La semaine dernière, la capitale américaine a assisté à la première rencontre irako-américaine autour de la “coopération conjointe en matière de sécurité”.
Il y a vingt ans, les relations américano-irakiennes étaient celles d’une armée qui a envahi le territoire d’un autre pays et renversé le régime de Saddam Hussein, qui a affronté la rébellion puis quitté le territoire selon un accord pour revenir affronter l’Etat islamique. Désormais, les Américains souhaitent travailler aux côtés du gouvernement irakien pour aider ce dernier à mener cette dernière mission.
Un haut responsable du département américain de la Défense a confirmé que les États-Unis comprennent bien que la mission contre l’Etat islamique prendra fin, les deux parties ont donc commencé à tenir des discussions sur ce qui pourrait advenir de leurs relations après cette mission.
La déclaration conjointe publiée à la fin des pourparlers au Pentagone évoque un “partenariat global à 360 degrés”. À l’issue de ces pourparlers, un haut responsable du département américain de la Défense a déclaré lors d’une réunion avec la presse, que les relations “promises” pourraient compter “des exercices militaires bilatéraux et multilatéraux, l’échange d’informations et de renseignements, et bien sûr la vente d’armes américaines et l’aide aux Irakiens pour entretenir les équipements pour la protection des frontières et d’autres opérations”.
Les propositions américaines sont porteuses de nombreux défis, le plus important étant de faire des forces irakiennes une armée semblable à celle des Etats-Unis. S’engager dans des exercices bilatéraux ou multilatéraux implique que les éléments des deux armées parlent le même langage. Quant à l’échange d’informations, notamment de renseignements, cela signifie que les deux parties travailleront à devenir deux armées amies qui s’échangent des informations confidentielles, et que chaque partie doit être convaincue que ces informations ne seront pas divulguées à un tiers.
Les Américains constatent maintenant que les forces irakiennes ont de bonne capacité dans le domaine du contre-terrorisme, et le grand défi pour les deux parties sera de transformer cette force militaire irakienne en une armée qui œuvre aux côtés des Américains pour atteindre les objectifs de « la dissuasion et de la sécurité régionale », selon le responsable américain. L’Irak deviendrait une partie de la structure de coopération américano-arabe pour protéger l’espace aérien, les terres et les eaux contre toute agression, qu’elle provienne d’un État ou d’une organisation terroriste.
Ces considérations ne sont pas nouvelles pour les Américains : lorsque l’actuel président, Joe Biden, s’est rendu à Djeddah en 2022, les pays du Conseil de coopération du Golfe étaient présents et l’Irak l’était également, tout comme la Jordanie et l’Égypte, mais les pressions externes et internes auxquelles l’Irak était exposé l’ont placé dans une case différente.
L’Irak a de longues frontières avec l’Iran. Les Gardiens iraniens de la révolution exercent une grande influence sur les milices chiites et l’Iran utilise les terres et l’espace aérien irakiens pour entrer en Syrie. L’Irak coexiste selon le principe du fédéralisme avec la région du Kurdistan, où les Peshmergas ont leur leadership et des contacts distincts avec les Américains, et la Turquie entend maintenir son influence à l’intérieur des frontières irakiennes sous prétexte de combattre les opposants kurdes.
Les Américains n’ont pas de réponses à toutes les questions, et les Irakiens n’ont pas d’engagements définitifs à présenter aux Américains, mais la maîtrise par l’Irak du système de commandement et de contrôle de ses forces armées ouvrira une grande porte à la coopération avec les Etats-Unis.
Et si l’Irak parvient également à contrôler les milices et les frontières, les deux parties pourront développer davantage une relation militaire entre une puissance régionale et pétrolière, et un pays qui a plus de puissance militaire que toute l’Europe réunie.