L’accord nucléaire avec l’Iran divise les responsables israéliens

La question du programme nucléaire iranien est devenue une source de tension entre les hauts responsables israéliens de la défense et de la sécurité.

La situation évoque le profond désaccord qui a opposé les dirigeants israéliens il y a 10 ans, lorsque le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Ehud Barak avaient ​​tenté en vain de convaincre le cabinet de sécurité d’approuver une frappe sur l’infrastructure nucléaire militaire de l’Iran. Les capacités militaires israélienne pour une attaque d’une telle ampleur se sont depuis amoindries à mesure que le programme iranien progressait et se développait, mais les Forces de défense israéliennes renforcent frénétiquement leurs capacités avec d’abondants financements.

La polémique se répète aujourd’hui avec le même rapport de force entre opposants et partisans d’un accord avec l’Iran. Le cœur de la controverse porte sur les efforts intenses déployés par les États-Unis pour redonner vie à l’accord nucléaire de 2015 entre l’Iran et les puissances mondiales. Il y a le camp qui pense que la relance de l’accord serait la meilleure option pour Israël, du moins la moins mauvaise, et celui qui est convaincu que l’accord négocié à Vienne prédit une catastrophe.

Dror Shalom, brigadier général (de réserve) et ancien chef de la division de recherche et d’analyse du renseignement militaire israélien, aurait déclaré à ses interlocuteurs américains cette semaine à Washington que la décision américaine de se retirer de l’accord avec l’Iran en 2018 était une erreur stratégique imprudente.

Nommé par le ministre de la Défense Benny Gantz plus tôt cette année, Dror Shalom est actuellement à la tête du bureau politico-militaire du ministère israélien de la Défense, un poste sensible et très influent. Son mandat inclut des contacts publics et clandestins avec les institutions de défense du monde entier.

Dror Shalom a dirigé le bureau du renseignement et de la recherche de 2016 à 2020, une époque où Netanyahu et son proche collaborateur, l’ambassadeur aux États-Unis Ron Dermer, étaient profondément investis pour convaincre le président Donald Trump de se retirer de l’accord nucléaire avec l’Iran. Shalom avait averti les décideurs israéliens, dont Netanyahu, des risques d’une telle décision. De nombreux grands noms de la sécurité et de la défense partageaient le même avis.

Leurs craintes ont été confirmées après le retrait américain. La République islamique ne s’est pas effondrée, les sanctions économiques n’ont pas obligé l’Iran à renoncer à son programme nucléaire et (peut-être malgré les espoirs de Netanyahu et de ses alliés), Donald Trump n’a pas ordonné de frappe sur les installations nucléaires iraniennes.

Dror Shalom et d’autres responsables soulignent que l’Iran est désormais beaucoup plus proche du seuil nucléaire qu’il ne l’était lorsqu’il était lié à ses engagements en vertu de l’accord de 2015, et aucune puissance mondiale ne semble être en mesure de l’arrêter.

L’analyse de Dror Shalom correspond au point de vue de l’ancien chef du renseignement militaire, le général de division Tamir Heyman, qui a affirmé dans une interview cette semaine avec Israel Hayom qu’un retour à l’accord avec l’Iran est la moins mauvaise des options pour Israël. Son successeur, le général de division Aharon Haliva, serait d’accord. En tant que chef du renseignement militaire, il est chargé de compiler le rapport d’évaluation annuel d’Israël, qui reflète également la vision prédominante du renseignement militaire sur la question iranienne.

L’avis le plus important sur la question demeure celui du directeur du Mossad, David Barnea, qui a pris les rênes de l’agence du renseignement à Yossi Cohen il y a un an. David Barnea esstime que l’accord avec l’Iran est désastreux, et qu’il a levé toutes les contraintes du programme nucléaire iranien en quelques années.

Barnea pense qu’Israël doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la relance de l’accord, arguant que le statu quo est la meilleure alternative car il permet à Israël de continuer à travailler pour contrer les avancées iraniennes pendant que les sanctions internationales restent en place.

Les opinions du Premier ministre Naftali Bennett semblent correspondre à celles de David Barnea, tout comme Netanyahu était à l’époque en accord avec Cohen.

Benny Gantz penche dans l’autre sens, ce qui n’est guère surprenant, car en tant que ministre de la Défense, les Forces de défense israéliennes lui rendent des comptes. Le suppléant de Bennett, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, se situe quelque part au milieu, et les opinions du chef de l’armée israélienne, le lieutenant-général Aviv Kochavi, sont plus proches de celles du directeur du Mossad.

Ce désaccord entre les responsables israéliens entraine de graves conséquences politiques. Le Mossad aurait intensifié ses activités sur le sol iranien, s’attribuant le mérite d’avoir convaincu le président américain Joe Biden de rejeter la demande de l’Iran de retirer le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) de la liste américaine des groupes terroristes étrangers, en échange d’un retour à l’accord et d’un recul de ses ambitions nucléaires.

Fin avril, la presse israélienne a rendu compte d’une opération du Mossad en Iran impliquant la détention de Mansour Rasouli, qui a avoué sous interrogatoire avoir été recruté par la Force Al-Qods du CGRI pour assassiner un diplomate israélien à Ankara, ainsi qu’un général américain en Allemagne et un journaliste Français. Ces aveux, dont quelques bribes enregistrées ont été rendus publics, auraient joué un rôle déterminant dans la décision finale de Joe Biden concernant le CGRI.

Les décideurs israéliens ont jusqu’à présent réussi à minimiser ce désaccord et à présenter un front principalement uni à l’extérieur, mais si (et quand) une option militaire deviendra pertinente, le débat sera évidemment très différent.

Source : Al-Monitor

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