Un réalisateur iranien acclamé reçoit des prix pendant sa détention

La 79e édition du Festival International du film de Venise s’est achevée le 10 septembre avec une nouvelle récompense pour le cinéaste iranien de renommée internationale Jafar Panahi, dont le dernier film était en lice pour le Lion d’or. Il a finalement reçu le prix spécial du jury, le troisième prix le plus prestigieux après le Lion d’or et le Grand Jury. Jafar Panahi n’a pas pu se rendre sur place en personne, car il purge actuellement une peine de prison à Téhéran, la capitale iranienne.

“No Bears” est le dernier d’une série de films primés de Panahi, tous tournés en secret en Iran au cours des dix dernières années. Comme certains de ses films précédents, “No Bears” est un savant mélange entre documentaire et drame, portant sur un réalisateur qui tente de tourner un film en Turquie. Il dirige son équipe à distance depuis un village frontalier en Iran, car il lui est interdit de quitter le pays.

Le film a trouvé un écho extrêmement positif auprès des critiques, certains l’ont salué comme le meilleur film de Panahi après “Taxi”, sorti en 2015, et qui a remporté le premier prix du 65e Festival International du film de Berlin. Les indices et les similitudes entremêlés dans l’histoire de “No Bears” ont amené de nombreux spectateurs à conclure que ce film est avant tout une autobiographie allégorique.

Une chaise portant son nom est restée vide pendant la conférence de presse à Venise, en signe de protestation contre son emprisonnement. Le directeur artistique du festival, Alberto Barbera, la présidente du jury, Julianne Moore, et d’autres membres ont participé à un flash mob pour prendre sa défense.

“Nous sommes ici pour être avec Jafar Panahi, qui est en prison”, a déclaré Lise Clavier, membre du jury. “Nous sommes ici pour dire que les réalisateurs sont libres de faire leur travail”, a-t-elle poursuivi, critiquant le régime iranien qui s’acharne contre la liberté d’expression.

L’Organisation du cinéma d’Iran, qui travaille sous la supervision du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique, a réagi en condamnant l’événement en marge du festival et le prix comme étant politiquement motivé, clamant que le film avait été réalisé illégalement, sans permis de production. Certains médias d’État iraniens ont également critiqué “No Bears”, affirmant qu’il a été récompensé en raison du nom de son réalisateur et non grâce à sa qualité cinématographique.

La carrière de Jafar Panahi peut être divisée en deux chapitres : avant et après ses condamnations. Le premier commence avec son premier film, “Le ballon blanc” (1995), qui a été présenté en première à Cannes et a remporté la Caméra d’or. Il a réalisé cinq films au cours de cette période, abordant plus directement les questions sociales et politiques à mesure qu’il approchait de la fin de cette première phase en 2009.

En 2010, il a été condamné à six ans de prison et à une interdiction de réaliser des films, d’écrire des scénarios, de donner des interviews ou de quitter l’Iran, et ce pendant une période de 20 ans. Il a été accusé de “rassemblement en vue de commettre des crimes contre la sécurité nationale” et de “propagande antigouvernementale” à la suite de l’élection présidentielle contestée de 2009 en Iran, qui a déclenché des manifestations sanglantes dans tout le pays.

Amnesty International a lancé une campagne de soutien en faveur de Panahi après qu’il eut entamé une grève de la faim en prison, où il a passé près de trois mois en 2010. Un collectif de réalisateurs internationaux et iraniens a appelé l’Iran à le libérer immédiatement et à respecter la liberté d’expression.

Seulement, un tribunal a confirmé la condamnation de Jafar Panahi en 2011, bien qu’il ait été libéré sous caution peu après et placé en résidence surveillée. Plus tard, sous la pression de la communauté internationale, Panahi a été autorisé sous condition à quitter son domicile mais pas l’Iran. C’est ainsi qu’a commencé le second chapitre de son œuvre cinématographique clandestine.

Après l’effondrement d’un immeuble qui a fait des dizaines de morts dans la ville d’Abadan, dans le sud de l’Iran en mai 2022, les cinéastes Mohammad Rasoulof et Mostafa Allahmad, ont été arrêtés pour avoir signé une pétition en faveur des manifestations antigouvernementales. Lorsqu’il a approché le procureur pour discuter de leur cas, Panahi a été renvoyé en prison en juillet 2022 pour purger le reste de sa peine de six ans.

“Ceci n’est pas un film” (2011), Rideaux fermés” (2013) et “Trois visages” (2018) ont tous été tournés en secret pendant cette période. Bien qu’il soit actuellement incapable de réaliser quoi que ce soit depuis sa cellule, “Panahi a prouvé qu’il pouvait faire entendre sa voix partout dans le monde, même en tant que prisonnier politique”, a écrit le critique de cinéma Ben Croll, en faisant l’éloge de l’acharnement du réalisateur à défier les interdictions.

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