L’ingérence et les ambitions turques en Afghanistan se heurtent aux talibans

Depuis son entrée en fonction en tant que président de la République turque, le président Recep Tayyip Erdogan s’est fixé comme objectif principal de faire renaitre “le califat turc”. Il est présent dans chaque pays tourmenté de la région pour y trouver un point d’ancrage, comme il l’a fait en Syrie, en Irak et dans bien d’autres pays.

Le régime du Parti au pouvoir, Justice et développement, ne mise pas seulement sur la force militaire pour réaliser ses ambitions expansionnistes, mais exerce également une emprise sociale et culturelle en multipliant les branches médiatiques et intellectuelles dans ces pays. L’État afghan n’était pas loin d’ouvrir la voie au régime turc qui s’est présenté devant la communauté internationale comme une alternative potentielle à la présence américaine à Kaboul.

En Afghanistan, le régime d’Erdogan s’est appuyé sur la politique de la pénétration culturelle et sociale par le biais de sa plus importante organisation, l’agence turque TIKA créée en janvier 1992. La fonction principale de cette organisation était de coordonner les relations entre Ankara et les pays d’Asie centrale, mais l’accession au pouvoir du Parti de la justice et du développement en 2002 a contribué à modifier son activité pour l’étendre à tous les continents.

L’Afghanistan n’a pas échappé aux activités suspectes de la Fondation TIKA qui s’est employée à exploiter les crises économiques et sociales survenues dans les provinces et les villes afghanes, à la suite des conflits entre le mouvement taliban et le gouvernement afghan aidé par les Etats-Unis.

Selon le communiqué publié par l’agence le 29 juillet 2021 sur son site officiel, TIKA a distribué une aide alimentaire à 1 500 familles pauvres dans plusieurs villes du nord de l’Afghanistan. L’agence a souligné que cette aide s’inscrit dans le principe de sa solidarité permanente avec le peuple afghan.

L’agence turque de coopération et de coordination TIKA a également mis en place un projet appelé “Tout pour Basma”, destiné à apporter une aide aux enfants, aux orphelins et à d’autres catégories de personnes dans le besoin.

Lors du dernier Eid al-Fitr, TIKA a offert des cadeaux à 350 orphelins dans les provinces afghanes de Balkh et Badakhshan. Un communiqué publié par l’agence a indiqué que cette célébration s’est déroulée en présence de Samih Lutfi Turgut, le consul général de Turquie à Mazâr-e Charîf, et de plusieurs responsables locaux dont Muhammad Afzal Hadid, le chef du Conseil des ministres de la Choura dans la région, et Mutei Allah Mateen, le directeur du travail et des affaires sociales.

Depuis que le président américain Joe Biden a annoncé en avril dernier son intention de retirer ses troupes militaires d’Afghanistan avant le 11 septembre 2021, les interrogations relatives à la situation politique et militaire escomptée à Kaboul ont augmenté, principalement parce que la similaire expérience américaine en Irak a entraîné l’émergence de l’organisation terroriste Etat islamique.

Le régime turc cherche actuellement à se substituer dans un futur proche à la mission de soutien lancée en Afghanistan par l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), une information confirmée le 13 juillet 2021 par Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense, lorsqu’il a indiqué à l’occasion d’une conférence de presse que son pays poursuivait les discussions avec le gouvernement américain pour exploiter et sécuriser l’aéroport Hamid Karzai dans la capitale afghane. L’aéroport est géré par Ankara depuis 6 ans dans le cadre de la mission de l’OTAN, et la Turquie compte 500 soldats en Afghanistan.

A l’issue de la réunion des présidents turc et américain en marge du dernier sommet de l’OTAN à Bruxelles en juillet, les États-Unis ont salué le rôle de la Turquie en Afghanistan, estimant qu’elle joue un “rôle constructif dans le processus de retrait des forces étrangères d’Afghanistan”.

Cependant, le mouvement taliban n’a pas accueilli les intentions turques avec enthousiasme. En juillet 2021, il a publié une déclaration dans laquelle il a affirmé que la décision des dirigeants turcs n’était pas raisonnable et constituait une violation de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale du peuple afghan, ce qui est assimilé à une flagrante violation de ses intérêts nationaux. Il a de ce fait appelé Ankara à renoncer à cette décision.

Erdogan a rapidement répondu à cette déclaration avant sa participation au 47e anniversaire du “processus de paix” militaire lancé par la Turquie à Chypre, affirmant que les talibans sont bien conscients de la position d’Ankara à ce sujet, et qu’il étudierait la possibilité de tenir des réunions avec eux sur cet aspect. “Nous, à notre tour, faisons appel de Turquie aux talibans. Ils doivent arrêter ce processus d’occupation des terres de leurs frères, et montrer dès que possible au monde que la paix règne dans tout l’Afghanistan”, a t-il ajouté.

Malgré ces tensions, des déclarations positives sont émises de temps à autre entre les deux parties. Zabihullah Mujahid, le porte-parole des talibans, a déclaré lors d’une interview à la télévision turque TRT, que les talibans veulent bien établir de bonnes relations avec la Turquie, mais qu’ils veulent pour cela que la Turquie envoie des ingénieurs, des médecins, des scientifiques et des commerçants, pas des armes et des guerres. Il a ajouté que la responsabilité de la sécurité de l’aéroport et des centres diplomatiques incombe uniquement aux Afghans.

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