L’effondrement de la livre turque pèse lourd sur l’avenir d’Erdogan

La chute de la livre turque devient incontrôlable. Le dollar s’établit à 11,26 livres et l’euro à 12,74 livres depuis que la Banque centrale turque a reçu l’ordre de baisser les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. La monnaie turque a perdu environ les deux tiers de sa valeur en 5 ans, et l’inflation enregistre des taux à deux chiffres.

La dévaluation de la livre turque confronte les citoyens à une hausse scandaleuse des prix des denrées alimentaires et des biens de première nécessité. Une étude de la Confédération des syndicats de Turquie indique que les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 24,61 % en octobre 2021, et que, pour la première fois, le seuil de pauvreté est passé à 10 000 livres. Selon les derniers chiffres de l’Institut statistique de Turquie, le taux de chômage s’élève à 12,1% avec presque 4 millions de chômeurs.

Le président turc Erdogan est en grande partie responsable de l’effondrement de la livre en raison de ses ingérences incessantes dans le travail des experts financiers. Il a limogé trois gouverneurs de la Banque centrale turque en moins de deux ans pour avoir augmenté les taux d’intérêt. En juillet 2019, Erdogan a licencié Murat Qaya. En novembre 2020, son remplaçant Murat Oysal, a également été remercié. Au cours du même mois, le ministre des Finances a présenté sa démission.

En mars 2021, c’est Naji Aghbal qui a été licencié pour avoir relevé le taux directeur de 200 points de 17 % à 19 %. immédiatement après sa révocation, la livre turque a chuté de plus de 15%. L’ancien banquier, Shihab Koccioglu, a été à son tour nommé gouverneur de la Banque centrale, bien qu’il ne devrait pas tarder à subir le même sort que ses prédécesseurs compte tenu de la dépréciation continue de la monnaie. En outre, Erdogan a déjà renvoyé deux vice-gouverneurs, Semih Tumen et Ugur Namik Kucuk, ainsi qu’un autre membre du MPC, Abdullah Yavas, entrainant un impact négatif sur les investisseurs.

Le déclin du tourisme en raison de la crise sanitaire a également contribué à affaiblir l’économie turque. Le secteur du tourisme, qui représentait 12% du PIB turc, n’a enregistré que 12 milliards de dollars en 2020 contre 34 milliards de dollars en 2019.

A ce sujet, Ali Babacan, l’ancien ministre turc de l’Économie a déclaré : “Même si 10 économistes décrochent le prix Nobel, l’économie ne s’améliorera jamais sans le départ d’Erdogan.”

Le député et membre du Parti républicain du peuple, Muharrem İnce, s’est moqué du président Recep Tayyip Erdogan en disant : “Erdogan est responsable du fait que le dollar a atteint 10 livres, et il affirme avoir écrit un livre sur l’économie. Je lui suggère d’intituler le livre Comment j’ai noyé le pays ?”. Avant les élections présidentielles de 2018, İnce avait prédit que si Erdogan était élu, le dollar s’établirait autour de 10 livres, et c’est ce qui s’est produit.

“Ça ne durera pas longtemps, il faut être patient”, a déclaré à son tour Kemal Kılıçdaroğlu, le président du Parti républicain du peuple. “Peut-être avez-vous faim, peut-être souffrez-vous d’une panne de courant, ou peut-être avez-vous été arrêté et emprisonné. Soyez juste patient, cela ne durera pas longtemps.”

Autant d’éléments qui indiquent que le président turc est peut-être en passe de connaitre les jours les plus difficiles de son parcours politique. Sa côte de popularité a connu un terrible déclin dans les derniers sondages d’opinion. Les citoyens le perçoivent comme la cause principale de la crise pour avoir ignoré la logique à long terme de l’économie et s’être concentré sur les moyens de réaliser des gains rapides, également en raison de ses multiples interventions dans le secteur bancaire. Les turcs estiment aussi que les cadres qui dirigent le pays manquent de compétence pour pouvoir sauver la situation.

Selon les experts, la crise économique se reflétera dans les prochaines élections au vu du mécontentement populaire à l’égard du pouvoir. La plupart des sondages d’opinion indiquent en effet l’érosion du socle populaire du Parti présidentiel Justice et développement.

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