Liban : Tarek Bitar ordonne l’exécution immédiate d’un mandat d’arrêt contre un proche du Hezbollah

Après la reprise des investigations, Tarek Bitar, l’enquêteur judiciaire chargé de l’affaire de l’explosion du port de Beyrouth, a demandé vendredi l’exécution du mandat d’arrêt émis il y a deux mois contre l’ancien ministre des Finances Ali Hassan Khalil, un représentant du Mouvement chiite Amal, et un proche du chef du mouvement, le président du Parlement Nabih Berri, selon les informations fournies par une source judiciaire.

Avec cette décision, Bitar a franchi la ligne rouge et s’est exposé à l’écrasante pression du duo chiite, le Mouvement Amal et le Hezbollah, et provoqué la crainte de voir cette décision déclencher une nouvelle vague de violence similaire à celle de Tayouneh, au cours de laquelle 7 sympathisants de Amal et du Hezbollah ont été tués.

Ali Hassan Khalil n’est pas la seule personnalité politique que Tarek Bitar veut soumettre à une enquête dans le cadre de cette affaire, qui représente l’un des points les plus sensibles et les plus complexes en raison de l’ingérence politique qu’elle subit.

Ali Hassan Khalil et d’autres personnes convoquées pour un interrogatoire avaient précédemment engagé des poursuites contre Bitar, mettant en cause son impartialité, tandis que le Hezbollah est allé plus loin en exigeant que l’enquêteur judiciaire soit définitivement écarté de l’enquête.

L’enquête sur l’explosion a plongé le Liban dans un chaos judiciaire. Depuis sa plainte contre l’ancien Premier ministre Hassan Diab et d’anciens ministres, et son appel à poursuivre des responsables et des forces de la sécurité, plusieurs courants politiques dirigés par le Hezbollah et le Mouvement Amal ont remis en cause l’intégrité du travail de Bitar.

Depuis que l’enquête lui a été confiée, 16 actions en justice ont été engagées pour lui retirer l’affaire, la plupart soumises par d’anciens ministres accusés qui ont refusé de comparaître devant lui. Parmi eux les anciens ministres des Travaux publics Youssef Fenianos (Mouvement Marada) et Ghazi Zeaiter (Mouvement Amal), l’ancien ministre des Finances Ali Hassan Khalil (Mouvement Amal) et l’ancien ministre de l’Intérieur Nouhad el-Machnouk.

La plupart d’entre eux sont des alliés du Hezbollah, et deux d’entre eux, Ali Hassan Khalil et Youssef Fenianos, sont soumis à des sanctions américaines pour avoir facilité l’accès du Hezbollah aux accords publics.

Ces poursuites ont conduit à la suspension de l’enquête à de nombreuses reprises avant sa reprise cette semaine, après que la justice a rejeté les poursuites contre Bitar.

La source judiciaire a indiqué que dans la première procédure après la reprise de l’enquête, Tarek Bitar “a renvoyé au Parquet le mandat d’arrêt par contumace émis contre le député Ali Hassan Khalil et a ordonné son exécution immédiate par les services de sécurité”.

Cela s’est produit après que le directeur général des Forces de la sécurité intérieure, le général de Division Imad Osman, a refusé il y a plusieurs semaines d’exécuter le mandat d’arrêt par contumace émis le 12 octobre contre Khalil, l’actuel député proche du président du Parlement Nabih Berri.

La source judiciaire a précisé que “la décision de Bitar de soumettre ce mémorandum aux services de sécurité et de l’exécuter immédiatement est intervenue après la reprise de son travail”, notant que “le refus d’une agence de sécurité d’appliquer un mémorandum judiciaire est un dangereux précédent et une rébellion contre les décisions de l’autorité judiciaire”.

Le mandat d’arrêt par contumace a provoqué la colère du Hezbollah et du Mouvement Amal. Deux jours après son émission, les partisans des deux partis ont manifesté contre Bitar et provoqué des émeutes et une fusillade qui ont fait sept morts.

Le gouvernement libanais ne s’est pas réuni depuis mi-octobre en raison du refus des ministres du Hezbollah et du Mouvement Amal, à moins que la session ne soit consacrée à décider du sort de Bitar.

Beaucoup s’interrogent sur la possibilité de mettre en œuvre le mandat d’arrêt contre Khalil dans un pays dominé par la culture de “l’impunité”, et qui a toujours été le théâtre d’assassinats, d’explosions et de corruption, sans que jamais personne ne réponde de ses actes.

L’explosion du port de Beyrouth survenue le 4 août 2020, et qui a entrainé au moins 215 morts et 6 500 blessés, a été attribuée par les autorités au stockage de grandes quantités de nitrate d’ammonium sans mesures préventives. Il s’est avéré qu’à plusieurs niveaux politiques, des responsables sécuritaires et judiciaires étaient conscients des dangers auxquels cela expose, et se sont abstenus d’agir pour éviter la catastrophe.

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