Iran : Un extrémiste soumis aux sanctions américaines deviendra probablement président

La loyauté farouche du juge Ebrahim Raissi envers les religieux iraniens au pouvoir lui a valu une belle longueur d’avance sur ses rivaux aux élections présidentielles d’aujourd’hui (18 juin). Une course que les autorités ont réservée presque exclusivement aux candidats extrémistes comme lui, selon l’agence de presse Reuters.

Raissi, 60 ans, est un adversaire obstiné de l’Occident qui bénéficie du soutien politique du puissant guide suprême Ali Khamenei. Les analystes affirment que si Raissi remporte les élections, sa victoire augmenterait sensiblement ses chances de succéder un jour à Khamenei sur le siège le plus élevé de la hiérarchie du pouvoir iranien.

On reproche à Raissi des violations abjectes des droits humains pratiqués sur des prisonniers politiques dans les années 1980, mais ses partisans ont toujours nié ces accusations.

Raissi a été nommé juge en chef en 2019 par Ali Khamenei. Plus tard la même année, lorsque les autorités ont décidé de se servir de la justice pour réprimer les pires troubles politiques survenus depuis la révolution de 1979, Raissi s’est retrouvé à la tête du système judiciaire. L’Iran affirme que son système judiciaire est indépendant et que les parties prenantes n’ont aucune influence politique sur lui.

“Raissi est l’un des piliers d’un régime qui emprisonne, torture et tue ceux qui osent critiquer la politique de l’État”, a déclaré dans un communiqué Hadi Ghaemi, le directeur exécutif du Centre pour les droits de l’homme en Iran, basé à New York.

Raissi est une figure intermédiaire de l’ordre religieux en Iran. Il a été haut fonctionnaire de la magistrature pendant la majeure partie de sa carrière. Il a été chef adjoint de la magistrature pendant dix ans avant d’être nommé procureur de la République en 2014.

Raissi a acquis la réputation d’un personnage redoutable. Les groupes de défense des droits de l’homme soutiennent qu’il a fait partie des quatre juges qui ont supervisé l’exécution de milliers de prisonniers politiques en 1988.

Amnesty International a estimé le nombre de personnes exécutées à cette période à environ 5 000 et a indiqué dans un rapport de 2018 que “le nombre réel pourrait bien être supérieur”.

Le Centre iranien des droits de l’homme a déclaré que les personnes exécutées ont été “enterrées dans des fosses communes et individuelles anonymes. Elles ont d’abord été jugées et ont purgé une peine de prison après qu’un comité a évalué leur loyauté envers la république islamique fraichement formée”.

L’Iran n’a jamais reconnu ces exécutions de masse, mais certains religieux ont déclaré que les procès des prisonniers étaient équitables et que les juges qui y ont participé devraient être récompensés pour avoir éliminé l’opposition armée dans les premières années de la révolution. Quant a Raissi, il n’a jamais mentionné publiquement son rôle dans ce massacre.

En 2020, des experts en droits humains de l’ONU ont appelé les responsables des exécutions de 1988 à rendre des comptes, avertissant que “la situation pourrait atteindre le niveau d’un crime contre l’humanité” si le gouvernement iranien s’obstine à refuser de demander des comptes aux responsables.

En 2019, les États-Unis ont imposé des sanctions à Raissi pour violation des droits humains lors des exécutions des années 1980 ainsi que pour son rôle dans la répression des troubles en 2009.

Raissi, qui a perdu face au pragmatique président Hassan Rohani lors des élections de 2017, n’a pas présenté de programme politique ou économique détaillé pendant sa campagne électorale. Il s’est contenté de courtiser les iraniens à faible revenu en leur promettant de réduire le chômage.

La victoire de Raissi renforcerait le pouvoir de Khamenei dans son pays, et les militants des droits de l’homme craignent que cela ne sonne le début d’une nouvelle ère de répression.

“Il ne se serait pas inscrit comme candidat si ses chances de gouverner n’étaient pas certaines”, a déclaré Kisra Arabi, analyste senior de l’Iran et de l’extrémisme chiite au Tony Blair Institute for Global Change. “Il est presque certain que la décision de Raissi de se présenter est venue de la direction de Khamenei lui-même.”

Le Conseil des gouverneurs chargé de décider de l’éligibilité des candidats a rejeté tous les éléments modérés pour ne garder que des conservateurs de premier plan, les électeurs n’auront de ce fait d’autre alternative que de choisir parmi des candidats extrémistes et un certain nombre de modérés peu inconnus.

Compte tenu de la colère croissante des citoyens face aux difficultés économiques et aux restrictions des libertés personnelles, le taux de participation au vote devrait atteindre un niveau record.

“Après que ses stratégies d’exclusion ont atteint un nouveau sommet, le Conseil des gardiens n’a laissé aucune place à la surprise”, a déclaré Ali Vaez, conseiller à l’International Crisis Group.

Les analystes estiment que la victoire électorale de Raissi pourrait augmenter ses chances de succéder un jour à Khamenei, qui a lui-même été président à deux reprises avant de devenir chef suprême en 1989 après la mort du fondateur de la révolution, Ruhollah Khomeini.

“Raissi est quelqu’un en qui Khamenei a confiance (…) et Raissi peut protéger l’héritage du guide suprême”, a déclaré Sanam Wakil, la directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House.

Né en 1960 dans une famille religieuse de la ville de Mashhad, Raissi a été actif dans la révolution et a déclaré son attachement aux “valeurs fondamentales” représentées par Khamenei.

“L’État profond est prêt à aller jusqu’à saper l’un des piliers de sa légitimité pour garantir que la vision de Khamenei pour l’avenir de la révolution demeure lorsque Raissi portera le manteau du chef suprême”, a déclaré Vaez, en faisant référence au double système en vigueur en Iran, représenté par le gouvernement républicain et la domination du clergé.

Les critiques affirment que la décision du Conseil de rejeter les principaux candidats modérés et conservateurs a ouvert la porte à l’autoritarisme, une accusation que les autorités iraniennes rejettent bien évidemment.

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