Une mystérieuse base aérienne en construction sur une île volcanique au large du Yémen

Une mystérieuse base aérienne est en cours de construction sur une île volcanique au large du Yémen. Elle est située dans l’un des passages maritimes les plus cruciaux au monde en matière de transport d’énergie et de fret commercial.

Aucun pays n’a revendiqué la base aérienne de l’île Mayyun dans le détroit de Bab el-Mandeb, mais le trafic maritime associé à une tentative antérieure de construction d’une piste massive de 3,5 miles de long à travers l’île il y a des années, suggère que ce sont les Emirats arabes Unis qui en sont à l’origine.

Des responsables du gouvernement yéménite internationalement reconnu affirment également que les Emiratis sont derrière ce dernier effort, même si les EAU avaient annoncé en 2019 qu’ils retiraient leurs troupes de la campagne militaire dirigée par l’Arabie saoudite pour combattre les rebelles houthis du Yémen.

“Cela semble être un objectif stratégique à plus long terme pour établir une présence relativement permanente”, a indiqué Jeremy Binnie, le rédacteur Moyen-Orient et Afrique de la société de renseignement open-source Janes, qui a suivi la construction de Mayyun pendant des années.

Les responsables émiratis à Abou Dhabi et à l’ambassade des Émirats arabes unis à Washington n’ont pas répondu aux demandes d’information.

La piste de l’île de Mayyun permet à ceux qui la contrôlent de projeter de la puissance dans le détroit et de lancer facilement des frappes aériennes sur le Yémen continental, secoué par une guerre sanglante qui dure depuis des années. Elle fournit également une base pour toutes les opérations menées dans la mer Rouge, le golfe d’Aden et à proximité de l’Afrique de l’Est.

Des images satellites de Planet Labs obtenues par l’Associated Press ont montré des machines construisant sur l’île une piste de 1,85 km (6070 pieds) le 11 avril. Le 18 mai, ces travaux semblaient terminés. Trois hangars ont été construits sur le tarmac juste au sud de la piste.

Une piste de cette longueur peut accueillir des avions d’attaque, de surveillance et de transport. Un effort antérieur commencé vers la fin de 2016 et abandonné plus tard a contraint les travailleurs à tenter de construire une piste encore plus grande de plus de 3 km de long, ce qui permettrait l’utilisation des bombardiers les plus lourds.

D’éminents responsables militaires du gouvernement yéménite que la coalition dirigée par l’Arabie saoudite soutient depuis 2015, ont déclaré que c’est les EAU qui construisaient la piste. Les responsables qui se sont adressé à l’AP anonymement car ils n’avaient pas l’autorisation d’informer la presse, ont déclaré que des navires émiratis avaient transporté ces dernières semaines des armes, des militaires, du matériel et des troupes sur l’île de Mayyun.

Les responsables militaires ont déclaré que les tensions récentes entre les Émirats arabes Unis et le président yéménite, Abdrabbo Mansour Hadi, étaient en partie dues à une demande émiratie de signer un bail de 20 ans pour Mayyun. Les responsables émiratis de leur côté n’ont reconnu aucun désaccord.

Le projet de construction initial qui a échoué a été lancé après que les forces émiraties et alliées ont repris en 2015 l’île aux rebelles houthis soutenus par l’Iran . Vers la fin de 2016, des images satellite ont montré des travaux de construction en cours sur le site.

Des remorqueurs de l’entreprise Echo Cargo & Shipping, basée à Dubaï, ainsi que des péniches de débarquement et des transporteurs de Bin Nawi Marine Services, basé à Abou Dhabi, ont contribué à livrer des équipements sur l’île durant la première tentative, selon les signaux de suivi enregistrés par la société de données Refinitiv. Les photos satellites de l’époque montrent qu’ils ont déchargé le matériel et les véhicules dans un port temporaire en bord de mer.

Echo Cargo & Shipping a refusé de commenter la question, tandis que Bin Nawi Marine Services n’a simplement pas donné suite à une demande de commentaire. Les données d’expédition récentes ne montrent aucun navire enregistré autour de Mayyun, ce qui suggère que la société qui a fourni le transport pour la dernière construction a éteint les dispositifs de suivi du système d’identification automatique de ses bateaux pour éviter d’être identifiée.

La construction s’est initialement arrêtée en 2017, probablement lorsque les ingénieurs ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas creuser dans une partie escarpée de l’île volcanique pour incorporer le site de l’ancienne piste. Selon des photos satellites, la construction a redémarré pour de bon sur le nouveau site de la piste vers le 22 février, soit plusieurs semaines après que le président Joe Biden a déclaré mettre fin au soutien américain à l’offensive saoudienne contre les Houthis.

La décision apparente des Emiratis de reprendre la construction de la base aérienne est intervenue après que les EAU ont démantelé des parties d’une base militaire qu’ils dirigeaient dans la république est-africaine d’Erythrée en tant que terrain de départ pour sa campagne au Yémen.

Eleonora Ardemagni, analyste à l’Institut italien d’études politiques internationales, a déclaré que si la Corne de l’Afrique était “devenue un endroit dangereux” pour les Emiratis en raison de la concurrence et des risques de guerre locaux, Mayyun avait une petite population et offrait un site précieux pour surveiller la mer Rouge. Il y a eu une augmentation des attaques et des incidents dans la région.

“Les Emiratis sont passés d’une politique étrangère de projection de puissance à une politique étrangère de protection de puissance”, a déclaré Ardemagni. Cela augmente “leur capacité à surveiller ce qui se passe et à prévenir d’éventuelles menaces de la part d’acteurs non étatiques proches de l’Iran”.

La force al-Qods des gardiens de la révolution islamique aurait mené une opération similaire sur un cargo stationné pendant longtemps à proximité du Yémen avant d’être, parait-il, la cible d’une attaque israélienne.

Mayyun, également connue sous le nom d’île de Perim, se trouve à trois kilomètres au sud-ouest du Yémen. Les puissances mondiales reconnaissent l’emplacement stratégique de l’île depuis des centaines d’années, notamment avec l’ouverture du canal de Suez reliant la Méditerranée et la mer Rouge.

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