Des excuses et des regrets tardifs, Ghannouchi admet l’échec des Frères musulmans à gouverner la Tunisie

La politique tunisienne connait actuellement des rebondissements presque quotidiens. Après les mesures prises par le président tunisien Qais Saied dans la soirée du 25 juillet pour empêcher les parlementaires de voyager et pour traiter les affaires de corruption dans lesquelles ils sont impliqués, Rached Ghannouchi, le président du Parlement et chef de file du mouvement Ennahda (branche de la Confrérie musulmane en Tunisie), a admis, mercredi 12 août, les échecs de son Parti et a reconnu les raisons qui ont déclenché la révolte de la rue contre les élites politiques.

Dans une interview publiée hier par l’agence de presse turque “Anadolu”, Ghannouchi a fait une série de ce qui ressemble à des confessions en déclarant : “Un homme politique qui n’écoute pas son peuple est soit arrogant soit sourd, et Ennahda annonce avec humilité qu’il est ouvert à une révision radicale si nécessaire. Le peuple qui mené la révolution de la liberté et de la dignité ne renoncera pas à son processus historique vers l’enracinement de la justice sociale.”

Il a ajouté : “Nous avons reçu le message de notre peuple, et avec tout le courage, nous annoncerons notre autocritique”.

Ghannouchi a reconnu que la colère populaire a résulté de “l’absence d’un aboutissement économique et social de la révolution, et du comportement de nombreux politiciens, dont les islamistes”, arguant que l’Etat tunisien naissant manque d’expérience et souffre de quelques lacunes.

Dans cette série d’aveux, Ghannouchi a pour la première fois tacitement reconnu l’implication de certains hommes politiques dans la corruption. Il a ensuite affirmé adhérer aux priorités du président tunisien Qais Saied, qu’il a longtemps fustigé dans ses discours.

Ghannouchi a déclaré : “Ceci est une réalité, mais elle ne signifie pas le retrait de la démocratie. On peut parler d’aspects de corruption dans les systèmes démocratiques, mais quand il s’agit de dictature, la corruption est absolue. Avez-vous jamais vu une dictature propre?” Il a poursuivi : “Le parti Ennahda est prêt à se sacrifier pour parachever le processus démocratique.”

Ghannouchi a évoqué le rôle prépondérant que tient actuellement l’armée tunisienne dans la vie politique, affirmant qu’il ne craint pas que les récents événements soient une porte d’entrée pour le maintien de l’armée en politique.

Il a affirmé : “La neutralité de l’armée est un acquis tunisien authentique, qu’il faut préserver et l’image d’un char stationné devant le Parlement est très mauvaise pour l’histoire de l’expérience démocratique naissante. Nous espérons donc, qu’elle disparaitra au plus vite, car nous n’en avons pas besoin étant donné que la démocratie a fourni tous les moyens pacifiques pour ce faire.”

Il a conclu son discours en appelant à la nécessité d’établir un dialogue entre les partis politiques. En faisant référence à Qais Saied, il ajoute : “Nous le soutiendrons et œuvrerons à sa réussite, moyennant les sacrifices nécessaires pour préserver la stabilité de notre pays et la continuité de notre démocratie. Nous espérons que ce dialogue inclura les caractéristiques de la prochaine étape au niveau des réformes économiques et politiques dont le pays a besoin.”

Les déclarations du leader d’Ennahda s’inscrivent dans la stratégie de recul adoptée par le mouvement, quelques jours après les décisions du président qu’il a d’abord qualifiée de coup d’État. Désormais Ghannouchi ne parle plus de coup d’Etat, mais de soutien à l’Etat et de coopération avec le président. Une coopération qui peut s’avérer compliquée à mettre en œuvre en raison de l’hostilité que les deux hommes ont l’un envers l’autre.

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