Nagham Abou Samra, une jeune athlète de 24 ans, a passé sa vie à braver les restrictions et les interdits imposés par les traditions de la société gazaoui pour vivre sa passion ; le karaté.
Depuis son enfance, elle a rarement été vue sans son uniforme. Elle a remporté la première et la deuxième place aux championnats palestiniens de karaté en 2017 et 2019. Aujourd’hui, elle gît dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital Al Aqsa Martyr, dans le centre de Gaza, à Deir Al Balah, inconsciente. Sa jambe droite a été amputée.
La frappe israélienne qui a touché le domicile de sa famille le 18 décembre dans le quartier central d’Al Nuseirat, a tué sa sœur et a changé le cours de sa vie. Alors qu’elle se battait pour les victoires sportives, elle se bat désormais pour survivre.
À l’extérieur de l’hôpital, il y a les deux frères de Nagham et son père Marwan. Ils vivent tous dans leur voiture depuis que leur maison a été détruite par l’attaque israélienne.
« Mon père refuse d’aller où que ce soit. Il refuse même de dormir sur la banquette arrière, où il serait plus à l’aise. Tout ce qu’il fait, c’est rester assis en attendant de pouvoir lui rendre visite », a déclaré Mohammed, le frère de Nagham, au journal The National.
Si son père est si bouleversé par le triste sort de sa fille, c’est parce qu’elle était la plus proche de lui et la plus « gentille », raconte le frère. « Leur relation était presque parfaite. »
Alors que la guerre se poursuit dans la bande assiégée, entrainant 20 600 morts parmi les Palestiniens, la famille craint que la prochaine frappe israélienne ne touche l’hôpital où repose Nagham.
« Nous avons toujours la main sur le cœur », dit Mohammed, en évoquant les dangers liés au fait de rester près de l’hôpital.
Mohammad a déclaré que le soutien du père de Nagham envers sa fille malgré les pressions sociales qui s’opposaient à ce qu’elle participe à ce sport dominé par les hommes, était comme une dette que Nagham a essayé de rembourser.
Le karaté a façonné la personnalité de Nagham, il l’a rendue plus forte. Bien que le début de son parcours n’ait été qu’une coïncidence, elle a persévéré jusqu’à l’obtention de sa ceinture noire.
Il y avait un centre d’entraînement près du domicile familial, dans le nord de la ville de Gaza, où elle avait l’habitude de voir des enfants de son âge en uniforme. Son père a exaucé le souhait de sa fille de participer aux entrainements.
Son frère explique que depuis, le karaté est devenu la passion de Nagham.
Son amour pour ce sport était si fort qu’elle a décidé d’obtenir une licence et une maîtrise en éducation physique.
Elle a ensuite ouvert une salle de sport qui proposait des cours de karaté aux filles.
Mais pour l’instant, le sort de Nagham est incertain. « Son état est instable », a déclaré Mohammed.
L’espoir est que l’état de Nagham devienne suffisamment stable dans les prochains jours pour être envoyée en Égypte par le poste frontière de Rafah, dans le sud du pays, pour être ensuite transférée aux Émirats arabes unis.
La mère de Nagham est décédée d’un cancer il y a quatre mois, avant le début de la guerre avec Israël, le 7 octobre, à la suite des attaques menées par le Hamas contre Israël.
La mort de toutes les femmes de la famille a compliqué la procédure de transfert de Nagham à l’étranger.
« Après nous être renseignés, nous avons appris que les demandes de traitement en dehors de Gaza étaient rejetées lorsque l’accompagnateur de la personne blessée était un homme », explique le frère.
Après de longues recherches, la famille a trouvé une femme qui s’est portée « volontaire » pour accompagner Nagham au cas où elle serait sélectionnée pour être prise en charge à l’étranger.
La famille lance des appels aux gouvernements du monde entier pour que Nagham puisse avoir la possibilité d’être soignée à l’étranger, tandis que son père passe ses journées devant les portes de l’hôpital, attendant que la seule fille qui lui reste reprenne conscience.
