D’anciens représentants américains dénoncent la politique de Joe Biden en Syrie

Alors que le président syrien Bachar el-Assad est progressivement réintégré au sein des nations arabes, un groupe d’environ 40 spécialistes de la Syrie et d’anciens fonctionnaires américains appellent l’administration Biden à s’opposer plus fermement à la normalisation du régime.

« La normalisation inconditionnelle du régime n’est pas inévitable », écrivent-ils dans un courrier adressée lundi au président Joe Biden et au secrétaire d’État Antony Blinken. « S’opposer à la normalisation du régime en paroles seulement n’est pas suffisant, car l’autoriser tacitement est un manque de vision et sape tout espoir de sécurité et de stabilité régionales. »

La lettre souligne les inquiétudes concernant l’approche de l’administration Biden à l’égard de la Syrie, où, depuis 2011, les combats entre le gouvernement syrien et les groupes d’opposition cherchant à le renverser ont fait près de 500 000 de morts et créé la pire crise migratoire au monde.

Parmi les signataires de la lettre figurent Frederic Hof, James Jeffrey et Joel Rayburn, les anciens envoyés spéciaux des États-Unis en Syrie, Jeffrey Feltman et Anne Patterson, les anciens secrétaires d’État adjoints pour les affaires du Proche-Orient, l’ancien chef du CENTCOM, le général Kenneth Frank McKenzie, l’ancien directeur par intérim de la CIA, John McLaughlin, ainsi que William Roebuck, ancien envoyé spécial adjoint des États-Unis auprès de la Coalition mondiale pour combattre l’Etat islamique.

Cette lettre intervient alors que les États arabes, qui ont longtemps écarté Bachar el-Assad pour ses injustices à l’égard du peuple syrien, nouent progressivement des liens avec Damas, une tendance précipitée par l’élan de compassion internationale déclenché par les tremblements de terre meurtriers du mois dernier.

Les partenaires des États-Unis, notamment les Émirats arabes unis, la Jordanie, le Bahreïn et l’Égypte, ont renforcé leur engagement auprès du gouvernement syrien ces dernières années malgré les avertissements de Washington. L’Arabie saoudite, la puissance régionale, serait également en train de discuter d’une reprise des relations, et l’on évoque de plus en plus l’éventuelle réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe.

Le gouvernement de Joe Biden affirme qu’il ne normalisera pas le régime et qu’il n’encouragera pas d’autres pays à le faire en l’absence d’avancement vers une solution politique en Syrie sur la base de la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, mais les détracteurs perçoivent un changement subtil dans le message public du département d’État, qui, il y a à peine un an, avait critiqué les Émirats arabes unis pour avoir accueilli le président syrien lors d’une visite d’État.

Charles Lister, chercheur au Middle East Institute qui a coordonné la lettre, a accusé l’administration américaine de s’opposer publiquement à la normalisation du régime syrien tout en donnant discrètement un feu vert tacite aux Etats arabes.

« Le message [des Etats-Unis] est que nous ne normaliserons jamais et que nous décourageons la normalisation », a déclaré Charles Lister. Il ne s’agit pas de dire « Ne vous avisez pas de normaliser avec le régime ».

La lettre envoyée lundi indique que la normalisation régionale « érode la capacité de la communauté internationale à façonner un processus politique visant à résoudre la crise de manière significative. » Elle présente plusieurs recommandations pour « une vision alternative et réalisable » pour la Syrie, dont le maintien d’une légère présence militaire américaine dans le nord-est de la Syrie en partenariat avec les Forces démocratiques syriennes (FDS) pour soutenir la campagne contre l’État islamique.

Les troupes américaines sont également présentes pour contrecarrer la présence de l’Iran en Syrie. La semaine dernière, un drone lié à l’Iran a attaqué une base américaine dans le nord-est de la Syrie, tuant un entrepreneur et blessant plusieurs soldats.

La lettre appelle également à faire davantage pression sur les gouvernements étrangers pour qu’ils rapatrient les dizaines de milliers de combattants présumés de l’Etat islamique et leurs familles qui vivent dans des prisons et des camps gérés par les FDS dans le nord-est de la Syrie. Le général Michael Kurilla, chef du commandement central de l’armée américaine, a récemment averti qu’ils risquaient de créer une « armée en détention » de l’EI.

Les signataires de la lettre recommandent également aux États-Unis et à leurs alliés d’élaborer un plan B pour l’acheminement de l’aide humanitaire. La Russie, principal soutien de la Syrie, menace depuis longtemps de supprimer une résolution de l’ONU qui permet d’acheminer des denrées alimentaires, du carburant et d’autres fournitures depuis la Turquie vers certaines parties de la Syrie sans l’autorisation du gouvernement syrien, qui a l’habitude de manipuler les opérations humanitaires

À la suite des tremblements de terre meurtriers du 6 février, le département du Trésor américain a publié une licence générale visant à garantir que l’aide apportée dans le cadre de la catastrophe n’entre pas en conflit avec les sanctions américaines imposées à la Syrie. Dans leur lettre, les experts et les anciens fonctionnaires recommandent à l’administration Biden d’établir une définition claire de « l’aide aux victimes des tremblements de terre », décrivant les directives actuelles comme créant « de nombreuses possibilités d’échapper aux sanctions ».

Cette lettre intervient quelques jours après que d’importants membres républicains et démocrates ont exprimé leur frustration face à l’attitude de Biden, qui n’a pas utilisé une seule fois la loi bipartisane Caesar pour exercer une pression économique sur les bienfaiteurs du régime. 

Depuis son entrée en fonction, l’administration a pris plusieurs séries de sanctions à l’encontre de responsables syriens de l’armée et des services de renseignement, en vertu de différentes lois. L’une d’entre elles a récemment été assortie d’une interdiction de visa en raison de son implication présumée dans le massacre de Tadamon en 2013 , dans la banlieue de Damas.

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