et les programmes universitaires qu’ils ont suivis, a-t-il ajouté.

En décembre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé à ce que les imams soient employés par des associations.  « Le financement représentera un très lourd fardeau », a estimé Hafez.

L’idée d’un pouvoir exécutif vise à réduire l’influence des pays d’origine de ces imams, mais selon Franck Fregosi, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), cela risque de poser problème si certains pays « versent une subvention à une telle structure (qui regroupe des associations) pour rémunérer les imams. »

Selon lui, le problème ne se limite pas aux imams étrangers, qui ne représentent que 10% de l’effectif en France, soulignant que « de nombreuses associations n’ont pas les moyens de payer un imam à temps plein ». La situation est donc instable et précaire et n’attire que très peu de personnes qualifiées.

​Gérald Darmanin a également exprimé l’espoir qu’ « un pourcentage croissant » d’imams « se formeront, même partiellement, en France ». Mais deux aspects doivent être distingués.

Pour ce qui est des formations liées à la laïcité et à la citoyenneté, une trentaine de diplômes universitaires en dispensent aujourd’hui, selon le ministère français de l’Intérieur. Dans un Etat laïc, « le législateur est légitimement arrivé au bout de ce qu’il peut faire », estime la sénatrice Nathalie Goulet, co-auteur d’un rapport sur l’islam en France en 2016.

Quant aux formations religieuses, il existe quelques centres qui proposent des formations qualitatives, comme l’Institut Al-Ghazali affilié à la Grande Mosquée de Paris, l’Institut islamique affilié à la Fédération des mosquées de France à Strasbourg, ou encore l’Institut européen des sciences humaines, fondé par des musulmans français (il était auparavant proche des Frères musulmans).

Toutefois, l’imamat n’est pas conditionné à l’obtention d’un certificat spécifique : selon Nathalie Goulet, « les musulmans doivent s’organiser pour obtenir un cursus d’études, un certificat et des professeurs, comme une école religieuse ou une école rabbinique ». C’est un défi au vu des différences entre les fédérations.

« Le corollaire immédiat est : comment paye-t-on la formation ? », s’interroge la sénatrice. « Nous nous retrouvons face à la question classique du financement de la religion musulmane en France ».

Nathalie Goulet estime que « le signal politique est courageux », mais que « la résolution du problème est un défi qui ne dépend que des musulmans eux-mêmes ».

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