Une annonce de Moscou inquiète les Etats-Unis et embarrasse la Turquie

Quelques heures après que la Turquie a annoncé son intention de conclure un accord pour l’acquisition de chasseurs F-16 américains, Moscou a annoncé la signature d’un accord pour vendre à la Turquie des missiles russes S-400, une situation qui a visiblement embarrassé les dirigeants turcs, et qui indique qu’Erdogan n’a toujours pas choisi son camp entre l’Est et l’Ouest.

Ankara a annoncé le 9 août qu’une délégation technique turque se rendrait à Washington lundi pour clôturer les discussions sur l’achat des chasseurs F-16 américains, sur la base d’un précédent engagement du président américain Joe Biden concernant le renforcement de la flotte aérienne turque vieillissante avec des avions de chasse F-16.

Après avoir rencontré le président turc Recep Tayyip Erdogan en marge du sommet de l’OTAN en juin dernier à Madrid, le président américain a déclaré qu’il souhaitait obtenir l’approbation du Congrès pour vendre des chasseurs F16 à la Turquie.

La Turquie, membre des forces de l’OTAN, craint de rencontrer une opposition de la part du Congrès américain, dont certains membres ont exprimé leur inquiétude concernant la conclusion de cet accord en raison des tensions entre la Turquie et la Grèce.

La Turquie a récemment envoyé ses plus récents navires de forage dans les eaux contestées de la Méditerranée orientale, à proximité de l’île de Chypre divisée entre la Turquie et la Grèce, à la recherche de gaz naturel.

Une crise internationale a éclaté en 2020 après la collision de navires de guerre turcs et grecs qui se sont mutuellement bloqués en mer. Les dirigeants de l’OTAN et de l’Union européenne sont alors intervenus en urgence pour empêcher le déclenchement d’une guerre globale.

Un jour après que la Turquie a annoncé la visite de sa délégation à Washington, Moscou a annoncé de son côté avoir signé un nouvel accord avec Ankara permettant à la Turquie d’acquérir un second dispositif de missiles S-400.

L’annonce russe a coïncidé avec le sommet de Sotchi qui a réuni les présidents russe et turc pour discuter “des questions de coopération énergétique et commerciale”.

L’Union européenne considère avec inquiétude le sommet russe de Sotchi sur les bords de la mer Noire, décrivant l’attitude de la Turquie envers la Russie comme étant “extrêmement opportuniste”.

Samedi, Washington a mis en garde Ankara contre le non-respect des sanctions imposées à la Russie en raison de la guerre en Ukraine.

Ankara s’est empressé de démentir l’existence d’un nouvel accord avec la Russie sur les missiles S-400, comme le suggère l’agence de presse russe Tass, qui a annoncé la nouvelle.

Les autorités turques ont expliqué que “le deuxième système fait partie de l’accord initial, qui inclut essentiellement deux systèmes”, et qu’il s’agit d’un “transfert de technologie vers le second système”.

En 2019, la Turquie s’est équipée de S-400 russes dans le cadre d’un accord avec la Russie. L’acquisition d’un système de combat russe avancé par un État membre de l’OTAN avait suscité la polémique. Les relations entre les Etats-Unis et la Turquie s’étaient refroidies jusqu’au déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, Joe Biden estimant qu’Ankara joue un rôle qualitatif de médiation dans la guerre, selon les observateurs.

Les analystes estiment que la Turquie, qui semble vouloir adopter un comportement équilibré vis-à-vis de Moscou et de Washington, a été gênée par l’annonce russe au sujet des missiles S-400, dans un contexte de suspicions occidentales croissantes sur le rapprochement russo-turc.

La Turquie a été soumise à des sanctions américaines pour avoir acheté le premier système de missiles S-400 en 2019. Elle a notamment été exclue du programme de fabrication des chasseurs F-35 et privée de la possibilité de les obtenir.

Quant à Erdogan, il craint de provoquer les États-Unis au moment où il prépare les élections de l’an prochain, qui représentent un véritable défi pour lui et son parti.

Les observateurs pensent que derrière la divulgation de l’accord, la Russie cherchait, d’une part, à influencer la décision américaine pour la conclusion de l’accord sur les avions de combat F-16, et d’autre part, à provoquer la colère de Washington contre Ankara afin de créer des divisions au sein de l’Alliance atlantique. Ainsi, la Russie pourrait rallier la Turquie et l’aider éventuellement à contourner les sanctions occidentales.

Les analystes supposent également que la Russie souhaite accélérer la conclusion du deuxième accord pour obtenir des fonds de la part d’Ankara, compte tenu de l’embargo économique et financier qui lui est imposé par l’Occident.

Erdogan ne s’est pas opposé au paiement en roubles russes tel que Poutine le souhaite. Les deux chefs d’Etats ont convenu à Sotchi que les exportations de gaz russe vers la Turquie seraient payées “partiellement en roubles”.

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