Les conflits en Libye continuent de se répercuter sur le patrimoine antique du pays. Des dizaines d’artefacts rares et uniques sont passés illégalement à l’étranger, au milieu des mises en garde des spécialistes contre la disparition de ce patrimoine qui était autrefois une source d’attraction pour les touristes étrangers.
Cependant, malgré les divisions qui déchirent encore le pays en l’absence d’une autorité unifiée, des efforts sont déployés pour préserver le patrimoine libyen en voie de disparition.
Le 31 mars, les autorités basées à Tripoli ont réussi à rapatrier neuf antiquités depuis les États-Unis. Ces pièces avaient été pillées à la suite du soulèvement de 2011 qui a renversé le défunt président Mouammar Kadhafi.
Mustafa Ahmed Salem, le sous-secrétaire du ministère des Collectivités locales pour les Affaires municipales du gouvernement d’unité nationale (GNU) basé à Tripoli, a rencontré le 22 juin Faraj al-Talawi, le chef du département des Antiquités, pour discuter du plan du gouvernement destiné à restaurer et entretenir les sites archéologiques vandalisés et négligés pendant les années de guerre.
Hafed Walda, le chef du Comité chargé des antiquités de contrebande, a déclaré à Al-Monitor que les antiquités libyennes avaient beaucoup souffert ces dernières années en raison de l’instabilité sécuritaire et d’un manque de sensibilisation sur la valeur de ce patrimoine.
Il a ajouté : « Rien qu’en 2011, environ 7 700 pièces ont été volées dans le coffre de la Banque commerciale de Benghazi. Ce fut l’un des vols archéologiques les plus importants de l’histoire. »
Les responsables libyens fournissent des chiffres contradictoires sur le nombre des œuvres rares passées en contrebande depuis 2011, lorsque Kadhafi est tombé à l’issue de l’intervention militaire de l’OTAN.
À son tour, Ahmed Hussein Younes, le chef du Département des antiquités de l’Est de la Libye, a déclaré à Al-Monitor : « Le sort des antiquités en Libye est en fait inconnu. Les gouvernements successifs ont négligé ce secteur tout comme ils ont échoué à développer d’autres secteurs vitaux comme la santé ou l’éducation. »
Younes estime qu’entre 500 et 1 000 artefacts archéologiques précieux ont été passés en contrebande à l’étranger depuis 2011. « Les agences et départements de sécurité travaillent pour récupérer ces pièces. Ils ont réussi à localiser certaines pièces mais ne les ont pas encore ramenées au pays. Certaines pièces antiques sont mises en vente sur les réseaux sociaux. »
En mai dernier, les autorités libyennes de Tripoli ont annoncé l’arrestation de deux personnes qui tentaient de faire passer en contrebande des antiquités datant de l’époque romaine.
En raison de la situation désastreuse du secteur des antiquités en Libye, l’UNESCO a placé le 14 juillet 2016 cinq sites du patrimoine mondial libyen sur la Liste du patrimoine mondial en péril. Les sites concernés sont le site archéologique de Cyrène, le site archéologique de Leptis Magna, le site archéologique de Sabratha, les sites d’art rupestre de Tadrart Acacus et la vieille ville de Ghadamès.
Certains de ces sites ont subi à la fois vandalisme et graves dommages causés par les affrontements armés. Ce fut le cas de l’ancien théâtre romain de la ville de Sabratha, endommagé par les affrontements entre les milices rivales dans la ville.
La contrebande d’antiquités ne se limite pas à l’ouest du pays, où les milices et les seigneurs de la guerre sont aux commandes. Elle a également lieu à l’est, où les forces de Khalifa Hifter tiennent les rênes.
Un rapport d’enquête élaboré par l’American Society of Overseas Research sur les fouilles archéologiques illégales dans l’est libyen, a révélé que les combattants de Hifter étaient également impliqués dans la fouille des sites archéologiques et la mise en vente des antiquités découvertes.
Selon le rapport, plus de 9 800 antiquités ont été pillées à travers la Libye entre 2011 et 2020. Jusqu’à présent, Hifter n’a fait aucun commentaire sur ces informations.