Jamshid Sharmahd, un germano-iranien abandonné dans les prisons de Téhéran risque l’exécution

Aucune lueur d’espoir ne semble briller pour Jamshid Sharmahd, un allemand d’origine iranienne de 66 ans, détenu depuis plus d’un an dans les prisons de Téhéran sans soins ni procès.

Jamshid Sharmahd a été enlevé par les autorités iraniennes en mars 2020, selon sa famille opposée au régime et qui vit en Californie depuis 20 ans.

Giselle Sharmhad, sa fille, travaille dans le secteur de la santé à Los Angeles et vit dans la même maison que sa famille depuis l’enlèvement de son père.

Au cours de l’année dernière, Jamshid s’est rendu en Allemagne puis en Inde ou il est resté 3 mois en raison des mesures en vigueur contre la crise sanitaire du Coronavirus. Quand il a eu la possibilité de quitter l’Inde, il a été contraint de faire plusieurs escales durant son voyage et s’est retrouvé pendant quelques jours dans la région du Golfe. Depuis, il n’a plus donné de nouvelles et son téléphone a cessé de fonctionner. Sa famille a complètement perdu le contact avec lui, jusqu’au jour ou les médias des “gardiens de la révolution islamique” ont annoncé son arrestation au Tadjikistan.

Son dernier appel à sa famille passé depuis sa prison de Téhéran remonte à environ un mois. “Bien que ses paroles aient été courtes, son ton masque la douleur et la maladie qui se cachent derrière”, a dit Giselle après sa courte conversation avec son père.

A l’occasion des six appels qu’il a passés à sa famille en 10 mois, cette dernière a tenté de savoir s’il se nourrissait et s’il avait accès à des soins médicaux. Ce à quoi il a toujours répondu d’une voix rauque entrecoupée par la toux : “Je dois raccrocher maintenant. Au revoir.” A ce jour, sa famille n’a pas pu obtenir de lui davantage d’informations.

Les enfants de Jamshid sont tous titulaires d’une carte de séjour permanent aux Etats-Unis (carte verte), contrairement à leur père qui a la nationalité allemande, bien que résident à Los Angeles et travaillant comme ingénieur en informatique et en électronique pour son propre compte. Comme tous les iraniens de Californie, il était connu pour ses critiques sévères à l’encontre du régime iranien, mais il était à mille lieues de s’imaginer devenir un jour l’acteur d’un tel scénario.

La voix cassée par le chagrin, Gisèle affirme que son père n’a pas droit aux visites à l’isolement, qu’il fait face à des accusations informelles sans respect des procédures légales, et qu’il n’a pas le droit de choisir son avocat. Il a été contraint de faire de faux aveux à son avocat désigné par les autorités iraniennes. “C’est inhumain. C’est insensé. Nous ne savons toujours pas où il se trouve, nous ne savons rien. Tout ce que nous obtenons, ce sont des bribes d’informations, mais pas toute la vérité.”

Elle ajoute: “Lors du dernier appel téléphonique de mon père, il nous a dit qu’il pesait désormais 60 kilos, ce qui signifie qu’il a perdu plus de 40 kilos. Depuis, il a perdu ses dents, et il souffrait d’une terrible toux la dernière fois qu’il a appelé. Nous espérons qu’il n’a pas été infecté par le virus du Covid, mais qui sait ce qui va se passer, car il souffre de la maladie de Parkinson et d’une maladie cardiaque, et nous ne savons pas si cela est géré d’un point de vue médical ou pas.”

Interrogée sur la position des États-Unis dans cette affaire, Giselle a assuré que le gouvernement n’avait pas communiqué avec eux, et que les autorités iraniennes n’avaient pas non plus exigé la libération de son père. “Personne ne nous a contactés. Nous avons appris que l’envoyé spécial américain en Iran, Robert Malley, avait contacté certaines familles de détenus américains en Iran, mais nous n’avons reçu aucun contact de sa part. Je leur ai écrit sur plus d’un site, mais il n’y a pas de réponse concernant le cas de mon père. Peut-être ont-ils peur du régime ou de ses représailles. Ou peut-être est-il devenu naturel de ne plus se préoccuper du fait que des gens soient kidnappés et traînés vers un autre pays et que tous leurs droits sont subtilisés.”

L’ancienne administration américaine de Donald Trump avait déclaré (à tort) que Jamshid Sharmahd était un citoyen américain et avait appelé le régime iranien à sa libération immédiate. Cependant, l’administration actuelle refuse de commenter cette affaire. Pendant 3 mois durant, le journal “Asharq al-Awsat” a tenté de communiquer avec le département d’État et d’autres parties concernées pour connaitre leur position concernant ce cas particulier, mais aucune réponse n’a été obtenue.

Dans des déclarations récentes sur les ondes de “NPR”, Robert Malle a affirmé que “le dossier des détenus en Iran et des violations des droits de l’homme n’était pas sur la table des négociations avec la délégation iranienne à Vienne… Malgré cela, les États-Unis ne seront pas complaisants dans leur appel au respect droits de l’homme et à la libération de tous les détenus en Iran”.

Le 1er août 2020, les autorités iraniennes ont annoncé avoir arrêté le “dirigeant irano-américain” d’un groupe d’opposition inconnu basé en Californie (en référence à Jamshid), affirmant qu’il encourait le risque d’être exécuté pour avoir planifié l’attaque de 2008 contre le “Hosseinieh”, l’édifice religieux chiite des Gardiens de la révolution dans la ville iranienne de Chiraz, entrainant 14 morts et plus de 200 blessés.

Le ministère iranien du renseignement a déclaré que le détenu Jamshid, membre du “Conseil royal iranien” fidèle à l’ancien régime du Shah, avait planifié de nouvelles attaques contre la République islamique en pleine escalade des tensions entre Téhéran et les États-Unis. Le ministère l’a accusé de gérer le site Web “Tonder” en Iran et d’être un membre de la branche militaire du “Conseil royal iranien”. Les circonstances de son arrestation ne sont toujours pas claires. Sans donner davantage de détails, le ministère du Renseignement l’a décrite comme une “opération complexe” et a publié à l’époque sur son site Internet, une photo présumée de Shamhid les yeux bandés.

En réponse aux enquêtes d’Asharq al-Awsat, une source officielle du ministère allemand des Affaires étrangères a déclaré que “le gouvernement allemand a demandé à plusieurs reprises aux autorités iraniennes l’accès au consulat à la personne concernée (Jamshid). Cependant, les autorités iraniennes ont rejeté ces demandes. De plus, nous avons insisté pour accorder à la personne concernée un procès équitable.”

Malgré les informations rapportées par certains médias selon lesquelles Jamshid ferait face à des accusations de conspiration et de coup d’Etat, le ministère allemand des Affaires étrangères n’a pas confirmé sa connaissance des accusations auxquelles Jamshid pourrait être confronté, ni du sort que le gouvernement iranien pourrait lui réserver.

Al-Sharq al-Awsat a appris d’une source diplomatique occidentale que les autorités iraniennes avaient établi une règle générale face aux organisations de défense des droits de l’homme et aux pays occidentaux, selon laquelle elles n’accordent pas l’accès consulaire aux détenus et prisonniers binationaux, expliquant que c’est une question relative à la politique iranienne.

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