La Chine et les Etats-Unis face à l’urgence de conclure un accord sur le climat

Les dirigeants de quelques principales institutions mondiales de protection du climat accentuent la pression sur les États-Unis et la Chine pour que les deux puissances parviennent à un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique, craignant que les relations tendues entre les deux parties ne portent préjudice aux négociations internationales qui se déroulent à Dubaï.

À deux mois de la conférence annuelle des Nations unies sur le changement climatique, (COP28), les dirigeants des Nations unies, de l’Agence internationale de l’énergie et du sommet sur le climat font pression pour que les deux superpuissances parviennent à un accord. Ils considèrent que la collaboration entre les États-Unis et la Chine est indispensable pour relancer les efforts de la communauté internationale, qui peine à limiter la hausse des températures mondiales, contribuant ainsi à l’augmentation du nombre d’incendies, d’inondations et de tempêtes meurtrières, selon les scientifiques.

« Un tel signal de la part de la COP28 donnerait un élan majeur à notre lutte contre le changement climatique », a déclaré vendredi Fatih Birol, directeur général de l’AIE, lors d’une interview. « Je ne sais pas quelle est la probabilité de voir un accord entre la Chine et les États-Unis. Mais je sais qu’il est très peu probable que nous atteignions nos objectifs climatiques en l’absence d’un tel accord. »

La Chine est le premier émetteur mondial de dioxyde de carbone, avec environ 12,7 milliards de tonnes par an, soit plus du double des émissions des États-Unis. Mais en raison de leur industrialisation plus précoce, les États-Unis portent une plus grande responsabilité globale dans les émissions totales de carbone, qui persistent dans l’atmosphère pendant des décennies. Les Américains génèrent également plus d’émissions par personne que les Chinois, selon certains analystes.

La semaine dernière, les réunions de l’Assemblée générale des Nations unies ont attiré aux États-Unis des centaines de diplomates spécialistes du climat. Beaucoup parmi eux craignent que les frictions géopolitiques généralisées et l’absence de progrès en matière de financement ne mettent en péril la COP28. Prévu en décembre à Dubaï, le sommet de cette année vise à achever le « bilan » mondial, une évaluation formelle des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de l’accord de Paris de 2015, et à déterminer si des mesures plus sévères sont nécessaires pour atteindre ces objectifs.

Une version préliminaire de l’évaluation publiée ce mois-ci a révélé que les gouvernements sont loin d’être sur la bonne voie, avec « une fenêtre qui se rétrécit rapidement » pour rattraper leur retard. Étant donné que les États-Unis et la Chine sont les plus gros émetteurs au monde, seules des avancées majeures de la part de ces deux pays, en collaboration, peuvent mener au succès, ont déclaré Fatih Birol et d’autres spécialistes cette semaine.

Pourtant, les relations entre Pékin et Washington demeurent froides en ce qui concerne le commerce, la technologie, les droits de l’homme et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces tensions ont compromis les négociations sur le climat entre les deux pays, alors que la question du climat représentait jusqu’à présent un rare point commun dans leurs relations.

Les frictions ont été évidentes en juillet, lorsque l’envoyé américain pour le climat John F. Kerry s’est rendu à Pékin, et que le président chinois Xi Jinping ne l’a pas rencontré. Au cours de cette visite, M. Xi a prononcé un discours dans lequel il a déclaré que le rythme de la Chine en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre « devrait et doit être » déterminé sans ingérence extérieure.

Mercredi, à New York, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a organisé un sommet sur le changement climatique sans accorder de temps de parole à l’une ou l’autre des deux parties. Il a déclaré qu’il s’agissait d’un sommet « sans prise de tête » destiné à présenter des efforts nouveaux et ambitieux, et il n’a pas caché ses frustrations face à l’attitude des pays industrialisés.

« L’humanité a ouvert les portes de l’enfer », a déclaré M. Guterres lors de l’ouverture de l’événement. « Nous devons rattraper le temps perdu à cause des tergiversations, des tiraillements et de la cupidité pure et simple d’intérêts bien établis qui gagnent des milliards grâce aux combustibles fossiles. »

Les accords entre les États-Unis et la Chine ont déjà contribué à galvaniser des pactes climatiques majeurs. Leur travail a abouti à l’accord de Paris en 2015, et il y a deux ans, à Glasgow, en Écosse, les deux nations ont annoncé à la surprise générale qu’elles allaient accélérer leur collaboration dans le domaine des énergies propres. L’année dernière, dans un contexte de frictions accrues, les deux pays ont tout au plus accepté de reprendre les négociations officielles, mettant ainsi fin à un gel de trois mois.

« Nous devons aller plus loin » lors de la COP28, a déclaré Adnan Amin, directeur général du sommet, qui a cherché à négocier un accord entre les deux pays. Adnan Amin, qui a précédemment dirigé l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, a passé la semaine dernière à New York pour rencontrer des responsables américains et prévoyait de se rendre en Chine cette semaine.

Les opportunités les plus prometteuses concernent les technologies que la Chine pourrait adopter pour contenir divers gaz à effet de serre, en particulier les émissions de méthane provenant de l’agriculture, a t-il indiqué.

L’envoyé climatique de la Chine, Xie Zhenhua, a déclaré l’année dernière que son pays s’efforcerait de réduire les émissions de méthane, mais Pékin n’a pas signé l’Engagement mondial sur le méthane que les États-Unis et d’autres pays ont soutenu.

Adnan Amin a déclaré que les deux pays pourraient collaborer dans le domaine de l’industrie lourde, notamment dans les aciéries, les cimenteries et les usines d’aluminium, dont les émissions peuvent être difficiles à contrôler.

Des accords plus larges, notamment pour envoyer des technologies chinoises d’énergie propre aux États-Unis, ne sont pas politiquement acceptables pour le président Biden, alors que le sentiment anti-chinois est largement répandu au sein des deux partis à Washington. L’administration Biden a accusé Pékin de génocide et de travail forcé dans la région du Xinjiang, à l’ouest de la Chine, et a interdit les produits fabriqués dans cette région, y compris les panneaux solaires.

Selon M. Amin, le charbon devrait également constituer un important point de discorde. La Chine a exaspéré les responsables occidentaux en augmentant à nouveau la construction de centrales électriques au charbon.

Selon M. Amin, la Chine n’exploite pas les nouvelles centrales à plein régime, ce qui a amené son équipe à conclure qu’il ne s’agissait que d’une solution de secours au cas où le pays aurait besoin d’une plus grande quantité d’énergie domestique. Pékin a fait de la sécurité énergétique une priorité depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’année dernière, qui a plongé les marchés de l’énergie dans la tourmente et conduit les pays occidentaux à s’attaquer aux exportations d’énergie de la Russie.

La semaine dernière, M. Kerry et M. Birol ont publié un article d’opinion dans le Washington Post dans lequel ils implorent le monde de cesser de construire des centrales électriques au charbon sans disposer de la technologie nécessaire pour limiter leurs émissions. Les centrales à charbon existantes sont suffisantes, si elles ne sont pas contrôlées, pour empêcher le monde de respecter l’accord de Paris, ont-ils rédigé.

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