2021 : Une année compliquée pour les Frères musulmans du Maroc

L’écrasante défaite du Parti islamiste marocain Justice et Développement aux élections législatives du 8 septembre, et la réélection d’Abdel-Ilah Benkiran comme secrétaire général du Parti pour succéder à Saad Eddine El Othmani, ont été les deux événements marquants de l’année au Maroc.

Après avoir dominé le gouvernement pendant deux mandats consécutifs, 2012-2016 et 2016-2021, le parti Justice et Développement a brutalement régressé lors des dernières élections en obtenant 13 sièges sur 395. Il avait obtenu 125 sièges aux élections précédentes et 102 à celles d’avant. Il est désormais tombé à la huitième place, ce qui a sévèrement ébranlé le Parti dont les responsables ont annoncé une démission collective.

En revanche, le Rassemblement national des indépendants (chef de file de la coalition gouvernementale actuelle) a obtenu 102 siège et se trouve actuellement en tête des sondages. En 2016, il n’avait obtenu que 37 sièges au scrutin.

Justice et Développement a publié une déclaration reconnaissant sa défaite et annonçant la démission collective de ses dirigeants, affirmant que le Secrétariat général “porte l’entière responsabilité politique de l’organisation de cette étape, et que ses membres, dirigés par le Secrétaire général, ont décidé de présenter leur démission”.

Le secrétariat général du Parti a appelée le 18 septembre à la tenue d’une réunion extraordinaire du Conseil national pour “une évaluation globale des élections en vue de prendre les décisions appropriées”. Il a également appelé à l’organisation accélérée d’une “conférence nationale extraordinaire du Parti dès que possible”.

Le Parti a clairement indiqué qu’il poursuivrait son combat au service du pays et des citoyens, mais son secrétariat général a estimé que les résultats annoncés sont “incompréhensibles et illogiques, et ne reflètent pas la réalité de la carte politique du pays, ni le positionnement du Parti sur la scène politique, ni ses résultats dans la gestion des affaires publiques locales et gouvernementales, ni le grand écho des citoyens au Parti pendant la campagne électorale”.

Plusieurs facteurs objectifs et subjectifs se sont mêlés pour conduire le Parti à sa défaite. Le plus important d’entre eux réside dans les conflits internes qu’il a connus après qu’Abdel-Ilah Benkiran a été relevé de ses fonctions de Premier ministre en mars 2017, en raison de ses difficultés à former un gouvernement après les élections de 2016, et de la nomination de Saad Eddin El Othmani à sa place par le roi du Maroc Mohammed VI. Le Parti s’était alors divisé entre les partisan de Benkiran et ceux d’El Othmani. De plus, les dix années que le Parti a passé à la tête du gouvernement ont déçu les espoirs des électeurs qui aspiraient au changement, et plus particulièrement depuis la pandémie du Covid-19 qui a laissé des séquelles à plusieurs niveaux.

Abdel-Ilah Benkiran a imputé la responsabilité des mauvais résultats de son Parti au secrétaire général Saad Eddin El Othmani. Près de deux mois après le revers électoral du Parti Justice et Développement, une conférence extraordinaire s’est tenue le 30 octobre, et Benkiran a été élu secrétaire général à la place d’El Othmani.

Benkiran s’est distancié du Parti et a critiqué à plusieurs reprises les décisions de la direction, notamment la ratification par le gouvernement dirigé par El Othmani de la loi pour légaliser le cannabis, et de la loi-cadre sur la réforme de l’éducation qui a décidé d’adopter la langue française pour l’enseignement des sciences.

Benkiran a obtenu 1 112 voix, soit 81 %, contre 231 voix pour Abdelaziz Ammari et 15 voix pour Abdullah Buano, sur un total de 1 252 voix.

Les observateurs estiment que la réélection de Benkiran traduit le sentiment des membres qu’il est la personne la plus apte à réunifier et à réorganiser le Parti, dans l’espoir d’un nouveau départ.

Après son élection, Benkiran a appelé à une coopération collective pour résoudre les conflits au sein du Parti. Il a souligné que le Parti devrait rechercher “une nouvelle approche pour être un élément positif et bénéfique pour notre État et notre société”.

Il a déclaré : “Aujourd’hui, nous sommes à une époque qui exige des sacrifices pour reconstruire le Parti et ressusciter l’esprit de la référence islamique”, précisant que le rôle du Parti n’est pas terminé, mais que celui-ci ne fera que changer son approche.

Cependant, la mission de Benkiran de relancer le Parti reste semée d’obstacles. Justice et développement a subi une régression significative non seulement aux élections législatives, mais également aux élections locales et régionales. Il se retrouve exclu de la majorité des alliances administrant les grandes villes qu’il a lui même dirigées ces dernières années, et a perdu une part importante du soutien financier public que l’État alloue aux Partis politiques en fonction du nombre de sièges obtenus. De plus, ses ressources financières ont diminué d’environ 80%. En conséquence, le Parti a licencié ses employés dans certaines villes et régions et a interrompu la construction d’un grand siège central à Rabat.

Après son élection, Benkiran a reconnu la difficulté de sa tâche. Il a déclaré que le Parti “Justice et Développement ” traverse une étape ” très difficile et délicate “, espérant que “Dieu nous permettra de la surmonter aisément. Nous préservons nos principes, nos systèmes et nos lois”, a t-il affirmé, notant que son Parti “a donné une leçon de démocratie au monde”.

Evoquant l’ampleur des défis, Benkiran a déclaré : “Je sais que certains s’imaginent que nous allons facilement revivre le passé, et que nous allons redémarrer. Écoutez bien, je ne suis pas Messi (le joueur argentin), mais je ferai de mon mieux.”

Le Parti devrait tenir sa première assemblée nationale après l’élection de Benkiran fin janvier prochain, dans laquelle il présentera un rapport politique à l’issue duquel des conférences régionales auront lieu pour réorganiser le Parti, sous la supervision directe de Benkiran.

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