Crise diplomatique ouverte entre Paris et Rome

L’inquiétude grandit en Europe face à l’aggravation de la crise diplomatique entre Paris et Rome, et à son impact potentiel sur la cohérence des positions communes de l’UE sur les grands dossiers.

Alors que le navire humanitaire “Ocean Viking” était amarré vendredi après-midi au port de la base navale française de Toulon, où les migrants qui étaient à bord ont été débarqués il y a trois semaines, les responsables européens multiplient les efforts pour désamorcer la crise qui enfle entre la France et l’Italie depuis que cette dernière a refusé de recevoir le navire, notamment avec une réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères prévue lundi prochain à Bruxelles.

Les observateurs craignent que cette nouvelle affaire n’atteigne les proportions de la crise de 2019, lorsque la France a rappelé son ambassadeur à Rome pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

En annonçant la décision de Paris d’accueillir à titre exceptionnel le navire transportant 234 migrants, dont 57 enfants, à la demande du président Emmanuel Macron, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a estimé que la position italienne est contraire aux dispositions du droit international et à la solidarité humanitaire, et qu’elle représentait une violation des engagements pris par le gouvernement italien quelques semaines avant l’investiture du nouveau gouvernement.

Vendredi, la Première ministre italienne a déclaré qu'”il y a un malentendu avec la France, et que la réaction française est injustifiée”. De son côté, le ministre français a annoncé la décision de son pays de ne plus travailler sur le plan de répartition des migrants débarqués en Italie ces derniers mois, un projet inscrit dans le cadre du mécanisme de solidarité européen.

Gérald Darmanin a appelé l’Allemagne et les autres pays européens participant au plan de répartition à suivre l’exemple de la France et à cesser d’accueillir des migrants vivant actuellement en Italie. Mais la France est allée encore plus loin vendredi matin en annonçant son intention d’envoyer 500 policiers supplémentaires pour renforcer la surveillance le long de sa frontière terrestre avec l’Italie, et le ministre de l’Intérieur a souligné que “Paris tirera toutes les leçons de la position italienne pour les autres aspects des relations bilatérales entre les deux pays.”

Emmanuel Macron, qui a rencontré Giorgia Meloni à Rome peu après son entrée en fonction, a déclaré que la Première ministre italienne avait mal agi et avait provoqué une grave crise entre les deux pays.

Par cette escalade, le président français tente d’empêcher Giorgia Meloni de remporter une victoire dans cette première confrontation entre les deux parties, et de faire passer un message indiquant que la position de l’Italie dans ce dossier entraînera des conséquences sur la France et l’Europe.

Pour sa part, Giorgia Meloni peut se vanter sur la scène nationale d’avoir réussi à empêcher l’entrée du navire de sauvetage en Italie, et d’avoir forcé la France à le recevoir au motif que l’Italie n’est pas contrainte d’accepter tous les migrants secourus par les navires humanitaire de la mer Méditerranée, et que les autres pays européens doivent également assumer leurs responsabilités.

L’intransigeance de cette position permet également à Giorgia Meloni de freiner son allié au gouvernement et son rival à la direction du front de droite, le vice-président du Conseil des ministres Matteo Salvini, qui attendait une telle opportunité pour regagner la popularité qu’il a récemment perdu face à la Première ministre.

Pour la France, l’enjeu va au-delà des relations bilatérales avec l’Italie. Le véritable enjeu se situe au centre du débat politique en France autour de la loi sur l’immigration, qui représente l’un des principaux piliers de l’extrême droite pour confirmer sa légitimité, et accroitre sa popularité qui a atteint des niveaux record lors des dernières élections.

L’ancienne présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a déclaré vendredi qu’en acceptant pour la première fois le débarquement de migrants d’un navire de sauvetage dans un port français, Emmanuel Macron envoie un tragique message de complaisance qui contredit ses déclarations selon lesquelles il veut mettre fin à une immigration massive et chaotique.

Selon Marine Le Pen, le bateau aurait dû accoster en Libye ou en Tunisie. “Il faut que ces navires qui mettent en sécurité les migrants récupérés en mer les ramènent à leur port de départ”, a-t-elle déclaré.

“Ce n’est absolument pas de la faute de l’Italie”, a-t-elle jugé, précisant qu’à la place Giorgia Meloni, elle aurait également refusé d’accueillir le bateau humanitaire.

Pendant ce temps, les responsables de la Commission craignent que cette crise isole et affaiblisse le nouveau gouvernement italien au sein de l’Union européenne, à un moment où il a désespérément besoin du soutien des partenaires européens.

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