Une militante des droits de la femme en Afghanistan a appelé les pays du monde entier à soutenir l’éducation en ligne des jeunes filles afghanes.
Cet appel a eu lieu après qu’un groupe de femmes afghanes qui avaient obtenu des bourses d’études à Dubaï ont été empêchées par les talibans de quitter le pays la semaine dernière.
Mahbouba Seraj, une femme de 75 ans récemment nominée pour le prix Nobel de la paix pour la lutte qu’elle mène depuis des dizaines d’années pour l’émancipation des femmes en Afghanistan, et qui dirige l’Afghan Women’s Network, un groupe de coordination qui soutient les organisations féminines dans le pays, a déclaré qu’il ne subsistait aucun espoir pour les femmes puisque les talibans s’entêtent à les priver de leurs droits.
« L’éducation est interdite aux filles afghanes. Mais ces femmes ont eu la possibilité d’aller à l’université à Dubaï et cela leur a également été retiré », a déclaré Mme Seraj lors d’une interview accordée au journal The National. « Je suis aussi bouleversée et blessée qu’elles », a-t-elle ajouté.
Les jeunes filles devaient étudier à l’université de Dubaï grâce à des bourses offertes par l’homme d’affaires émirati Khalaf al-Habtoor, qui a qualifié la décision des talibans de « tragédie significative contre l’humanité, contre l’éducation, l’égalité et la justice ».
Depuis qu’ils ont repris le pouvoir en Afghanistan en août 2021, les talibans ont considérablement réduit l’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi, privant de fait la moitié de la population de l’espace public.
Les écoles et collèges pour jeunes filles demeurent fermés, les filles n’ayant pas le droit de fréquenter l’école au-delà de la sixième année d’études.
Récemment, les talibans ont également fermé des salons de beauté et ont interdit aux femmes de voyager seules.
Alors que les femmes sont quotidiennement confrontées à des restrictions de plus en plus écrasantes, Mme Seraj s’étonne que rien n’ait été prévu pour leur permettre de quitter Kaboul en toute sécurité.
« On ne peut rien tenir pour acquis en Afghanistan aujourd’hui », a-t-elle déclaré. « Ce n’est plus le pays que nous connaissions il y a deux ans. »
« J’espère que les Émirats arabes unis et leur peuple généreux prendront des dispositions immédiates pour fournir à ces jeunes filles des ordinateurs, une formation sur internet et un contact avec des universités », a-t-elle déclaré.
« Vous pouvez leur octroyer des diplômes universitaires afin qu’elles soient prêtes à l’avenir à travailler n’importe où dans le monde. »
Malgré les restrictions, les écoles clandestines et les cours en ligne se multiplient en Afghanistan.
« En dépit de tous les obstacles, les femmes y parviennent. L’enseignement en ligne est la seule lueur d’espoir », a déclaré Mme Seraj.
Mme Seraj a choisi de rester à Kaboul après le retour des talibans au pouvoir. Elle a résisté au groupe extrémiste pendant qu’il réprimait les manifestations et arrêtait les défenseurs des droits de l’homme.
Elle est devenue célèbre au début du mois d’août après la diffusion d’une vidéo, devenue virale, la montrant assise aux côtés du porte-parole des talibans, Zabiullah Mujahid.
« Pour l’amour de Dieu, ouvrez les écoles pour filles. Il n’est pas possible d’avoir une génération qui ne va pas à l’école », entend-on dans la vidéo. « Si vous ne résolvez pas ce problème, le monde entier se dressera contre vous. »
En tant que citoyenne ayant toujours travaillé pour le pays, Mme Seraj affirme que les talibans lui prêtent une oreille attentive.
Mais malgré ses efforts pour s’engager avec le groupe – une position qui lui vaut des critiques – Mme Seraj dit se trouver dans une impasse.
« Au début, j’avais l’espoir que les nouveaux talibans soient différents des anciens. Il y a toujours eu un groupe de talibans au sein des talibans à qui l’on pouvait s’adresser. Mais cela devient de plus en plus difficile à chaque étape », a-t-elle déploré.
« Je n’arrive pas à comprendre leur raisonnement. Nulle part l’islam ne refuse aux femmes le droit à l’éducation. C’est fou qu’ils le fassent et qu’ils se disent musulmans », a-t-elle poursuivi.
Le régime ne tient pas compte de l’impact psychologique et émotionnel des restrictions imposées aux femmes.
« Ce qui est triste, c’est que les femmes sont incapables de faire face à cette situation. Elles sont censées être l’avenir de ce pays. Elles sont censées élever la prochaine génération. Mais elles sont tellement brisées. »
« Nous avons traversé tant d’épreuves et à présent je repars de zéro. Je ne crois pas que les choses vont changer, du moins de mon vivant. Je ne peux que m’excuser auprès de ces jeunes femmes dont les rêves sont anéantis. »
Bien qu’elle se sente découragée, Mme Seraj s’engage à poursuivre son combat.
« Ce régime est celui que les États-Unis et le monde nous ont imposé après 20 ans d’une guerre infructueuse », a-t-elle déclaré. « C’est notre réalité et nous devons vivre avec. Tout ce que nous pouvons faire, c’est essayer de travailler avec lui pour apporter des réformes. »