Comment expliquer le succès des Etats du Golfe dans la lutte antiterroriste à l’intérieur de leurs frontières ?

Bien que leur richesse n’ait pas pu les mettre totalement à l’abri de la menace terroriste, les six États membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont bénéficié au cours des dernières décennies d’une grande prospérité et d’une paix relative, notamment grâce aux revenus colossaux des hydrocarbures. Dans l’ensemble, les États du CCG semblent avoir échappé au pire. Mais comment expliquer que ces pays aient réussi à maintenir la sécurité à l’intérieur de leurs frontières dans une région mise à feu et à sang ?

Épouvantés par le chaos qui a suivi les attentats terroristes du 11 septembre 2001, et très certainement par la participation de leurs propres ressortissants à leur mise en œuvre, c’est à ce moment-là que les États du CCG ont décidé d’intensifier leurs mesures de sécurité interne.

Le retour d’éléments extrémistes dans le Golfe après des séjours formateurs en Afghanistan, puis en Syrie et en Irak, a été particulièrement préoccupant. Formatés par le courant wahhabite-salafiste de l’islam sunnite prôné par des organisations comme Al-Qaïda et l’Etat islamique, ces djihadistes ont immédiatement suscité l’hostilité des gouvernements du CCG et de leurs minorités chiites.

Près de 42 000 attaques terroristes ont eu lieu au Moyen-Orient entre 1970 et 2019, soit 24,9 % du total mondial. La plupart ont eu lieu en Irak (56 %), au Yémen (9,4 %) et en Turquie (8,2 %). En comparaison, il y a eu peu d’attentats à l’intérieur des frontières du CCG.

Entre 2012 et 2016, les pays du CCG ont traversé une période particulièrement meurtrière. 414 ressortissants du Golfe, expatriés, et membres des forces de l’ordre sont morts dans des attaques en l’Arabie saoudite, au Koweït, aux Emirats arabes unis et à Bahreïn. Pourtant, comparés aux innombrables mutineries qui se sont produites dans toute la région du Moyen-Orient, ces chiffrent semblent dérisoires.

Selon l’indice mondial du terrorisme de l’université du Maryland, le Koweït, Oman, le Qatar et les Émirats arabes unis n’ont subi aucune attaque terroriste en 2020. L’Arabie saoudite en a subi 70 la même année ; un chiffre relativement bas compte tenu de la proximité de tous les dangers. Bahreïn, qui a subi moins de cinq attaques, se classe au 65e rang. Ces données indiquent que les États du CCG sont plus à l’abri de la violence terroriste que de nombreux pays développés, dont les États-Unis, la Grèce, Israël, l’Allemagne, la France, le Canada et l’Autriche. La sécurité relative des États du CCG est encore plus remarquable si l’on considère leur situation géographique et leur identité religieuse très marquée. L’Irak, dont la capitale Bagdad n’est qu’à 7 heures de route de Koweït City, a subis près de 1 000 attaques terroristes en 2020.

Plusieurs facteurs contribuent à expliquer le succès du CCG en termes de sécurité. Le premier réside dans la puissance des systèmes de surveillance de l’État. Chaque État du CCG est dirigé par une famille dirigeante prospère et centralisée, bien formée à la surveillance des citoyens et à l’anéantissement des dissidents. Les États du CCG sont parfaitement capables d’identifier les éléments extrémistes et de les écraser. Les mouvements à l’intérieur et à l’extérieur des pétromonarchies du Golfe sont étroitement réglementés. Grâce à un contrôle strict d’Internet, les pays du Golfe s’emploient à étouffer la diffusion de contenus extrémistes sur les réseaux sociaux. Ils ont également renforcé les sanctions contre les individus qui soutiennent les groupes extrémistes ou qui font l’apologie de l’islam radical, afin d’éviter au plus de citoyens possible de tomber dans des comportements déviants. Par exemple, l’école Ibadi, la doctrine théologique prédominante à Oman, appelle les croyants à pratiquer la non-violence et à tolérer la proximité d’autres confessions.

Les conditions socio-économiques des pays du CCG sont également un facteur de dissuasion. Les richesses dont jouissent de nombreux citoyens du Golfe – en particulier les Qataris, les Koweïtiens, les Émiratis et beaucoup de Saoudiens – contribuent grandement à dissuader les extrémistes potentiels d’abandonner leur confort pour rallier des mouvements déstabilisateurs. Les avantages fortement subventionnés dont ils bénéficient, comme l’éducation, le logement, les services publics et bien d’autres, contribuent à apaiser les tensions sociales et l’hostilité envers les régimes. Par exemple, l’ancien roi Abdallah d’Arabie Saoudite, a évité une instabilité politique potentielle pendant le printemps arabe en augmentant les avantages sociaux offerts pat l’État. Par ailleurs, les rares personnes qui tombent dans l’extrémisme sont soit tuées, soit emprisonnées, soit forcées de suivre des programmes de déradicalisation financés par l’Etat.

Eviter de contrarier les minorités religieuses vulnérables peut également être une stratégie de prévention. Alors que les communautés chiites de Bahreïn et de l’Arabie saoudite subissent une répression considérable, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Koweït ont intégré économiquement et socialement leurs populations chiites, privant ainsi les groupes terroristes comme le Hezbollah de la possibilité d’exploiter les griefs des chiites pour former des cellules terroristes dans la région.

La combinaison de l’argent, de l’éducation et d’une gouvernance ferme, a permis aux Etats du CCG d’écarter en grande partie les menaces terroristes. L’éthique et la durabilité de leurs méthodes sont peut-être discutables, mais la paix qu’ils ont réussi à maintenir est incontestable.

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