Turquie : Erdogan en route vers le second tour des élections

Alors que la Turquie se dirige vers un second tour dans deux semaines, le président Recep Tayyip Erdogan a prouvé une fois de plus que lui et son Parti Justice et du développement (AKP) restaient imbattables, laissant l’opposition dans un état de choc et donnant probablement à l’homme fort du pays l’opportunité de réaliser son rêve de régner sur la république dans sa centième année d’existence.

Même les analystes les plus fins se sont trompés en prédisant que le principal candidat de l’opposition, Kemal Kilicdaroglu, remporterait l’élection, peut-être même dès le premier tour. L’opposition peut, du moins, se féliciter d’avoir empêché Erdogan de gagner dès le premier tour, Selon le dernier décompte de la Commission électorale suprême, Erdogan a obtenu 49,40 % des suffrages exprimés, contre 44,96 % pour Kilicdaroglu. Sinan Ogan, un candidat nationaliste de droite, arrive en troisième position avec 5,2 %.

Si M. Erdogan remporte le second tour, il entamera sa troisième décennie au pouvoir ; une prouesse sans précédent. Le président s’est montré confiant hier soir en s’adressant à la foule rassemblée devant le siège de son Parti à Ankara. Il a déclaré : « C’est notre peuple et notre pays qui ont gagné. Nous ne sommes pas comme ceux qui ont cherché à tromper le peuple, probablement pour la dernière fois, en prétendant qu’ils avaient des kilomètres d’avance sur nous. »

En outre, l’AKP et ses partenaires du Parti du mouvement nationaliste ont remporté les 600 sièges du Parlement, avec 322 sièges. Le Parti républicain du peuple (CHP) pro-laïque de Kilicdaroglu et cinq autres partis d’opposition réunis au sein de l’Alliance de la nation arrivent en deuxième position avec 213 sièges. Un bloc de gauche dirigé par le Parti de la gauche verte (YSP) pro-kurde arrive en troisième position avec 65 sièges.

La manière dont Erdogan a réussi à remporter une nouvelle victoire dans des circonstances défavorables et face à une forte adversité mérite d’être étudiée pendant de longues années. Une économie en ruine et une inflation incontrôlable font que des millions de Turcs ont du mal à subvenir à leurs besoins les plus urgents. Les derniers tremblements de terre et la façon dont la catastrophe a été gérée par le gouvernement ont sensiblement aggravé la situation. Des dizaines de milliers de dissidents croupissent encore en prison et la liberté d’expression est au plus mal. Pendant ce temps, le président vit dans un palais de 1 100 pièces et ne semble pas embarrassé par les nombreuses allégations de corruption à son égard.

Si cette élection a été techniquement libre, elle n’en est pas moins injuste. Erdogan s’est servi du système de gouvernance autocrate imposé à la suite d’un référendum controversé en 2018 pour mettre en place un système qui lui est favorable, notamment en castrant les médias et en plaçant ses hommes de confiance au sein du système judiciaire et de bien d’autres institutions clés. En avril, Erdogan a bénéficié de 32 heures de temps d’antenne à la télévision nationale, contre 32 minutes pour Kilicdaroglu. Mais rien de tout cela ne suffit à expliquer cette victoire.

Bien que nombreuses plaintes soient en cours d’examen, les soupçons liés à une éventuelle fraude à grande échelle ont finalement été écartés. Il n’y a eu presque aucune violence dans les bureaux de vote où 88% des citoyens ont voté, ce qui représente une proportion record d’électeurs. « La Turquie a prouvé une fois de plus qu’elle est l’une des principales démocraties du monde », s’est exclamé avec fierté M. Erdogan.

Cette déclaration a dû être particulièrement pénible pour le militant des droits civiques Osman Kavala et le célèbre politicien kurde, Selahattin Demirtas, qui demeurent enfermés sous de fausses accusations et au mépris des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme exigeant leur libération. Erdogan s’est tout simplement engagé à les garder en prison.

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