Le torchon brule entre Washington et Ryad

Les relations entre Washington et Ryad ne sont pas au beau fixe. La famille royale saoudienne, qui fut autrefois la plus proche alliée des Etats-Unis au Moyen-Orient, est agacée par la gestion américaine du dossier nucléaire iranien et par certaines décidons de l’administration Biden, notamment le retrait de son soutien aux opérations militaires de la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen, et ses sanctions contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en février.

Les rapports déjà conflictuels entre les deux parties se sont davantage détériorés depuis la décision de l’OPEP+ de réduire la production pétrolière, malgré l’opposition catégorique des Etats-Unis.

La Maison Blanche a exercé une forte pression pour empêcher la mise en œuvre de cette décision et empêcher les prix du carburant de s’envoler avant les élections américaines de mi-mandat, à l’heure ou le parti démocrate de Joe Biden peine à conserver le contrôle au Congrès.

La farouche opposition de Washington à l’égard des mesures de l’OPEP a pour autre objectif de limiter les revenus russes issus des exportations énergétiques, que le Kremlin pourrait utiliser pour continuer à subventionner sa guerre contre l’Ukraine, au mépris des sanctions imposées par l’administration Biden.

Pendant plusieurs semaines, les Etats-Unis ont déployé d’intenses efforts auprès de l’organisation des pays producteurs de pétrole. De hauts représentants américains du secteur de l’énergie, de la politique étrangère et de l’économie ont appelé leurs homologues étrangers, dont le Koweït et les Emirats arabes unis, à se positionner contre la baisse de la production de pétrole.

Le responsable de la sécurité nationale Brett McGurk, le principal envoyé de l’administration Biden pour l’énergie Amos Hochstein, et l’envoyé spécial américain pour le Yémen Tim Lenderking, se sont rendus en Arabie saoudite en septembre dans l’espoir de convaincre les alliés de Washington au Moyen-Orient de voter contre la décision de l’OPEP, et l’Arabie saoudite de faire un choix clair entre les Etats-Unis et la Russie. Cependant, leur campagne diplomatique a échoué, tout comme les efforts consentis par le président Biden lors de sa visite du mois de juillet au Royaume saoudien.

“Nous nous préoccupons avant tout des intérêts du Royaume d’Arabie saoudite et ensuite des intérêts des pays qui nous ont fait confiance et qui sont membres de l’OPEP et de l’alliance OPEP+”, a déclaré plus tôt ce mois-ci le ministre de l’énergie, le prince Abdulaziz Ben Salman, à la télévision saoudienne.

L’OPEP met en balance ses intérêts avec “ceux du monde entier car nous avons intérêt à soutenir la croissance de l’économie mondiale et à assurer l’approvisionnement en énergie de la meilleure façon possible”, a-t-il expliqué.

Le prince Abdulaziz ben Salman a également déclaré à Bloomberg TV, que la pression exercée par Washington dans le but de plafonner les prix du pétrole russe est source d’incertitude. Il a, par ailleurs, dénoncé “un manque de détails et de clarté” concernant la façon dont cette mesure serait appliquée.

Les États-Unis sont le premier producteur et le premier consommateur de pétrole au monde. En mars, la décision ordonnée par Joe Biden de vendre 180 millions de barils de pétrole issus de la réserve stratégique américaine, a exercé une pression à la baisse sur les prix du pétrole. En mars, l’OPEP+ a déclaré son intention de cesser d’avoir recours aux données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), en raison de l’influence américaine que l’Arabie saoudite juge excessive.

Des réactions en chaine

Le 6 octobre, le président américain a réagi en exprimant sa “déception” face à la décision de l’OPEP, indiquant que son pays pourrait prendre d’autres mesures sur le marché pétrolier.

Le 5 octobre Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré : “Regardez, il est clair que l’OPEP+ s’aligne sur la Russie.”

Au Congrès américain, le parti démocrate a appelé au retrait des troupes américaines d’Arabie saoudite et a mentionné la possibilité de reprendre au royaume les armes américaines.  

“Je pensais que tout l’intérêt de vendre des armes aux États du Golfe en dépit de leurs violations des droits de l’homme, de leur guerre insensée au Yémen, de leur travail contre les intérêts américains en Libye, au Soudan, etc. était que, lorsqu’une crise internationale surviendrait, le Golfe pourrait choisir l’Amérique plutôt que la Russie/Chine”, a déclaré dans un tweet le sénateur démocrate, Chris Murphy.

Réponse de l’Arabie saoudite

En réponse aux accusations des représentants américains, le ministre d’État saoudien aux affaires étrangères, Adel Al-Joubeir, a déclaré sur Fox News : “L’Arabie saoudite ne politise pas le pétrole ou les décisions relatives au pétrole”.

Il a ajouté : “Avec tout le respect que je vous dois, la raison pour laquelle vous avez des prix élevés aux États-Unis est que vous avez une pénurie de raffinage qui existe depuis plus de 20 ans.”

Quant au centre médiatique du gouvernement saoudien (CIC), il n’a pas donné suite aux demandes de commentaires adressées par Reuters.

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