Le rapprochement entre la Turquie et la Syrie place les Kurdes face à un dilemme

Le rapprochement entre Ankara et Damas et la position ambiguë de la Syrie sur les frappes aériennes de l’armée turque contre les Kurdes syriens, ont exacerbé les inquiétudes de ces derniers, qui craignent que la Turquie ne lance une invasion terrestre sur leurs zones d’influence.  

Avant le déclenchement des révolutions du printemps arabe en 2011, la Turquie était un allié économique et politique majeur de la Syrie, et le président turc Recep Tayyip Erdogan était proche du président syrien Bachar el-Assad.

Les relations entre les deux pays se sont dégradées avec le début des manifestations contre le régime syrien. Ankara avait alors appelé son allié à mener des réformes politiques, et Erdogan avait préconisé le retrait de Bachar el-Assad afin d’éviter une effusion de sang en Syrie.

En mars 2012, la Turquie a fermé son ambassade à Damas, et Erdogan a qualifié à plusieurs reprises Bachar el-Assad de « criminel » et de « terroriste ». Le président syrien a réagi en qualifiant son homologue turc de « voleur » et en l’accusant d’être « un partisan du terrorisme ».

La Turquie a apporté son soutien à l’opposition et Istanbul est devenu le siège de la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution (CNFOR), appelée également la Coalition nationale syrienne (CNS), qui représente la plus importante autorité politique de l’opposition en Syrie. Ankara a ensuite commencé à soutenir les factions armées de l’opposition.

Depuis 2016, la Turquie a lancé trois attaques contre les combattants kurdes, ce qui lui a permis de contrôler de vastes territoires frontaliers syriens, mais elle n’est entrée en confrontation directe avec Damas qu’en 2020, après qu’un certain nombre de ses éléments ont été tués par les tirs des forces du régime syrien dans le nord-ouest du pays. Les tensions se sont relativement calmées par la suite, grâce à la médiation de la Russie.

Après une mésentente qui a duré environ 11 ans, les deux parties ont montré quelques signes de rapprochement, notamment en août 2022 avec l’appel du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, à la réconciliation entre le régime et l’opposition.

Les déclarations du ministre turc des Affaires étrangères, dans lesquelles il a révélé une rencontre qu’il a eue avec son homologue syrien Fayçal al-Meqdad, et la position turque en faveur d’une réconciliation entre le gouvernement syrien et l’opposition, ont suscité des réactions au sein de la population et de la sphère politique Kurde-syriennes, qui ont exprimé leurs craintes face à l’éventualité de perdre les gains militaires et politiques acquis au cours des dernières années, si les gouvernements turc et syrien parvenaient à un accord.

Des centaines d’habitants des zones frontalières kurdes du nord-est de la Syrie ont organisé des manifestations devant les quartiers et les bases militaires de la Coalition internationale et des Forces russes déployées dans la région, pour dénoncer la menace militaire turque contre les zones contrôlées par les Kurdes.

Le 23 novembre, au moment ou Ankara a menacé de lancer une attaque terrestre contre les Kurdes, le président turc a révélé son intention de rencontrer Bachar el-Assad. « Il n’y a pas de place pour le ressentiment en politique. Finalement, les mesures sont prises dans les meilleures conditions », a-t-il déclaré.

Abdul Qadir Selfi, un écrivain turc proche du gouvernement, a suggéré dans un article publié dans le journal « Hürriyet », que la rencontre entre Erdogan et el-Assad ait lieu avant les élections turques de juin 2023, et avec la présence du président russe Vladimir Poutine, dans la mesure ou la Russie joue un rôle clé en faveur d’un rapprochement entre ses deux alliés qui partagent un ennemi commun ; les combattants kurdes soutenus par les États-Unis.

 « Jusqu’à présent, la position du gouvernement de Damas sur les attentats a été plus faible que les fois précédentes, ce qui signifie qu’il peut y avoir un impact sur les relations avec la Turquie », a déclaré à l’AFP Mazloum Abdi, le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes. « Selon nos informations, il y a une communication entre les deux parties », a-t-il ajouté.

La Turquie cherche également à contrôler toute la bande frontalière dans le but de s’en servir ultérieurement comme carte pour maintenir son influence en Syrie, selon les déclarations de Mazloum Abdi à l’AFP.

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