Le dossier des Frères musulmans relégué au dernier rang des priorités du Qatar et de l’Egypte

En juin dernier, l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, s’est rendu en Égypte pour célébrer la réconciliation entre Doha et Le Caire, après une rupture diplomatique de plusieurs années.

Le mois suivant, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s’est rendu à Doha, la capitale qatarie, pour une visite officielle de deux jours, la première depuis son entrée en fonction en 2014.

Une nouvelle ère de coopération

L’agence de presse qatarienne “Qena” a salué les deux évènements comme une étape prometteuse et importante pour le cours des relations bilatérales entre Doha et Le Caire, indiquant que la visite du président égyptien au Qatar revêt une importance particulière à l’approche du sommet de la Ligue arabe qui se déroulera en Algérie en novembre.

En juin 2017, l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn ont rompu leurs relations avec le Qatar, accusant Doha de “soutenir les Frères musulmans” dont le régime a été renversé par l’armée égyptienne en 2013.

En janvier 2021, le différend a finalement pris fin lorsque le Qatar a signé un accord de réconciliation avec les quatre pays. Depuis, de hauts responsables de Doha, du Caire, d’Abou Dhabi, de Riyad et de Manama ont échangé des visites.

Le Qatar a annoncé son intention d’investir plus de 4,5 milliards de dollars en Égypte, dont l’économie a fortement souffert de la pandémie du Covid-19, et actuellement, des conséquences de la guerre en Ukraine, incitant le Caire à dévaluer sa devise de plus de 17 % il y a deux mois.

En parallèle, le géant qatari, Qatar Energy, a signé un accord avec ExxonMobil, selon lequel il acquerrait 40% de sa participation dans un champ d’exploration en Méditerranée au large des côtes égyptiennes, selon l’AFP.

Qu’y a-t-il derrière ces visites ?

Selon Abdullah Al-Khater, expert qatari en politique et en économie, cet échange de visites entre les deux chefs d’Etats anticipe le prochain sommet de la Ligue arabe prévu en Algérie en novembre prochain, ainsi que les travaux de la 77e session de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, et coïncide avec un certain nombre de développements arabes et internationaux.

“L’aspect économique occupe la majeure partie des discussions entre les deux pays”, selon l’expert. Il a notamment fait référence aux “investissements qataris attendus” par l’Egypte dans les secteurs de “l’hôtellerie, de l’industrie, des communications et de l’exploitation du gaz naturel”.

Le chercheur égyptien en relations internationales et en économie politique, Abou Bakr al-Deeb, semble partager le même avis et indique que la visite du président égyptien à Doha “doublera les investissements qatariens en Egypte et augmentera la valeur des échanges commerciaux entre les deux pays”.

La Libye, présente dans les “discussions”

Le chercheur spécialiste du Moyen-Orient, Fadi Eid, estime que cette visite tend à “résoudre plusieurs problèmes régionaux dont le principal est le dossier libyen”, dans la mesure ou les deux parties sont fortement présentes en Libye.

Eid a évoqué “les visites successives de divers forces politiques libyennes à Doha”, soulignant que “Le Caire et Doha chercheront à calmer la situation en Libye après l’escalade des tensions entre les forces rivales dans le pays”.

L’émir du Qatar a reçu en juin le président de la Chambre des représentants libyenne, Aguila Saleh, dans son bureau au palais princier à Doha.

Quelques jours avant, le Cheikh Tamim avait reçu le Premier ministre du gouvernement libyen d’union nationale, Abdel Hamid Dabaiba, pour discuter “de l’évolution de la situation en Libye et des efforts internationaux pour organiser des élections générales”.

Au cours de la réunion, ils ont passé en revue les aspects des relations bilatérales entre les deux pays et les possibilités de les renforcer, ainsi que les derniers développements en Libye, selon un communiqué du palais princier.

Depuis mars, deux gouvernements se disputent le pouvoir en Libye, l’un basé à Tripoli et dirigé par Abdel Hamid Dabaiba, et l’autre dirigé par Fathi Pashaga et soutenu par le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays.

Des dossiers en suspens

Mais qu’en est-il du dossier des Frères musulmans et des accusations égyptiennes contre le Qatar ? Ce dossier fait-il toujours l’objet d’un désaccord entre les deux pays ?

Al-Deeb soutient que la visite du président égyptien à Doha “resserre l’étau autour des Frères musulmans”. Selon lui, la présence d’al-Sissi au Qatar “perturbe le groupe et les dirigeants de l’organisation internationale”.

Cependant, Fadi Eid assure que le “dossier des Frères musulmans” n’existe pas sur la table des discussions entre le Qatar et l’Egypte, en raison de “la baisse de l’influence des Frères musulmans dans les rues égyptiennes”.

Pour sa part, al-Khater pense que le dossier des Frères musulmans restera “secondaire” dans les discussions entre les deux parties. Il s’attend même à ce que “ce dossier ne soit pas abordé dans les réunions entre le président égyptien et l’émir du Qatar”.

Il a déclaré que le “dossier de la Confrérie” n’est pas présent avec la même intensité et ne représente plus un “axe de désaccord entre les deux pays” au vu des efforts de l’Egypte et du Qatar pour soutenir les relations bilatérales.

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