Nucléaire iranien: Entre Washington et Téhéran, le bras de fer est engagé

Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique Rafael Grossi, a annoncé la mise en œuvre d’une “solution temporaire” concernant l’inspection de l’activité nucléaire iranienne, indiquant avoir convenu avec les responsables iraniens que l’agence continuerait à procéder à l’inspection et au contrôle nécessaires pendant 3 mois, mais que cet accord limitera l’accès des inspecteurs.

“Nous avons obtenu un résultat raisonnable des pourparlers en Iran”, a déclaré Grossi à son arrivée à Vienne tard hier, précisant que le rythme des inspections sur les sites iraniens serait ralenti et qu’il n’y aurait plus d’inspections surprises.

Il a ajouté qu’il n’y aurait pas de changement dans le nombre d’inspecteurs, mais que le “protocole additionnel” serait “suspendu”. Il a précisé que l’Iran accorderait “un accès plus limité” aux inspecteurs, mais que cela permettrait à l’agence de continuer à surveiller son programme nucléaire.

“Les points sur lesquels nous nous sommes mis d’accord sont utiles pour combler le fossé qui nous sépare et sauver la situation actuelle.” a assuré Rossi selon l’agence Reuters.

Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, a déclaré à la télévision que le président américain était toujours prêt à négocier avec l’Iran. Précédemment, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif, avait rejeté la proposition américaine et a exigé des Etats-Unis de lever les sanctions imposées à son pays avant toute négociation.

Pour faire pression sur les américains, une loi adoptée par le parlement iranien début décembre avait fixé une date limite pour la levée des sanctions avant d’enfreindre d’autres accords. Le délai accordé par l’Iran est arrivée à échéance hier.

Avant l’expiration de ce délai, l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran (OEAI), avait déjà commencé à appliquer la loi en élevant le taux d’enrichissement de son uranium à 20%, en produisant de l’uranium métal pouvant être utilisé dans la fabrication d’armes nucléaires, et en démarrant des centrifugeuses sur le site de “Natanz”. Les iraniens souhaitent suspendre à partir de demain le “protocole additionnel” lié au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), et annuler la permission accordée aux inspecteurs de pénétrer tout site nucléaire jugé important, si l’Agence internationale de l’énergie atomique les prévient de ses visites trop peu de temps à l’avance.

Avant de rencontrer Zarif, Grossi s’était entretenu avec le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, Ali Akbar Salehi, tandis que des dizaines de personnes s’étaient rassemblées devant le siège de l’organisation dans la région d’Amirabad, scandant le slogan “les inspecteurs espions doivent être expulsés”, d’après un enregistrement vidéo publié par des sites web iraniens. Quant aux parlementaires iraniens, ils ont publié hier une déclaration signée par 220 d’entre eux sur 290, mettant en garde le gouvernement américain contre le report de la levée des sanctions.

Avant de se rendre à Téhéran, Grossi avait déclaré qu’il souhaitait trouver une “solution mutuellement acceptable, conforme à la loi iranienne, afin que l’Agence internationale de l’énergie atomique puisse poursuivre ses activités d’inspection de base en Iran. “C’est dans l’intérêt de tous.” avait-il ajouté.

Après la première étape des pourparlers entre Grossi et le directeur de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, Ali Akbar Salehi, l’ambassadeur iranien auprès de l’organisation internationale, Kazem Gharib Abadi, avait déclaré sur Twitter que “l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique avaient mené des discussions fructueuses basées sur le respect mutuel.”

Dans les jours à venir, l’Agence internationale de l’energie est censée publier un rapport complet sur les développements du dossier iranien, y compris sur la découverte de traces d’uranium dans deux sites secrets.

Jeudi dernier, l’administration Biden a annoncé qu’elle était prête à négocier avec l’Iran le retour des deux pays à l’accord de 2015, duquel l’ancien président américain Donald Trump s’était retiré en mai 2018 avant de réimposer des sanctions contre l’Iran dans le but d’obtenir un accord plus étendu, incluant les missiles balistiques et les activités régionales du régime iranien.

Mais les deux parties restent en désaccord concernant qui devrait faire le premier pas pour relancer l’accord. Téhéran insiste pour que Washington lève d’abord les sanctions.

Sullivan a souligné sur la chaine “CBS” que le président Joe Biden était déterminé à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, et que la diplomatie était le meilleur moyen d’y parvenir. “L’Iran n’a pas encore répondu”, a-t-il dit, concernant la volonté des Etats-Unis d’entamer des pourparlers sur le retour à l’accord.

En réponse à la question de savoir si l’administration Biden a entamé des négociations avec l’Iran dans le but de libérer les Américains détenus, Sullivan a déclaré que cette affaire “suscite une colère totale et absolue”. Il a ajouté: “Nous avons commencé à discuter avec les Iraniens à ce sujet”. Il a poursuivi: “Nous n’accepterons pas de solution à long terme tant qu’ils continueront à retenir des américains injustement et sans base légale”, a rapporté l’agence “Reuters”.

De son côté, l’Iran a formellement nié l’existence d’un dialogue direct à ce sujet. Selon le site “Noor News”, une plateforme médiatique du Conseil national de la sécurité iranienne, une source anonyme aurait indiqué : “Le gouvernement iranien n’a pas discuté de la question des détenus américains avec Washington. Tous les messages ont été échangés via l’ambassade de Suisse à Téhéran.”

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif, a déclaré que son pays désactiverait les caméras de surveillance et ne permettrait pas à l’Agence internationale de l’énergie atomique d’obtenir des films enregistrés, malgré les discussions avec Grossi ou toutes les questions sensibles ont été abordées.

Avant de recevoir Grossi, Zarif avait déclaré à la presse iranienne anglophone Press TV : “Ce n’est pas un rdv définitif ni un ultimatum, il s’agit plutôt d’une question interne entre le parlement et le gouvernement”, précisant qu’il ne souhaitait pas abandonner l’accord mais que Washington devra lever les sanctions pour le sauver”. Il a soutenu : “Il est possible d’inverser toutes les mesures que nous avons prises (en dehors du champ d’application de l’accord nucléaire) … La mesure du 23 février n’est pas un abandon de l’accord”, selon l’agence “Reuters”.

Zarif s’est engagé “à éviter l’impasse et honorer l’obligation de démontrer que le programme nucléaire iranien était pacifique”. Il a indiqué la possibilité de négocier avec les États-Unis, mais a exclu toute modification de l’accord actuel, affirmant que son pays serait prêt à reprendre les négociations lorsque toutes les parties signataires de l’accord agiront conformément à leurs obligations. Dans un entretien avec la télévision étatique, il a mentionné les cyberattaques, affirmant que l’Agence internationale de l’énergie atomique devrait garder certaines de ses informations confidentielles pour des raisons de sécurité.

Samedi, le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, Ali Akbar Salehi, a déclaré que “la révision et la négociation des considérations de l’AIEA (s’inscrivaient) dans le cadre de (l’accord des garanties) et de la coopération bilatérale”, indiquant que son pays ne renoncerait pas à arrêter le “protocole additionnel”. Il a affirmé : “L’autre partie n’a pas encore rempli ses obligations de lever les sanctions, de sorte que les inspections qui vont au-delà des accords garantis seront suspendues”.

Zarif a averti que l’Iran avait le droit d’abandonner “partiellement ou totalement” ses obligations, dans le cas où les autres ne s’y conformeraient pas, ajoutant: “Nous en sommes encore au stade partiel. Nous pouvons atteindre le stade complet.” Il a affirmé que l’Iran ne cèderait pas à la pression et que l’administration Biden appliquait la même politique de “pression maximale” que Donald Trump.

Le premier adjoint de Zarif, Abbas Araqchi, avait indiqué samedi que cette nouvelle étape réduirait les possibilités d’inspection de l’agence de 20 à 30%. Il a déclaré que Téhéran étudiait une proposition américaine dans le cadre du groupe 5 + 1, précisant : “Nous étudions cette proposition et consultons nos amis et alliés comme la Chine et la Russie.” Habituellement, la levée des sanctions est une initiative qui n’a pas besoin de négociation.

Les États-Unis et les pays européens signataires de l’accord de Vienne avaient déjà averti l’Iran des conséquences de ses futures décisions. Après une réunion de leurs ministres des Affaires étrangères jeudi dernier, ces pays ont à nouveau appelé l’Iran à évaluer “les conséquences d’une mesure aussi dangereuse, surtout au moment où une opportunité se présente pour un retour à la diplomatie”.

Biden a déclaré à la “Conférence de Munich sur la sécurité” que son pays collaborerait avec ses alliés sur les moyens de traiter diplomatiquement avec l’Iran, contrairement à son prédécesseur Trump qui avait adopté une politique de “pression maximale”. Il a affirmé: “La menace de la prolifération nucléaire exige toujours une diplomatie et une coopération prudentes (…) pour cette raison, nous avons annoncé être prêts à reprendre les négociations avec le groupe 5 + 1 sur le programme nucléaire iranien.”

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