De nombreux indicateurs confirment que les principaux soutiens des Frères musulmans, la Turquie et le Qatar, ont bel et bien renoncé à la Confrérie. Selon les analystes, cela laisse supposer que le Moyen-Orient est à l’aube de changements politiques et stratégiques majeurs dont les caractéristiques se préciseront après la visite du président américain Joe Biden à la région.
L’émir du Qatar, le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, se rendra en Égypte demain pour une visite de deux jours. Cette visite est sa première depuis la réconciliation qui a eu lieu lors du sommet d’Al-Ula en Arabie saoudite en janvier 2021, mettant fin à trois ans de brouille diplomatique et économique entre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte d’une part, et le Qatar d’autre part, en raison du soutien de Doha à la Confrérie des Frères musulmans, classée organisation terroriste dans plusieurs pays arabes.
Il y a quelques jours, le président turc Recep Tayyip Erdogan a reçu le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman en grandes pompes, après une discorde qui a duré des années et dont l’objet est également le soutien d’Ankara aux Frères musulmans.
Le Qatar et la Turquie ont accueilli de nombreux dirigeants fugitifs de la Confrérie, et leur ont offert soutien financier et médiatique.
A l’issue de la réconciliation entre le Qatar et ses voisins, Doha a commencé à abandonner progressivement la Confrérie en déportant un certain nombre de ses dirigeants vers la Malaisie.
L’expulsion des Frères musulmans du Qatar a été l’une des plus importantes conditions exigées par le quatuor arabe (EAU, Arabie saoudite, Bahreïn et Égypte) en juin 2017 pour reprendre ses relations avec Doha.
Les analystes considèrent que les signes les plus forts indiquant l’abandon de la Confrérie par le Qatar, ont été envoyés en mars dernier par l’ancien Premier ministre qatari, le Cheikh Hamad ben Jassim Al Thani, connu comme le “parrain” du Printemps arabe.
Lors des événements du Printemps arabe, le Cheikh Hamad a déclaré dans une longue interview accordée au journal koweïtien Al-Qabas, que “la Confrérie convient à la gestion d’une boutique et non à la gestion d’un État.”
Mustafa Gurbuz, chercheur turc à l’Université américaine de Washington, a déclaré au journal Ahval en mars dernier qu'”Erdogan a utilisé les Frères musulmans comme une carte destinée à rallier le soutien autour de son régime, mais une telle rhétorique n’offre plus la même valeur à présent.”
Selon Gubuz, la défaite des Frères musulmans en tant que puissance politique dans la région, représente un revers pour les anciennes ambitions d’Erdogan en termes de leadership au Moyen-Orient.
Le chercheur a noté que “les partis islamistes ont perdu de leur ardeur” et que “le jeu régional d’Erdogan a subi une grande défaite”.
Le prestigieux journal autrichien Die Presse a prévenu en avril 2021 qu'”Erdogan était prêt à abandonner les Frères musulmans, mais dès qu’Ankara trouvera un champ d’action correct sur la scène internationale, il ramènera la Confrérie dans son giron”.
Concernant la visite de l’émir du Qatar en Égypte, l’analyste politique Nasreddine Ben Hadid a déclaré dans un communiqué exclusif que “le moment de cette visite était très sensible car elle a lieu avant celle du président américain Joe Biden dans la région, et quelques jours avant la célébration de l’anniversaire de la révolution du 30 juin qui a renversé le régime des Frères musulmans en Égypte, provoquant des tensions entre l’Égypte et le Qatar en raison du soutien massif du Qatar aux Frères musulmans avant et après leur chute.
En novembre 2018, l’écrivain politique Moataz Ali a spéculé sur ce qu’il a appelé “la chute de la carte de la Fraternité que l’axe turco-qatari a utilisée dans le jeu des intérêts”. Il a affirmé que “l’éviction des Frères musulmans des calculs d’Ankara et de Doha dépend de la fin du conflit qui oppose les deux pays au quatuor arabe, soit avec la victoire d’une partie sur l’autre, soit avec une convergence de points de vue entre ces pays”.
En effet, après le sommet d’Al-Ula, des experts ont déclaré que le Qatar abandonnerait le groupe car il représente désormais “une carte brûlée et qu’il n’a plus de poids significatif”.
Biden était contre le départ de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak et l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en 2011 lorsqu’il était vice-président sous l’administration Obama.
“Je pense que la priorité au Moyen-Orient est maintenant de savoir comment faire face aux menaces iraniennes et d’étudier la question de la normalisation arabe avec Israël”, a indiqué Ben Hadid. Selon lui, ces deux dossiers sont d’une grande importance pour l’administration américaine.