Plus de dix jours après le cessez-le-feu à Gaza, on peut constater trois faits nouveaux – qui ne le sont toutefois pas pour les palestiniens. Avant tout, la grande victoire du “Hamas” qui a prouvé qu’il est devenu l’interlocuteur palestinien incontournable. Concrètement, le Hamas, qui s’est approprié le soulèvement de Jérusalem grâce à son intervention, a vaincu l’Autorité nationale palestinienne. De même, il a vaincu le peuple de Gaza dont la seule option est de rester otage du mouvement et du siège imposé à la bande par un accord israélo-Hamas. Seule la Confrérie des Frères musulmans maitrise ce type de d’accord, et le le Hamas a beau le nier, il est bel et bien une partie intégrante de la Confrérie.
Le deuxième élément est le rôle joué par l’Égypte à Gaza. L’Égypte a joué un rôle clé dans la conclusion du cessez-le-feu, reconnu par toutes les parties concernées, y compris par l’administration américaine. On ignore encore de quelle manière l’Égypte continuera à affirmer son rôle à Gaza au profit de la population de la bande qui était sous son administration jusqu’en 1967 avant de tomber sous l’occupation israélienne qui s’est poursuivie jusqu’en août 2005.
Le troisième facteur réside dans la position de la Jordanie, maintenue durant les vingt dernières années par le roi Abdallah II. Depuis qu’il a succédé à son père en 1999, les contours de la politique palestinienne du monarque jordanien demeurent un prolongement de ceux du roi Hussein. La Jordanie a affirmé à maintes reprises la nécessité d’une solution à deux États, avec Jérusalem-Est comme capitale de l’État palestinien. Cette position, que le monarque jordanien a précédemment communiquée au Congrès, lui a coûté cher à l’époque de l’ancien président américain Donald Trump, qui a proposé “l’accord du siècle” comme alternative à l’option des deux États. La position jordanienne a valu au roi une hostilité à caractère personnel de la part de Benjamin Netanyahu, grand spécialiste des insultes à l’encontre du Royaume hachémite de Jordanie et de son rôle positif dans la région.
Les nouvelles et les anciennes données peuvent engendrer des résultats positifs si certaines conditions sont remplies, parmi lesquelles la volonté américaine d’aller loin dans l’option des deux États. Mais encore plus important, le Hamas peut-il proposer un programme politique clair basé sur des décisions internationales légitimes au lieu de continuer à scander des slogans vides de tout contenu? Tel est le défi auquel sont confrontés les palestiniens d’une part, et l’Égypte de l’autre. Bien entendu, le rôle des pays du Golfe ne peut être ignoré, tout comme le rôle de la Jordanie. Le signe en est la récente visite à Amman du cheikh Mohammed ben Zayed, prince héritier d’Abou Dhabi, pour s’entretenir avec le roi Abdallah II de la mise en œuvre d’une coordination accrue entre les deux pays.
Dans tous les cas, la question qui se pose à la fin est la suivante : est-il possible d’extraire le Hamas de la République islamique d’Iran? Comment faire pour que le peuple palestinien cesse d’être utilisé comme carburant dans la guerre menée par la République islamique pour prouver que son projet d’expansion est viable?
La récente guerre à Gaza a révélé l’incompétence de la politique menée par Benjamin Netanyahu et la droite israélienne en général, une politique dont la base est de placer les palestiniens devant le fait accompli. Les palestiniens ont prouvé qu’ils formaient un seul peuple et que l’injustice dont sont victimes les habitants de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem, est également ressentie par les palestiniens qui détiennent la citoyenneté israélienne et qui résident à Haïfa, Akka ou Lod.
Par conséquent, il est plus que jamais nécessaire pour les pays arabes d’adopter une position unifiée visant à extraire le Hamas de l’Iran, en s’aidant de la position américaine favorable à l’option des deux États.
Une fois de plus, il est indispensable que le Hamas lance un programme politique clair qui confirme que le mouvement a d’autres préoccupations que de servir l’Iran. Comme d’habitude, les roquettes du Hamas ont joué un rôle négatif en servant les intérêts d’Israël et en infligeant de nouvelles destructions à Gaza et à son peuple, et c’est surtout à cause du Hamas que le monde ferme les yeux sur le siège imposé à la bande de Gaza depuis de nombreuses années.
Il ne fait aucun doute que l’Égypte a un rôle crucial à jouer pour déterminer l’avenir de Gaza et faire en sorte que le Hamas retrouve sa rationalité au lieu de croire que ses missiles peuvent libérer la Palestine de l’océan au fleuve et du fleuve à l’océan. Ses roquettes ont réussi à détourner la révolution des habitants de Jérusalem et à souligner l’impuissance de l’Autorité palestinienne basée à Ramallah, en s’imposant comme le représentant principal du peuple palestinien aux dépens de l’autorité de Ramallah. C’est une réalité difficile à surmonter, à moins que l’Autorité palestinienne prouve qu’elle a autre chose à proposer que son travail pour le maintien du statu quo. La stagnation se fait ressentir à tous les niveaux et dans tous les domaines. La meilleure expression en a été le report incessant des élections législatives palestiniennes sous prétexte qu’Israël refuse la participation des habitants de Jérusalem. Une impasse qui signifie que Mahmoud Abbas restera à vie le président de l’Autorité nationale.
Est-il possible d’exploiter ce que le Hamas considère comme une victoire du peuple palestinien? ou le mouvement continuera t-il à tournoyer dans sa spirale infernale au lieu de faire de la bande de Gaza un modèle de ce que pourrait être un État palestinien pacifique et prospère? Le Hamas a eu recours à la promotion d’un chaos qui a conduit à la création de son émirat islamique à partir de 2007 et à l’expulsion du Fatah avec tout ce qu’il symbolise à Gaza.
Que fera le Hamas de sa victoire? Cela dépendra beaucoup de l’existence d’un parti arabe capable de le sortir des griffes iraniennes, afin que la victoire du Hamas ne se transforme pas une nouvelle fois en défaite palestinienne.
