L’Etat islamique héritera t-il de Boko Haram après le meurtre d’Abou Bakr Shekau ?

Le 7 juin 2021, le chef de l’État islamique en Afrique de l’Ouest, Abou Musab al-Barnawi, a annoncé le meurtre de Abou Bakr Shekau, le chef du mouvement terroriste Boko Haram, suite à des affrontements avec des combattants de l’Etat islamique. C’est ainsi que le rideau est tombé sur l’ère de Shekau qui a duré une décennie, donnant libre cours aux spéculations sur l’avenir du mouvement et de l’Etat islamique dans le nord-est du Nigeria et dans toute la région, et sur ses éventuelles répercussions sur le terrain en Afrique de l’Ouest.

Des indications sur le meurtre de Shekau

Pendant près de deux semaines, le meurtre de Shekau a provoqué une controverse au sein des agences de presse internationales qui n’ont pas confirmé formellement la nouvelle. L’armée nigériane a hésité à annoncer sa mort avant de s’en assurer auprès des services de renseignements.

Les témoignages locaux autours de sa mort varient. Certains ont indiqué que Shekau s’était fait exploser à l’aide d’une bombe avant de tomber entre les mains des combattants de l’Etat islamique, tandis que d’autres ont prétendu qu’il s’était tiré dessus après avoir été assiégé par des éléments de l’Etat islamique dans l’une des cachettes de Boko Haram dans la forêt de Sambisa, dans le nord-est du pays.

Le meurtre de Shekau apporte plusieurs indications sur le niveau organisationnel de Boko Haram et de l’Etat islamique:

L’escalade de la course entre organisations terroristes en Afrique de l’Ouest

L’assassinat d’Abou Bakr Shekau offre à l’Etat islamique l’opportunité de contrôler les bastions du mouvement Boko Haram dans le nord-est du pays, avec la possibilité d’absorber la plupart de ses combattants, notamment en raison de la détérioration subie par le mouvement, et plus particulièrement après le meurtre de Shekau qui a pu maintenir l’entité du Mouvement au cours des six dernières années.

Cela peut vraisemblablement contribuer à l’expansion de l’Etat islamique dans le nord-est du Nigeria, impliquant la poursuite des opérations terroristes avec de nouvelles tactiques capables de faire davantage de victimes parmi les civils et dans les rangs de l’armée nigériane.

Main basse sur l’héritage de Boko Haram par l’Etat islamique

Il s’agit ici de stocks d’armes, d’équipements, d’argent, et de collectes d’impôts auprès des civils dans les zones sous son contrôle. L’Etat islamique peut désormais contrôler les camps d’entraînement, établir de nouveaux camps, fournir une formation intensive aux éléments de l’organisation à l’intérieur du Nigéria et attirer de nouveaux éléments locaux, augmentant ainsi la possibilité d’exporter des combattants vers les zones de conflit des pays voisins.

L’Etat islamique a déjà réussi à faire des percées importantes dans les rangs du mouvement Boko Haram. Certains rapports ont soutenu que l’Etat islamique surveillait les mouvements de Shekau grâce à des indicateurs parmi les membres de Boko Haram, ce qui a finalement conduit à son siège, puis à son assassinat.

Inverser le rapport de force dans la région

L’assassinat du chef de Boko Haram affaiblit davantage le mouvement qui a connu un déclin au cours des six dernières années en raison des opérations militaires lancées contre lui par l’armée nigériane, et des combats qui l’ont opposé à l’Etat islamique depuis 2016 pour des différends relatifs au principe d’allégeance.

En même temps, la possibilité de réorganiser les rangs de Boko Haram demeure, avec la nomination d’un nouveau chef pour succéder à Shekau afin de venger la mort de ce dernier.

Réduire la charge sécuritaire de l’armée nigériane

L’intégration des éléments de Boko Haram à l’Etat islamique en l’Afrique de l’ouest pourrait donner à l’armée nigériane la possibilité de concentrer ses efforts sur un front plutôt que sur deux, et lui permettre d’intensifier ses opérations militaires contre les membres de l’Etat islamique dans les zones contrôlées par ce dernier dans le nord-est du pays.

L’émergence de l’Etat islamique en tant qu’acteur dominant sur la scène terroriste du Nigeria et des pays de la région

Récupérer les zones de Boko Haram permet à Daech d’avoir un champ de manœuvre élargi au niveau régional et de poursuivre son expansion dans les hotspots régionaux tels que le Tchad, le Niger, le Cameroun, le Burkina Faso et le Mali. Cela permettrait également de renforcer la corrélation entre les éléments de l’Etat islamique dans la région jusqu’en Libye.

L’avenir de Boko Haram : Les scénarios probables

Malgré l’état de faiblesse qui a miné Boko Haram ces des six dernières années et l’assassinat de son leader, il existe deux scénarios possibles pour l’avenir de l’organisation sur les scènes nigériane et régionale :

D’abord, la désintégration de Boko Haram et la dispersion de ses combattants en raison de la capacité de l’Etat islamique à contrôler la plupart des bastions du mouvement dans le nord-est du Nigeria, et à infiltrer le mouvement pour espionner son chef et se débarrasser de lui. De nombreux membres de Boko Haram ont rejoint l’organisation en secret avant le meurtre de Shekau ou publiquement après sa mort. A cela s’ajoute la possibilité d’une scission dans le mouvement qui pourrait conduire à l’émergence de nouvelles organisations terroristes dans la région.

Le deuxième scénario pourrait voir Boko Haram entrer dans une phase temporaire de latence tactique dans le but de réorganiser ses rangs et de retrouver ses forces avant de revenir à la charge. Ici, le mouvement Boko Haram pourrait chercher à établir de nouvelles alliances pour réorganiser ses affaires, avec la possibilité de se déplacer vers de nouveaux avant-postes dans certains pays voisins ou de s’infiltrer parmi les civils au Nigeria pour abriter ses éléments au cours de la période à venir, afin qu’il puissent revenir pour mieux affronter l’EI.

Ce scénario renforce certaines des étapes historiques traversées par Boko Haram en état de faiblesse, notamment après l’assassinat de son chef fondateur Muhammad Yusuf en 2009, avant que le groupe ne soit classé parmi les organisations terroristes les plus dangereuses du monde.

L’avenir de l’Afrique de l’Ouest :

Le meurtre d’Abou Bakr Shekau jette une ombre sur la scène régionale et opérationnelle en Afrique de l’Ouest. Les spéculations sur l’avenir de l’Etat islamique vont bon train, notamment concernant la création d’un Califat en Afrique de l’Ouest après s’être débarrassé de l’obstacle que représentait Abou Bakr Shekau.

Le scénario le plus probable concernant l’avenir de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest est la poursuite de son expansion dans la région. Cette supposition est renforcée par l’augmentation des capacités de l’organisation avec l’intégration des anciens combattants de Boko Haram, et la saisie des armes et des fonds qui appartenaient au mouvement.

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