Les ambitions stratégiques des Emirats arabes unis sont une bonne nouvelle pour l’action climatique mondiale

Malgré les sombres constats climatiques contenus dans le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et en dépit des tensions géopolitiques croissantes entre les grandes puissances, de la prolifération des conflits et de l’impact des changements climatiques sur une croissance déjà faible, il est possible que 2023 soit l’année où les dirigeants se mobiliseront en faveur de l’action climatique. Cela peut sembler exagérément optimiste, mais il y a plusieurs raisons de garder espoir, et l’accueil du prochain sommet de la COP par les Émirats arabes unis se situe au centre de ces raisons.

La décision controversée d’organiser ce cycle critique de négociations sur le climat dans la région du Golfe, qui a bâti sa richesse sur ses réserves de combustibles fossiles, offre aux Émirats arabes unis l’occasion de détailler ce à quoi pourrait ressembler un monde post-combustibles fossiles. Lors des précédents cycles de négociations, les pays ont eu du mal à reconnaître le rôle des combustibles fossiles dans les émissions et à se mettre d’accord pour les éliminer progressivement. Mais grâce à leur statut de producteur de pétrole et une diplomatie énergétique moderne, les Émirats arabes unis sont en mesure d’unir le monde autour de cette évidence fondamentale.

Les compagnies pétrolières et gazières, nationales et privées, ont peut-être enfin compris qu’elles devaient rééquilibrer de manière significative leurs investissements en faveur des énergies renouvelables, mais elles sont encore loin du compte. Même les grandes compagnies pétrolières et gazières ont tendance à avoir des portefeuilles totaux contenant moins de 25 % d’énergie propre, et cela doit changer de manière tangible. La bonne nouvelle, est qu’une récente analyse de McKinsey montre que lorsque les portefeuilles seront propres à plus de 40 % et que les entreprises se rapprocheront de l’accord de Paris, elles commenceront à voir leur valorisation augmenter auprès des investisseurs.

Qui de mieux que les Émirats arabes unis pour démontrer qu’ils font partie de la solution ? Les Émirats arabes unis ne peuvent pas se permettre de jouer la carte de la sécurité. 2023 est l’année où le « bilan mondial » des Nations unies sur les progrès réalisés dans le cadre de l’Accord de Paris sera publié, et il sera difficile à lire, exigeant une réponse politique claire à la COP28. Il s’agit d’une COP à haut risque et à haute récompense : à ce stade de la crise climatique, le résultat en sera une ambition élevée ou un échec cuisant.

Étant donné que les Émirats arabes unis accueillent la COP, tout accord potentiel à Dubaï doit signaler aux marchés mondiaux que l’ère des combustibles fossiles touche à sa fin, faute de quoi le processus de la COP perdra ses derniers semblants de crédibilité. Les dernières recommandations de l’Agence internationale de l’énergie aux gouvernements offrent une voie pratique à suivre, appelant à tripler les installations d’énergie renouvelable d’ici 2030. La COP28 peut les approuver. Les Émirats arabes unis sont dans une position prometteuse, car Sultan al-Jaber est à la fois président de la COP et directeur de la compagnie pétrolière nationale. Les Émirats arabes unis peuvent ainsi intégrer les compagnies pétrolières nationales, qui réalisent 80 % de la production, dans la transition énergétique, comme ils ne l’ont jamais fait auparavant.  

Les Émirats arabes unis doivent également reconnaître que le monde a besoin d’un accord financier pour le climat en 2023. L’écart croissant entre les besoins politiques et les flux financiers signifie qu’il existe à nouveau une chance de réaliser des percées. Sultan al-Jaber a déclaré qu’il souhaitait adapter des approches commerciales aux solutions climatiques. La région du Golfe abrite d’importants fonds souverains et de développement sous-endettés. L’une des idées en examen consiste à utiliser une partie de cette profondeur du système financier (financial depth) pour renforcer l’efficacité du système actuel au moyen de garanties et d’un partage des risques. Mais le Golfe est très vulnérable aux pénuries d’eau et aux conditions météorologiques extrêmes induites par le climat. Il peut également agir par solidarité avec les plus vulnérables, qui ont besoin d’aides et de subventions pour renforcer leur résilience. Une action audacieuse dans ce domaine permettrait aux Émirats arabes unis de développer des partenariats avec des amis en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans le Pacifique.

Un débat plus vaste sur la réforme du système financier a pris de l’ampleur lors des réunions du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en avril. Il se poursuivra lors des réunions annuelles de Marrakech, quelques semaines avant la COP28. Comme l’ont récemment affirmé la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, et la chef de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala : « L’accès au financement à des conditions prolongées et peu coûteuses est un élément indispensable à la construction d’une économie mondiale plus durable et plus inclusive. L’alourdissement de la dette des pays à revenu faible et intermédiaire est un aller simple pour la ruine économique mondiale. »

Tous les éléments sont en place pour que 2023 soit une réussite. Le début de la présidence de la COP par les Émirats arabes unis a été calme ; de nombreux voyages à travers le monde, une tournée d’écoute et des centaines de consultants réclamant de rejoindre le processus. Le monde attend de voir comment le pays du Golfe va façonner l’ordre du jour et conduire le monde vers un accord, en jouant son rôle de président tournant et non celui des Émirats arabes unis.

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